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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« élever » est significatif ici). Par ce biais, il introduit une dimension à la fois<br />

hiérarchique et affective pour expliquer le lien entre les <strong>de</strong>ux pays. Et cette double<br />

dimension se confirme lorsqu’il me fait part <strong>de</strong> son sentiment à propos <strong>de</strong>s politiques<br />

migratoires françaises.<br />

Pourquoi avoir choisi cet extrait Parce qu’il donne un léger aperçu <strong>de</strong>s<br />

conséquences profon<strong>de</strong>s et durables <strong>de</strong> la colonisation sur les consciences et sur la<br />

société malienne dans son ensemble.<br />

Avant tout, je voudrais rappeler que mes interlocuteurs ont été socialisés à<br />

l’intérieur d’un système scolaire implanté par les Français durant la pério<strong>de</strong> coloniale.<br />

Certes, ce système est censé garantir un diplôme et l’intégration professionnelle. Mais<br />

il doit également, et c’est là sa fonction première, permettre aux mécanismes <strong>de</strong><br />

reproduction sociale <strong>de</strong> fonctionner. En ce sens, la colonisation a été l’imposition<br />

d’un nouvel ordre social.<br />

« Parce que cette confrontation entre <strong>de</strong>ux ordres radicalement opposés<br />

s’inscrivaient dans un rapport <strong>de</strong> force <strong>de</strong>s plus inégaux, il en résulta un<br />

bouleversement total auquel l’ordre ancien ne put survivre qu’émietté, exténué, et <strong>de</strong><br />

manière anachronique 1 ».<br />

À bien y réfléchir, les familles <strong>de</strong> mes interlocuteurs ont adhéré au système<br />

social post-colonial. Mais il ne faut surtout pas conclure que ceux et celles qui ont<br />

suivi le modèle social issu <strong>de</strong> la colonisation nourrissent envers la société française<br />

une « admiration sans borne », au contraire. L’observation suivante – au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

relater ce qui a été une <strong>de</strong> mes plus gran<strong>de</strong>s maladresses sur le terrain – permet <strong>de</strong><br />

rendre compte <strong>de</strong> l’image « négative » associée à la catégorie « blanc » :<br />

[Bamako, le 10.11.07] Mamadou et moi prenons le thé <strong>de</strong>vant son<br />

domicile, dans la rue. Petit Boua, âgé <strong>de</strong> cinq ans, est parmi nous. Il s’ennuie<br />

et vient me trouver un foulard à la main. Il me fait signe <strong>de</strong> lui attacher ledit<br />

foulard autour <strong>de</strong> la tête. Nous faisons semblant <strong>de</strong> nous battre, entre<br />

garçons. Après quelques minutes, Boua est lassé et me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> trouver<br />

un autre jeu. Je lui retire le foulard du front et déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> nous attacher l’un<br />

l’autre par le poignet. Je lui fais comprendre qu’il est mon prisonnier. À peine<br />

commençons nous à jouer au « gendarme et au voleur » que <strong>de</strong>ux hommes<br />

viennent nous trouver : « Qui a fait ça », la question est impérative. Elle est<br />

posée par l’oncle <strong>de</strong> Mamadou dont j’estime l’âge à une cinquantaine<br />

d’années. « Non, c’est pas bon », continue-t-il. J’essaie d’emblée <strong>de</strong> défaire le<br />

foulard. Je me sens extrêmement mal à l’aise. Le <strong>de</strong>uxième homme, inconnu<br />

1 Op.cit., Sayad, 1999, p. 102.<br />

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