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Les bamakois diplômés de Paris

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verras jamais <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> retraite, laisser ses parents comme ça, ah non !<br />

En fait, c’est à toi <strong>de</strong> faire quelque chose pour eux. […] Nous, on cotise<br />

l’argent tous les mois et qu’on envoie ça au Papa là-bas. Ça, c’est<br />

obligatoire ! » Ibrahim.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Donner, recevoir, rendre 1 », ces trois obligations fon<strong>de</strong>nt le contrat social<br />

entre les générations. <strong>Les</strong> ca<strong>de</strong>ts - nourris, hébergés, éduqués – s’inscrivent du côté<br />

<strong>de</strong>s débiteurs. Et la <strong>de</strong>tte ainsi contractée donne aux créanciers, les aînés, une<br />

assurance sur l’avenir. Aussitôt que l’on est en mesure <strong>de</strong> renvoyer la pareille, on est<br />

tenu <strong>de</strong> manifester sa « reconnaissance » à ceux dont on a reçu par le passé. On doit<br />

restituer ce que l’on nous a avancé. Pour les personnages <strong>de</strong> cette enquête, cela se<br />

traduit par l’obligation d’envoyer une partie <strong>de</strong> leur salaire à la famille restée au pays.<br />

Ainsi, Boua, « le plus ancien dans le cycle <strong>de</strong> production, ne doit plus rien à personne<br />

qu'aux ancêtres, alors qu'il concentre sur lui la totalité <strong>de</strong> ce dont les ca<strong>de</strong>ts lui sont<br />

re<strong>de</strong>vables à la communauté qu'il en vient ainsi à incarner 2 ».<br />

Toumani Diakité 3 , âgé <strong>de</strong> 60 ans et père <strong>de</strong> huit enfants, donne un second<br />

exemple <strong>de</strong> cette logique <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte et <strong>de</strong> sa mise en œuvre :<br />

David : « Mais toi par exemple, il n’y a que ton salaire pour toute la<br />

famille <br />

Toumani : Bon moi, […] j’ai déjà trois grands enfants qui travaillent. Donc<br />

à la fin du mois, ce qu’ils me donnent même ça… ça, ça me suffit même. Vous<br />

voyez Donc ça me permet <strong>de</strong> faire un peu plus. Sinon, ceux qui ne sont pas<br />

comme moi… […] Puisque chez nous on se dit que, à la fin du mois, tu dois<br />

faire une contribution à ton papa… Moi par exemple, quand je n’étais pas<br />

marié, quand j’étais célibataire là… Eh bien c’est la totalité <strong>de</strong> mon salaire<br />

que je donnais à mon père et c’est lui qui me donne quelque chose après.<br />

Maintenant que je me suis marié, j’ai la contribution. Chaque fin du mois, il<br />

faut que j’aille donner quelque chose. Bon ça dépend <strong>de</strong>s familles.<br />

David : D’accord, ce n’est pas toutes les familles.<br />

Toumani : Voilà, chez nous, c’est comme ça qu’on a été éduqué. Donc mes<br />

enfants, maintenant, c’est eux qui donnent quelque chose. Ça dépend plus <strong>de</strong><br />

1 Marcel Mauss, Essai sur le don, <strong>Paris</strong>, PUF, [1924], 2007.<br />

2 Op.cit., Meillassoux, 1992, p.70.<br />

3 Toumani est un voisin <strong>de</strong> la rési<strong>de</strong>nce familiale <strong>de</strong> la famille D. dans laquelle j’ai résidé durant un<br />

mois et située dans le quartier Hamdallaye <strong>de</strong> la capitale.<br />

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