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Les bamakois diplômés de Paris

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l’extrait d’entretien cités ci-<strong>de</strong>ssus, n’a pas reçu les coups <strong>de</strong> fouets, qui n’a pas été<br />

humilié. Il est aussi celui qui n’arrive pas en retard…<br />

[Bamako, le 19.11.07] <strong>Les</strong> élèves <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> Djigui s’exercent à la<br />

lecture orale […]. Une jeune fille arrive vingt minutes après le début du cours.<br />

Elle dépose ses affaires et, sans intervention <strong>de</strong> l’enseignant, s’agenouille face<br />

au tableau durant une vingtaine <strong>de</strong> minutes. C’est la « punition du retard ».<br />

… qui ne bavar<strong>de</strong> pas :<br />

« Souvent quand j’écris au tableau, je me retourne, je grille un élève qui est<br />

en train <strong>de</strong> bavar<strong>de</strong>r, je le fixe bien et tu vois l’enfant, il baisse les yeux. »<br />

Moussa 1 .<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Bref, le bon élève est celui qui ne s’écarte pas <strong>de</strong>s chemins <strong>de</strong> la conformité. Et<br />

l’inobservance <strong>de</strong>s règles disciplinaires s’accompagnent d’une série <strong>de</strong> pénalités dont<br />

l’effet doit d’être correctif. La sanction se veut normalisatrice. Et puisque tous les<br />

élèves – bons ou mauvais - sont soumis au même modèle disciplinaire, la crainte<br />

d’être sanctionné pèse sur les consciences. C’est cette potentialité d’être sanctionné<br />

qui, selon Djigui, permet <strong>de</strong> maintenir l’ordre dans sa classe 2 :<br />

« <strong>Les</strong> <strong>de</strong>voirs Ils les font, ils les font. Non, tu les menaces, il faut mettre la<br />

pression sur eux et gare à celui qui vient sans faire son <strong>de</strong>voir. Tu verras, tu<br />

leur montres le fouet… ça suffit. J’ai déjà… Parce que tu sais, l’enseignement<br />

fondamental ne va pas sans le fouet ; ici, quand même, l’enfant vraiment<br />

c’est comme ça. » Djigui.<br />

« À travers cette micro-économie d’une pénalité perpétuelle, s’opère une<br />

différenciation qui n’est pas celle <strong>de</strong>s actes, mais <strong>de</strong>s individus eux-mêmes, <strong>de</strong> leur<br />

virtualité, <strong>de</strong> leur niveau ou <strong>de</strong> leur valeur. La discipline, en sanctionnant les actes<br />

avec exactitu<strong>de</strong>, jauge les individus « en vérité » ; la pénalité qu’elle met en œuvre<br />

s’intègre dans le cycle <strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong>s individus 3 »<br />

Le bulletin <strong>de</strong> note, pour continuer sur cet exemple, est bien une<br />

« formalisation » <strong>de</strong> l’individuel. C’est à partir <strong>de</strong> ce document écrit que Djigui établit<br />

1 Moussa encadre les premières années au sein <strong>de</strong> l’école publique Korofina.<br />

2 Lors d’une discussion informelle, Toumani, enseignant à l’école publique Korofina, m’expliquait que<br />

la correction physique <strong>de</strong>s élèves a eu <strong>de</strong>s effets indésirables : certains, suite aux punitions répétées,<br />

« ont tout simplement arrêté <strong>de</strong> venir à l’école».<br />

3 Op.cit., Foucault, 1975, p. 213.<br />

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