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Les bamakois diplômés de Paris

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[Bamako, le 2.12.2007] Il est 20h. On dîne à heure fixe chez les D..<br />

Comme c’est souvent le cas dans les rési<strong>de</strong>nces <strong>bamakois</strong>es, le repas se passe<br />

dans la cour. Deux cercles distincts se forment : les femmes ont pris place au<br />

fond <strong>de</strong> la cour, près <strong>de</strong> la cuisine ; les hommes, eux, se sont installés du côté<br />

<strong>de</strong> la porte d’entrée. C’est une habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la maison et j’ai le sentiment d’être<br />

le seul à y prêter attention.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

La distribution <strong>de</strong>s places assises au moment du repas ne doit rien au hasard : il<br />

reproduit l’ordre familial. Dans la géographie <strong>de</strong> la cour, la cuisine est exactement à<br />

l’opposé du seuil <strong>de</strong> la maison. Elle est, <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue, l’endroit le plus éloigné du<br />

mon<strong>de</strong> extérieur. Mais la distance qui sépare la cuisine du seuil <strong>de</strong> la maison est aussi<br />

celle qui sépare les hommes <strong>de</strong>s femmes.<br />

Un trait essentiel, qui n’a rien <strong>de</strong> spécifique à la famille D., est que la femme est<br />

investie d’une autorité entière pour tout ce qui concerne la cuisine. « Il faut <strong>de</strong>s<br />

circonstances tout à fait exceptionnelles, anormales, pour qu’un homme y soit<br />

contraint. Il peut s’agir d’un homme seul, sans épouse, ni filles, cette solitu<strong>de</strong> étant<br />

déjà l’indice d’une anomalie sociale, le signe d’une individualité sans doute peu<br />

recommandable 1 ». Il peut également s’agir d’un homme en situation d’immigration ;<br />

ce dont témoigne Coumba à propos <strong>de</strong> son fils aîné résidant en France :<br />

David : « Et ton fils, il est où <br />

Coumba : Mon fils Il est à <strong>Paris</strong> avec ma sœur là-bas. Ils vivent ensemble<br />

et ça va, un peu… C’est un garçon, il n’est jamais à la maison… juste pour<br />

venir dormir.<br />

David : Ah d’accord… il ne participe pas trop à la vie <strong>de</strong> la maison.<br />

Coumba : Si, normalement, le week-end, c’est lui qui fait le ménage hein ! Il<br />

fait le ménage ! Pendant le week-end, il prépare comme une femme. Tu sais,<br />

à <strong>Paris</strong>, il n’y a pas <strong>de</strong> question d’hommes ou <strong>de</strong> femmes pour la cuisine<br />

[rires].<br />

David :Parce qu’ici, tu dirais que c’est les femmes qui s’occupent <strong>de</strong>s tâches<br />

ménagères <br />

Coumba : Owo (oui), les hommes s’y refusent catégoriquement.<br />

David : Il n’y a pas un homme qui s’occupe <strong>de</strong> la maison <br />

Coumba : Hein Ici Moi je ne suis pas tombée sur un comme ça d’abord.<br />

Parce que moi, mon mari… Même pour faire son café, tu chauffes l’eau, tu<br />

1 Gérard Dumestre, « De l’alimentation au Mali », Cahiers d’étu<strong>de</strong>s africaines, vol. 36, n°44, 1996,<br />

p.690.<br />

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