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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

<strong>de</strong> l’ordre. Cette répression a sonné le début <strong>de</strong>s émeutes – parfois mortelles –<br />

opposant « la rue » au « pouvoir ». Il s’agit maintenant <strong>de</strong> déstabiliser le<br />

gouvernement en place, <strong>de</strong> le défier 1 . Dans la nuit du 25 au 26 mars 1991, le général<br />

Moussa Traoré est arrêté par le Comité militaire <strong>de</strong> Réconciliation Nationale (CRN).<br />

Le lieutenant colonel Amadou Toumani Touré s’installe à la tête <strong>de</strong> l’État pour<br />

organiser, un an plus tard, et comme il l’avait promis, les élections prési<strong>de</strong>ntielles.<br />

C’est Alpha Oumar Konaré qui sort vainqueur <strong>de</strong>s suffrages. L’objectif du Prési<strong>de</strong>nt<br />

<strong>de</strong> la République est <strong>de</strong> redresser l’économie du pays et <strong>de</strong> répondre aux exigences<br />

<strong>de</strong>s étudiants 2 .<br />

Malgré les efforts consentis, l’État ne parvient pas à remanier - selon les attentes<br />

<strong>de</strong>s étudiants - le système éducatif. Par exemple, Alpha Oumar Konaré, dans son<br />

discours du 13 novembre 1999, déclare : « il n’est pas possible, quelle que soit notre<br />

volonté, <strong>de</strong> recruter au niveau <strong>de</strong>s salaires actuels <strong>de</strong> la fonction publique les 25 000<br />

enseignants dont nous avons besoin». <strong>Les</strong> infrastructures, quand elles existent 3 , se<br />

dégra<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> jour et en jour et ne suffisent toujours pas à garantir l’emploi. Promis au<br />

chômage, et constatant la faillite <strong>de</strong>s politiques scolaires, les étudiants et les lycéens<br />

allaient <strong>de</strong> nouveau se faire entendre :<br />

1 Marie-France Lange voit également, dans les revendications estudiantine et lycéenne, une façon <strong>de</strong><br />

contester les métho<strong>de</strong>s d’enseignement reposant sur une violence physique et symbolique. Pour cette<br />

auteure, cette «violence scolaire » relève d’une volonté politique et idéologique : « le fait <strong>de</strong> maintenir<br />

<strong>de</strong> jeunes adultes en situation <strong>de</strong> soumission totale à l’autorité résulte <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> former <strong>de</strong>s<br />

citoyens soumis et irresponsables (au sens où toute responsabilité sociale leur est ôtée), qui pourront<br />

s’insérer dans le type <strong>de</strong> société « bloquée » que génèrent les États totalitaires ». Op.cit., Lange, 1991,<br />

p. 166.<br />

2 Consignées dans le Mémorandum AEEM, leurs revendications comprenaient, entre autres :<br />

l’augmentation <strong>de</strong>s bourses, la réintégration <strong>de</strong>s bourses dans les établissements d’enseignement<br />

secondaire général, technique et professionnel, la réouverture <strong>de</strong>s internats dans six lycées et quatre<br />

établissements du supérieur, l’ouverture <strong>de</strong>s cantines sur l’ensemble du territoire national, le<br />

recrutement d’enseignants <strong>de</strong> qualité en nombre suffisant, la suppression du système <strong>de</strong> la double<br />

vacation et <strong>de</strong> la double division, l’équipement <strong>de</strong>s laboratoires et <strong>de</strong>s bibliothèques dans tous les<br />

établissements pour un bon déroulement <strong>de</strong>s travaux pratiques, la reprise <strong>de</strong>s étudiants renvoyés pour<br />

insuffisance <strong>de</strong> travail. République du Mali, Mémorandum AEEM – Gouvernement du 11 avril 1991,<br />

Bamako, 1991.<br />

3<br />

Plusieurs enquêtés ont témoigné <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> certaines filières universitaires lorsqu’ils se<br />

trouvaient à Bamako, en particulier en ce qui concerne les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> troisième cycle. C’est notamment<br />

l’argument mobilisé par Gaoussou pour expliquer sa migration : « Au départ je me dis que je suis<br />

jeune et que j’ai <strong>de</strong> l’ambition. Je préfère faire <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s plus poussées. Bon déjà, tout le mon<strong>de</strong> sait<br />

que la qualité <strong>de</strong> l’enseignement, c’est pas pareil dans les pays en voie <strong>de</strong> développement ou dans les<br />

pays sous-développés. En Europe, c’est pas la même qualité. Et secundo, je me dis que peut être<br />

j’aurai la possibilité <strong>de</strong> poursuivre un troisième cycle. Par exemple, dans la discipline que j’ai choisi<br />

l’économie, au Mali, on a pas d’université <strong>de</strong> troisième cycle. Donc, soit il faut aller à l’université <strong>de</strong><br />

Dakar, ou dans les pays maghrébins, ou en Europe, ou aux États-Unis. […] Donc si je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> rester<br />

au Mali, ça veut dire que je m’arrête à Bac + 4. Pas plus. […] C’est pour ça que je me suis dit que je ne<br />

m’arrêterai pas à Bac + 4, dès le départ je me suis dit que je ne m’arrêterai jamais à Bac + 4.<br />

Minimum Bac + 5, ça c’est le minimum, après je peux penser à retourner au Mali. » Gaoussou.<br />

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