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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Attachement aux traditions d’une civilisation jadis glorieuse parvenue à un<br />

sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement suffisamment élaboré pour pouvoir se comparer et<br />

se préférer à la civilisation occi<strong>de</strong>ntale à laquelle elle est confrontée,<br />

sectarisme et puritanisme musulman maintenant la communauté à l’abris<br />

<strong>de</strong>s tentations offertes par le milieu d’accueil et la poussant à en mépriser les<br />

valeurs tout en prônant fanatiquement les siennes propres. De ceci découle le<br />

refus <strong>de</strong> s’insérer dans le milieu d’accueil et la préférence donnée à l’habitat<br />

collectif rassemblant uniquement <strong>de</strong>s Africains, même dans les pires<br />

conditions d’inconfort, plutôt qu’à l’habitat salubre mais individuel <strong>de</strong>s<br />

européens. De là provient également le refus <strong>de</strong> s’alphabétiser et d’accé<strong>de</strong>r<br />

aux valeurs culturelles occi<strong>de</strong>ntales, refus qui maintient l’Africain dans la<br />

catégorie <strong>de</strong>s travailleurs sans qualification où nous constatons sa présence la<br />

plus <strong>de</strong>nse […].<br />

Du fait <strong>de</strong> la place dominante que [les Soninkés] occupent dans la<br />

population noire <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, ils ont imposé leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie : habitant dans <strong>de</strong>s<br />

foyers du nord-est <strong>de</strong> la capitale et employé comme main d’œuvre ou O.S<br />

dans le secteur industriel ou comme balayeurs à la voierie municipale, ils se<br />

sont livrés à une colonisation progressive du secteur qu’ils occupent, se<br />

transmettant <strong>de</strong> parent à parent le lit qu’ils occupent dans le foyer et le poste<br />

qu’ils détiennent dans l’entreprise. Ceci a rendu longtemps difficile<br />

l’implantation d’autres ethnies dans la capitale française, car la solidarité du<br />

Soninké, si largement ouverte à ses frères, se fermait impitoyablement à ceux<br />

qui ne parlaient pas sa langue où ne comprenaient pas ses coutumes 1 ».<br />

Lorsque j’ai lu ces <strong>de</strong>ux paragraphes à propos <strong>de</strong>s migrants soninkés, j’ai été<br />

frappé par la similitu<strong>de</strong> entre les analyses <strong>de</strong> l’auteur (écrites en 1976) et les discours<br />

tenus par certains enquêtés (entre 2004 et 2010) sur cette frange <strong>de</strong> la population<br />

africaine installée à <strong>Paris</strong> : sentiment <strong>de</strong> supériorité, refus d’intégration, préférence<br />

pour les structures d’habitation collective (les foyers), implantation dans certains<br />

secteurs d’activité, solidarité exclusive.<br />

Ibrahim, par exemple, juge négativement ces quelques « traits » <strong>de</strong><br />

l’immigration soninké :<br />

« Mais ils ont une métho<strong>de</strong> d’immigration très mauvaise. […] Cette<br />

immigration là, je la trouve très violente. Je la juge violente parce qu’en fait<br />

prendre quelqu’un du fond, fond, fond, <strong>de</strong> la brousse, l’emmener dans une<br />

civilisation qui est non seulement <strong>de</strong>ux fois supérieure, six fois supérieure à<br />

celle où elle vivait mais encore <strong>de</strong>ux fois supérieure à celle <strong>de</strong> sa propre<br />

capitale. La personne est complètement en déphasage. Est-ce que tu vois <br />

<strong>Les</strong> comportements qu’elle avait dans la brousse, c’est les mêmes<br />

1 Op.cit., Barou, 1976, p. 231 et p. 233.<br />

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