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Les bamakois diplômés de Paris

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chose, en général tu ne peux rien changer du tout. Tu es obligé <strong>de</strong> vivre avec,<br />

<strong>de</strong> faire ta vie avec.» Amadou.<br />

Pour Amadou, il s’agit <strong>de</strong> renoncer – pour partie du moins - à l’idéal <strong>de</strong> vie qu’il<br />

s’était imaginé et <strong>de</strong> « faire avec » les conditions qui sont les siennes. Et puisque que<br />

le groupe d’accueil ne peut pas apporter les solutions <strong>de</strong> la stabilité, c’est l’idée que<br />

l’on ne peut « compter que sur soi-même » qui va s’imposer.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Et puis ici chacun a son truc à faire, chacun a son emploi du temps. Tout le<br />

mon<strong>de</strong> a sa vie à lui, tout le mon<strong>de</strong> fait ce qu’il a à faire. C'est dur pour nous<br />

quand même. […] Mais mes frères, eux, ils avaient beaucoup plus compris<br />

ici que moi en ce temps-là. Donc, ils essayaient <strong>de</strong> me gui<strong>de</strong>r un peu. Par<br />

exemple, ils me disaient qu’ici, ce n’est pas comme le Mali, c’est-à-dire que tu<br />

ne verras personne te donner <strong>de</strong> l’argent pour t’en sortir dans ça, il ne faut<br />

compter que sur soi-même. J’ai dit : “ah bon “» Ibrahim.<br />

Se rendre maître <strong>de</strong> la situation, ne dépendre <strong>de</strong> personne, être sans cesse<br />

responsable <strong>de</strong> ses actes, tels sont les conseils prodigués par les frères d’Ibrahim.<br />

Autrement dit, il s’agit <strong>de</strong> répondre positivement aux exigences normatives <strong>de</strong> la prise<br />

en charge individuelle, <strong>de</strong> jouer le jeu <strong>de</strong> la société. Ces recommandations ne peuvent<br />

être pleinement comprises que si l’on considère à nouveau l’urgence <strong>de</strong> la situation<br />

présente. L’urgence, c’est <strong>de</strong> s’assurer <strong>de</strong>s garanties contre la précarité, « <strong>de</strong><br />

réaliser l’indépendance à l’égard du sort 1 ».<br />

« <strong>Les</strong> conditions sont dures. Tu ne peux pas rester sans rien… Franchement,<br />

c’est difficile quoi. Tu es parti pour chercher quelque chose, bah finalement,<br />

tu cherches toi-même… Ça te pousse à faire les choses pour toi-même.»<br />

Ousmane.<br />

Ce qu’il faut retenir, c’est que les conditions <strong>de</strong> l’installation poussent les<br />

enquêtés à se centrer sur eux-mêmes ; elles obligent à l’autonomie individuelle. Leur<br />

conception <strong>de</strong> l’ « individu libéral 2 » s’est donc renforcée au contact <strong>de</strong> la société<br />

française et à travers l’expérience <strong>de</strong> précarité. <strong>Les</strong> propos <strong>de</strong> Jules vont permettre<br />

d’illustrer ce point :<br />

« Ça, c’est nouveau dans notre vie. Quand tu es un enfant, il n’y a que tes<br />

parents qui pensent à toi, qui font tout pour toi. Dès que tu viens ici, tu<br />

commences à te battre pour chercher ta vie et ça, cette bataille là, ça te<br />

1 Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, <strong>Paris</strong>, PUF, [1929], 1971, p. 27.<br />

2 C'est-à-dire attaché aux libertés individuelles.<br />

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