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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Mamadou a bien tenté <strong>de</strong> sécuriser ses conditions d’emploi, notamment en<br />

cherchant à décrocher un CDI en tant que gardien <strong>de</strong> sta<strong>de</strong>. Mais la condition<br />

d’étranger (en droit) et la condition <strong>de</strong> « travailleur temporaire » ten<strong>de</strong>nt à se<br />

renforcer mutuellement, contribuant ainsi à maintenir mon interlocuteur dans le<br />

« provisoire ».<br />

Et c’est finalement cette dimension « provisoire » qui caractérise l’itinéraire<br />

professionnel <strong>de</strong> cet interlocuteur, <strong>de</strong> telle sorte que la sécurité <strong>de</strong> l’emploi est<br />

aujourd’hui perçue par lui comme une quête <strong>de</strong> plus en plus illusoire : « le boulot, ça<br />

vient, ça repart. Tu n’y peux rien ». Il s’agit donc d’une carrière professionnelle en<br />

pointillé, marquée non seulement par une discontinuité <strong>de</strong> l’emploi et <strong>de</strong>s revenus,<br />

mais aussi par une pluralité <strong>de</strong> métiers qui n’ont à peu près rien à voir les uns avec les<br />

autres (ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> costumes, commis <strong>de</strong> cuisine, peintre, etc.). Aussi l’intermittence<br />

<strong>de</strong> l’emploi est-elle également synonyme - pour cet interlocuteur - d’une socialisation<br />

professionnelle hétérogène.<br />

Pour autant, et comme je l’ai précisé plus haut, la diversité <strong>de</strong>s métiers exercés<br />

par Mamadou présentent le point commun <strong>de</strong> se situer en bas <strong>de</strong> la hiérarchie<br />

professionnelle. Cela m’amène à formuler une <strong>de</strong>rnière remarque à propos <strong>de</strong> son<br />

capital scolaire. Dans son discours sur le travail, il n’a que très rarement évoqué sa<br />

formation en commerce international suivie au Mali. Tout se passe comme s’il<br />

n’attendait rien <strong>de</strong> son diplôme, comme si celui-ci n’était d’aucune utilité pour une<br />

mobilité professionnelle ascendante en France.<br />

Il semble ici que ses conditions d’immigration et d’emplois dans l’immigration<br />

ont très vite contraint Mamadou à faire le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> son diplôme. Encore une fois, il<br />

faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit que mon interlocuteur, durant la totalité <strong>de</strong> son expérience<br />

migratoire, a du faire avec une précarité économique toujours menaçante.<br />

« Regar<strong>de</strong>, j’ai fait toutes sortes <strong>de</strong> boulots et j’ai toujours gagné un salaire<br />

bien en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> SMIC. Je ne compte pas tous les mois où je n’avais rien…<br />

Je ne sais même pas comment j’ai fait… Je me dis toujours que “ça va aller“,<br />

c’est ma <strong>de</strong>vise. De toute façon, pour moi le travail maintenant, c’est avoir le<br />

minimum pour survivre, peu importe dans quoi, c’est juste le minimum pour<br />

survivre.»<br />

Dans cette déclaration recueillie au mois <strong>de</strong> novembre 2011, on comprend que le<br />

travail pour Mamadou n’a aujourd’hui d’autre finalité que celle <strong>de</strong> « survivre », il n’a<br />

d’autre fonction que le revenu qu’il procure. Dans ces conditions, exercer un métier à<br />

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