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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

comportements qui vont se répéter en Europe ici, d’où l’explication <strong>de</strong> la<br />

salubrité dans certains foyers ici, d’où l’inadaptation <strong>de</strong> certains immigrés à<br />

vos coutumes, à vos mœurs ici. C’est comme si c’était trop rapi<strong>de</strong> pour eux<br />

quoi. Tu n’as jamais vu un avion passé au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toi et te voilà, du jour<br />

au len<strong>de</strong>main, tu viens, tu fais escale à la capitale [Bamako], on te met dans<br />

l‘avion et tu viens dans <strong>Paris</strong>. Tu vois ! Ça, ça fait très très mal ! C’est pour<br />

ça qu’ils n’arrivent pas à s’adapter, qu’ils ne pourront jamais s’adapter. Si tu<br />

leur donnes ce milieu là, ils vont en faire un “couchoir“. […] C’est pour cela<br />

que l’immigration <strong>de</strong>s Sarakolés n’est pas tellement aimée par les Maliens.<br />

Mais ils n’ont pas <strong>de</strong> créativité, ils n’utilisent pas l’argent <strong>de</strong> façon bénéfique.<br />

Parce que déjà au Mali, tous ceux qui vivent dans la capitale à Bamako, ils<br />

ont eu une influence <strong>de</strong> l’occi<strong>de</strong>nt très néfaste aux yeux <strong>de</strong>s Soninkés, tu<br />

comprends Ils n’aiment pas ça, il ne faudrait pas que ces gens là<br />

approchent leurs enfants pour leur donner la même influence. Ils se coupent<br />

<strong>de</strong> la capitale, et quand ils viennent ici, ils se coupent <strong>de</strong>s gens d’ici. Il y a<br />

une frontière. Tu vas voir que, dans un foyer sarakolé, il n’y a que <strong>de</strong>s<br />

Sarakolés, même si tu es malien hein, ils vont tout faire pour t’expulser.»<br />

Ibrahim.<br />

Il ne s’agit pas ici <strong>de</strong> débattre sur la façon dont les ruraux soninkés organisent<br />

leur migration mais plutôt <strong>de</strong> relever l’existence d’un point <strong>de</strong> vue négatif sur<br />

l’immigration pionnière <strong>de</strong>s Africains en France. Plus précisément, il s’agit <strong>de</strong><br />

prendre note <strong>de</strong> ce que l’on pourrait appeler un « préjugé soninké ».<br />

J’ai signalé ailleurs les difficultés rencontrées dans l’enquête pour comprendre<br />

ce que signifie l’ethnie pour les personnages <strong>de</strong> cette enquête. J’ai également insisté<br />

sur le fait que la formation du groupe d’interconnaissance rencontré à <strong>Paris</strong> ne repose<br />

pas (prioritairement) sur l’appartenance à une ethnie spécifique puisque ses<br />

membres sont dogons, malinkés, peuls mais aussi soninkés.<br />

Or, les moments où les discours <strong>de</strong>s enquêtés sur l’ethnie ont été<br />

particulièrement <strong>de</strong>nses concernent précisément l’immigration soninké, notamment<br />

pour s’en distinguer. Et lorsque j’ai fait remarquer à Ibrahim (cité ci-<strong>de</strong>ssus) que<br />

certains <strong>de</strong> ses proches étaient soninkés, il m’a répondu sans hésitation qu’il s’agissait<br />

<strong>de</strong> « Sarakolés <strong>de</strong> la capitale ».<br />

La question que l’on peut se poser est <strong>de</strong> savoir si la frontière entre les Sarakolés<br />

et les autres ethnies, si clairement établie par plusieurs enquêtés, n’est pas, en réalité,<br />

celle qui sépare les migrants originaires <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> ceux qui sont<br />

originaires <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong>s villages, ceux qui détiennent un capital scolaire <strong>de</strong> ceux<br />

qui en sont dépourvus.<br />

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