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Les bamakois diplômés de Paris

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2. Mouvements vers la stabilité<br />

Pour la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s enquêtés, le passage <strong>de</strong> la société malienne à la<br />

société française est aussi le passage vers une plus gran<strong>de</strong> vulnérabilité sociale et<br />

économique. En l’espace <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> temps, ils sont placés sur les marges du réseau<br />

d’accueil dont le soutien – partiel, ponctuel, à la mesure <strong>de</strong>s ressources disponibles -<br />

ne suffit pas à les protéger <strong>de</strong> la solitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la précarité ; solitu<strong>de</strong> et précarité, voilà<br />

<strong>de</strong>ux éléments qui ne faisaient pas partie du parcours <strong>de</strong>s enquêtés lorsqu’ils étaient à<br />

Bamako.<br />

2.1 Reconstruire une vie sociale<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

La première étape <strong>de</strong> l’itinéraire migratoire <strong>de</strong>s enquêtés a été déterminante,<br />

voire traumatisante 1 . Le flottement social <strong>de</strong>s premiers mois a provoqué <strong>de</strong>s effets<br />

durables sur la conscience <strong>de</strong> mes interlocuteurs. Je ne compris cela que bien plus<br />

tard dans l’enquête, à un moment précis <strong>de</strong> mon séjour à Bamako :<br />

[Bamako, le 21.11.07] Hébergé <strong>de</strong>puis un mois par la famille D., j’ai pris<br />

l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> tenir mon journal <strong>de</strong> terrain le soir, lorsque la maison s’endort<br />

[…]. Mais <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux jours, j’éprouve le besoin <strong>de</strong> m’isoler. Et c’est après le<br />

repas du midi que j’ai décidé <strong>de</strong> prendre congé <strong>de</strong> mes hôtes, prétextant un<br />

retard dans mon travail <strong>de</strong> recherche. Au troisième jour, Mamadou vient me<br />

trouver :<br />

Mamadou : « Tu sais David, un homme seul est un homme qui ne va<br />

pas bien. Tu t’isoles une fois, d’accord, tu t’isoles <strong>de</strong>ux fois, on va penser<br />

que lui là, il est mala<strong>de</strong>.<br />

David : J’ai le mal du pays » dis-je spontanément.<br />

Alors que je m’attendais à être rassuré, Mamadou plonge sa tête entre<br />

ses mains, pris d’un apparent désarroi. Je me trouve dans la position <strong>de</strong> celui<br />

qui doit réconforter. Je pose ma main sur son épaule et tente, en vain, <strong>de</strong><br />

trouver les « bons mots ».<br />

1 Jean Laplanche et Jean-Bernard Pontalis définissent le traumatisme comme étant un « évènement <strong>de</strong><br />

la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité d’y répondre adéquatement, le<br />

bouleversement et les effets pathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psychique ». Jean<br />

Laplanche, Jean-Bernard Pontalis, Vocabulaire <strong>de</strong> la psychanalyse, <strong>Paris</strong>, PUF [1967], 2002, p. 499.<br />

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