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Les bamakois diplômés de Paris

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livraisons. J’étais déjà là, parce qu’on me le <strong>de</strong>mandait, à 6 ou 7 heures du<br />

matin, alors que le magasin ouvrait à 9 heures. C’était toujours comme ça.<br />

Je suis resté comme ça à peu près 8 mois. Donc sans papiers, sans domicile,<br />

sans rien.» Daouda.<br />

« Des fois, j’étais dans les cafés, je restais jusqu’à <strong>de</strong>ux heures mais je te jure,<br />

je ne savais même pas où dormir la nuit. Je repartais, je dormais dans les<br />

hôpitaux, dans les urgences et tout… On se connaissait déjà et je t’ai jamais<br />

appelé, mais il y a plus pire que moi… Moi, il y a <strong>de</strong>s moments où je prenais<br />

mes douches chaque jeudi et ça, c’était dans un centre à Vitry. J’y allais, on<br />

nous offrait un caleçon propre, une serviette, une savonnette et on prenait<br />

nos douches. […] Quand tu as ce genre <strong>de</strong> problème, il vaut mieux savoir le<br />

gérer, bon tu vois <strong>de</strong> temps en temps ça ne m’empêchait d’aller me reposer,<br />

d’aller dormir chez <strong>de</strong>s amis, mes frères et tout. Pour moi, c’était important<br />

<strong>de</strong> savoir qu’on peut s’en sortir seul dans ces moments là.» Mamadou.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Ibrahim, Ladji, Daouda, Mamadou et d’autres témoignent avant tout <strong>de</strong>s<br />

conditions d’existence précaires dans lesquelles ils ont été amenés à vivre. Ils<br />

témoignent également du vi<strong>de</strong> social et affectif qui a caractérisé ces pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leur<br />

vie. Cet « isolement précaire » n’est évi<strong>de</strong>mment pas un acte volontaire <strong>de</strong> mise à<br />

l’écart <strong>de</strong>s autres. Il est un isolement contraint, imposé. Il ne signifie pas non plus<br />

l’absence <strong>de</strong> contact avec autrui. Il marque plutôt l’absence d’inscription durable dans<br />

une « société <strong>de</strong> permanence 1 ».<br />

La situation sociale <strong>de</strong> mes interlocuteurs lorsqu’ils étaient au Mali (forte<br />

dépendance familiale) contraste avec celle qui est la leur en France après quelques<br />

mois d’installation (inscription sociale flottante 2 ). À Bamako, l’accès aux échelons<br />

supérieurs <strong>de</strong> la hiérarchie familiale – ceux d’être mari puis père par exemple – avait<br />

été condamné pour <strong>de</strong>s raisons essentiellement économiques 3 . Sans emploi ou sous<br />

employés, ils se sont trouvés dans l’impossibilité d’exercer les fonctions d’adulte.<br />

Mais leur situation d’emploi n’a pas pour autant provoqué une exclusion <strong>de</strong> la maison<br />

familiale. Ils n’y occupaient pas le rang social qui <strong>de</strong>vait être le leur au sein du groupe<br />

<strong>de</strong> parenté. En d’autres termes, l’institution familiale malienne – si l’on me permet<br />

l’expression – continuait d’offrir à chacun <strong>de</strong>s enquêtés une forme <strong>de</strong> protection<br />

sociale et économique dans les conditions <strong>de</strong> la petite bourgeoisie <strong>bamakois</strong>e, par<br />

exemple :<br />

1 Op.cit., Castel, 2007, p. 49.<br />

2 Tant sur le plan familial que sur le plan professionnel, insertion professionnelle que j’abor<strong>de</strong>rai en<br />

profon<strong>de</strong>ur dans le prochain chapitre.<br />

3 <strong>Les</strong> conditions d’emploi à Bamako dans les années 90 ont gelé les mécanismes <strong>de</strong> reproduction<br />

domestique.<br />

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