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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

À <strong>Paris</strong>, se retrouver dans un café semble remplir une fonction similaire. Cela<br />

permet aux enquêtés <strong>de</strong> s’approprier l’espace parisien et <strong>de</strong> former un groupe social<br />

intermédiaire entre l’individu et la société d’immigration.<br />

Comme je l’ai dit ailleurs, cette pratique, régulière et largement masculine, offre<br />

la possibilité aux participants <strong>de</strong> <strong>de</strong>sserrer les gran<strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> la vie familiale<br />

et/ou professionnelle. <strong>Les</strong> tasses <strong>de</strong> cafés tiennent le rôle <strong>de</strong> relance <strong>de</strong> discours<br />

faisant <strong>de</strong> la parole un élément central <strong>de</strong> cette forme <strong>de</strong> sociabilité. À ces occasions,<br />

les enquêtés se remémorent leur passé <strong>bamakois</strong> (ce qu’Isabelle Cannoodt et David<br />

Lepoutre ont nommé les « interactions mémorielles 1 »), prennent <strong>de</strong>s nouvelles du<br />

pays ou <strong>de</strong> leurs proches, parlent leur langue maternelle, etc.<br />

Ainsi le café, haut lieu <strong>de</strong> sociabilité parisienne, n’a-t-il rien d’anodin. Il est non<br />

seulement un lieu où les Bamakois diplômés rencontrés revigorent leurs liens, mais il<br />

est également un lieu où s’élaborent les représentations sociales du groupe, son<br />

i<strong>de</strong>ntité pour le dire en un mot.<br />

On peut interpréter ces réunions d’amis comme étant le résultat d’une condition<br />

sociale partagée, non seulement celle qui étaient la leur à Bamako mais aussi celle qui<br />

est la leur à <strong>Paris</strong>. En effet, la plupart <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> l’enquête vive leur situation<br />

en France comme un déclassement. Le décalage entre les dispositions sociales et la<br />

position, entre la profession et le diplôme (pour être plus précis), « est ce qui peut<br />

rapprocher […] les enfants <strong>de</strong> la bourgeoisie qui n’ont pas obtenu du système scolaire<br />

les moyens <strong>de</strong> poursuivre la trajectoire la plus probable pour leur classe 2 ».<br />

Quoi qu’il en soit, la vie privée et les tierces-activités donnent à voir ce qui fon<strong>de</strong><br />

la particularité du groupe d’interconnaissance <strong>de</strong> cette enquête : <strong>de</strong>s similitu<strong>de</strong>s dans<br />

les profils sociologiques, analogies <strong>de</strong>s conditions économiques et sociales avant et<br />

après la migration.<br />

J’ai amorcé dans ce travail une approche <strong>de</strong> l’immigration en termes <strong>de</strong> classes<br />

sociales, notamment en nommant la condition sociale d’origine <strong>de</strong>s enquêtés- la<br />

petite bourgeoisie <strong>bamakois</strong>e - et la condition sociale qui est la leur à <strong>Paris</strong> – groupe<br />

populaire et classe moyenne inférieure.<br />

<strong>Les</strong> éléments retenus pour classer mes interlocuteurs dans la structure sociale<br />

française – revenus et profession – disent quelque chose <strong>de</strong> leur réalité sociale.<br />

Cependant, ces mêmes éléments ne nous renseignent pas sur les liens qui unissent les<br />

1 Op.cit., Lepoutre et Cannoodt, 2005, p. 289.<br />

2 Op.cit, Bourdieu, 1978, p.14.<br />

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