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Les bamakois diplômés de Paris

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ambiance et j’étais respecté, y’a <strong>de</strong>s jeunes qui venaient se confier. […] Moi,<br />

c’était un boulot que j’aimais bien… parce que tu es en contact avec les<br />

jeunes, tu n’as pas <strong>de</strong> patron, tu n’as pas pression, c’est toi qui gère tout : les<br />

ron<strong>de</strong>s <strong>de</strong> surveillance, la maintenance, les loyers à encaisser, tu gères tout,<br />

tout seul.»<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

À bien <strong>de</strong>s égards, les différents aspects concrets du poste d’agent d’accueil sont<br />

<strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> plaisir pour Mamadou. Le contact avec les jeunes et la liberté au<br />

travail sont <strong>de</strong>ux éléments centraux qui participent à la construction d’une vision<br />

positive <strong>de</strong> son activité : en même temps qu’elle le socialise, elle lui offre un certain<br />

<strong>de</strong>gré d’autonomie (laquelle est d’ailleurs associée à l’absence <strong>de</strong> surveillance<br />

hiérarchique : « pas <strong>de</strong> patron, […] pas <strong>de</strong> pression »).<br />

Pour Christian Bau<strong>de</strong>lot et Michel Gollac, le plaisir au travail peut être lié à la<br />

qualité <strong>de</strong> l’emploi exercé. Ils écrivent : « Moins l’emploi est assuré, plus on déclare<br />

trouver un agrément au travail. Pour les actifs en CDD, le bonheur d’avoir un emploi<br />

l’emporte sur toute autre considération et à tendance à rejaillir sur le plaisir associé<br />

au contenu du travail. Il faut « s’estimer heureux » d’avoir un emploi, on prend donc<br />

plaisir à travailler. Une <strong>de</strong>s composantes essentielles <strong>de</strong> l’agrément au travail, plaisir<br />

construit, serait alors la représentation du péril <strong>de</strong> la perte <strong>de</strong> l’emploi 1 ».<br />

Le plaisir que Mamadou retire à exercer le métier d’agent d’accueil a-t-il un<br />

rapport avec l’incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se voir confier <strong>de</strong> nouvelles missions Une chose est<br />

sûre, l’aménagement <strong>de</strong> son temps <strong>de</strong> travail est complètement dépendant <strong>de</strong>s<br />

fluctuations <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> remplacements. Cette variation du temps <strong>de</strong> travail<br />

entraîne nécessairement une variation <strong>de</strong>s revenus : « tu peux faire <strong>de</strong>s mois à 1500<br />

euros et d’autres à 300 euros ». Dès lors, on comprend mieux cette idée <strong>de</strong> mon<br />

interlocuteur selon laquelle le malheur <strong>de</strong>s travailleurs permanents fait le bonheur<br />

<strong>de</strong>s travailleurs remplaçants.<br />

Entre 2000 et 2003, Mamadou oscille entre <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> « rush » et <strong>de</strong><br />

« vaches maigres ». Pour lui, il s’agit d’avoir une prise sur cette variable « temps <strong>de</strong><br />

travail » et d’accepter chaque mission pour renforcer la possibilité <strong>de</strong> s’en voir<br />

proposer d’autres :<br />

« Et puis moi, j’en voulais. J’appelais tous les jours pour savoir s’il y avait<br />

<strong>de</strong>s missions. Au bout d’un moment, ils voient que tu es sérieux et c’est eux<br />

qui t’appellent. À chaque fois que j’avais le responsable du planning au<br />

1 Christian Bau<strong>de</strong>lot, Michel Gollac, Travailler pour être heureux , Le bonheur et le travail en France,<br />

<strong>Paris</strong>, Fayard, 2003, p. 168.<br />

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