20.01.2015 Views

Les bamakois diplômés de Paris

Les bamakois diplômés de Paris

Les bamakois diplômés de Paris

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

« Quand en as-tu besoin » ; « Aujourd’hui. » ; « Je prends le métro et<br />

j’arrive ».<br />

En chemin, je m’arrête à un distributeur et retire 100 euros. […] Je<br />

prends la direction <strong>de</strong>s Halles, « Le Bon pêcheur 1 ». […]<br />

Arrivé au café, je ne vois pas Mamadou en terrasse. Je gonfle mes joues<br />

en signe d’agacement. Dans la secon<strong>de</strong> qui suit, je l’aperçois au bar,<br />

discutant avec Demba. J’espère que ma mimique ne s’est pas vue... Je<br />

souris.<br />

Nous nous saluons cordialement et je leur propose d’aller à l’extérieur<br />

pour pouvoir fumer. Ils acceptent. Nous parlons un peu <strong>de</strong> l’opération du<br />

genou que Mamadou vient <strong>de</strong> subir et <strong>de</strong> la reprise imminente <strong>de</strong> son travail<br />

en tant que <strong>de</strong> gardien <strong>de</strong> sta<strong>de</strong> municipal.<br />

Je comman<strong>de</strong> un coca-cola et je profite <strong>de</strong> l’absence momentanée <strong>de</strong><br />

Demba pour sortir l’argent. Observant son retour, je range immédiatement<br />

mon portefeuille […].<br />

« Non, non – me dit Mamadou, tu peux … »<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Je sors alors la somme convenue et la vérifie. C’est alors que Daouda,<br />

que je n’avais pas vu arrivé, tente <strong>de</strong> me prendre l’argent <strong>de</strong>s mains. Par<br />

reflexe, j’étreins davantage les billets.<br />

« Ah, tu sais qu’on te <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au Bled ! » me dit Daouda, l’un <strong>de</strong>s<br />

frères triplés <strong>de</strong> la famille D.<br />

Je remarque que Mamadou n’a pas fait appel qu’à moi pour cette ai<strong>de</strong><br />

financière ponctuelle. En plus <strong>de</strong> Demba et Daouda, <strong>de</strong>ux autres personnes<br />

se joignent à nous, <strong>de</strong>ux hommes. Ils ont également répondu à « l’appel » <strong>de</strong><br />

Mamadou et ont aussi sorti leur portefeuille.<br />

Cette scène a retenu mon attention pour <strong>de</strong>ux raisons. D’une part, on<br />

remarquera que Mamadou n’a jamais souhaité le remboursement <strong>de</strong> la somme que je<br />

considérais lui <strong>de</strong>voir. Lorsque mon interlocuteur, huit mois plus tard, déclare<br />

« avoir besoin <strong>de</strong> 200 euros », je me suis senti dans l’obligation <strong>de</strong> lui rendre ce que<br />

j’avais reçu par la passé. C’est précisément ce sentiment d’être re<strong>de</strong>vable qui a généré<br />

une tension dans mon rapport à Mamadou. En effet, dans ma représentation <strong>de</strong> la<br />

relation d’enquête, les dons d’argent étaient exclus.<br />

D’autre part, la <strong>de</strong>uxième partie <strong>de</strong> l’observation – celle qui se déroule au « Bon<br />

Pêcheur » - montre que Mamadou a agi envers moi <strong>de</strong> la même façon qu’il l’a fait avec<br />

ses amis et son frère. Le don d’argent est donc à percevoir comme un signe<br />

d’intégration au réseau d’interconnaissance <strong>de</strong> cette enquête. L’entrai<strong>de</strong> financière, si<br />

1 Cf. les lieux d’enquête, p. 43.<br />

68

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!