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Sophus Lie, Friedrich Engel et le problème de Riemann ... - DMA - Ens

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6 1.4. Le mystère <strong>de</strong>s notions primitives <strong>de</strong> la géométriePlus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> l’œuvre fascinante <strong>de</strong> <strong>Riemann</strong> est en eff<strong>et</strong> constituée<strong>de</strong> travaux qu’il jugeait inaboutis <strong>et</strong> qu’il s’est refusé, pour c<strong>et</strong>te raison,à publier 16 . D’un point <strong>de</strong> vue philosophique, la règ<strong>le</strong> riemannienne<strong>de</strong> direction <strong>de</strong> l’esprit consiste donc à rassemb<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s éléments qui nesont pas compris, à formu<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s questions réf<strong>le</strong>xives <strong>le</strong>s concernant, àrenverser <strong>le</strong>s interrogations spéculatives, à désigner <strong>le</strong>s questions nonrésolues. Comme Socrate, <strong>Riemann</strong> exprime qu’il ne sait pas ; c<strong>et</strong> état<strong>de</strong> fait qui est impersonnel <strong>et</strong> universel, <strong>le</strong> mathématicien doit l’accepter,puisqu’il fait partie intégrante <strong>de</strong> l’essence même <strong>de</strong>s mathématiques.Une tel<strong>le</strong> posture généra<strong>le</strong> s’apparente donc plus à une volontéd’ignorance qu’au doute systématique <strong>de</strong> Descartes, à ceci près que lavolonté d’ignorance, en mathématiques, ne peut pas être une aporétique<strong>de</strong> principe comme l’est la maïeutique socratique, puisqu’el<strong>le</strong> doit déboucherà terme sur <strong>de</strong>s propositions rigoureuses, sur <strong>de</strong>s théorèmes, sur<strong>de</strong>s connaissances adéquates. Analyser la métaphysique <strong>de</strong>s mathématiquesque nous a léguée <strong>Riemann</strong>, c’est d’une certaine manière entrerdans une topologie <strong>de</strong> l’ouverture acceptée <strong>de</strong> la pensée.1.4. Le mystère <strong>de</strong>s notions primitives <strong>de</strong> la géométrie. D’aprèsClifford ([31], p. 565), « C’est <strong>Riemann</strong> qui <strong>le</strong> premier a accompli latâche d’analyser toutes <strong>le</strong>s hypothèses <strong>de</strong> la géométrie, <strong>et</strong> <strong>de</strong> montrer<strong>le</strong>ur indépendance mutuel<strong>le</strong> ».Au commencement <strong>de</strong> son discours, <strong>Riemann</strong> annonce en eff<strong>et</strong>que la Géométrie classique d’Eucli<strong>de</strong> adm<strong>et</strong> comme données préalab<strong>le</strong>s<strong>le</strong>s concepts <strong>de</strong> point, <strong>de</strong> droite, d’espace, ainsi que <strong>le</strong>s notions d’inci<strong>de</strong>nce,d’ang<strong>le</strong> <strong>et</strong> d’intersection. De toutes ces notions, el<strong>le</strong> ne donneque <strong>de</strong>s définitions nomina<strong>le</strong>s, implicites sur <strong>le</strong> plan logique 17 . En ce quiconcerne <strong>le</strong>s représentations menta<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s axiomes qui donnent naissanceaux relations démonstratives fondamenta<strong>le</strong>s sont toujours soustendus,en filigrane, par un réseau d’intuitions archaïques ; <strong>et</strong> parce que16 Autre exemp<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> la création littéraire, analysé par RolandBarthes ([7], p. 343) : « Flaubert (1871, 50 ans) : ‘Comme si <strong>de</strong> rien n’était, je prends<strong>de</strong>s notes pour mon Saint Antoine [ce sera la troisième version], que je suis bien décidéà ne pas publier quand il sera fini, ce qui fait que je travail<strong>le</strong> en toute liberté d’esprit’[L<strong>et</strong>tre à Ernest Fey<strong>de</strong>au, 8 août 1871] ; problème bien énoncé [. . .]. ‘Ne pas publier’,sorte <strong>de</strong> figure mi-rhétorique, mi-magique, utilisée par beaucoup d’écrivains. »17 D’après Eucli<strong>de</strong>, un point est ce qui est sans partie ; une ligne est une longueursans épaisseur ; un ang<strong>le</strong> est l’inclinaison l’une sur l’autre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux lignes. D’inspirationmétaphysique <strong>et</strong> procédant par prédication négative, <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux premières définitionsoccultent en eff<strong>et</strong> la question <strong>de</strong> savoir où <strong>et</strong> comment asseoir ou fon<strong>de</strong>r cesconcepts qui doivent par ail<strong>le</strong>urs rester opératoirement évi<strong>de</strong>nts pour tout géomètre.

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