01.07.2013 Views

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Mr</strong> Honeyfoot était un gentleman de haute taille, gai et<br />

souriant, débordant d’énergie, qui aimait toujours réaliser ou<br />

agiter des projets, songeant rarement à s’interroger sur leur<br />

utilité. La présente tâche lui rappelait fortement les grands<br />

magiciens médiévaux 2 qui, chaque fois qu’ils avaient à résoudre<br />

un problème en apparence impossible, partaient pendant un an<br />

et un jour, accompagnés seulement d’un ou deux serviteurs<br />

enchantés 3 pour les guider. À la fin de cette période, ils ne<br />

manquaient jamais de trouver la solution. <strong>Mr</strong> Honeyfoot confia<br />

à <strong>Mr</strong> Segundus que, selon son opinion, on ne pouvait mieux<br />

faire qu’imiter ces grands hommes, dont certains avaient gagné<br />

les régions les plus reculées d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande<br />

(où la magie était encore très forte), tandis que d’autres avaient<br />

quitté ce monde – personne ne sachant pour l’heure où ils<br />

avaient couru ni ce qu’ils avaient fait une fois rendus là-bas.<br />

<strong>Mr</strong> Honeyfoot ne proposa pas d’aller si loin ; en fait, il ne<br />

souhaitait pas s’éloigner à cause de l’hiver et de l’état déplorable<br />

des routes. Néanmoins, il était on ne peut plus convaincu qu’ils<br />

devaient aller « quelque part » pour consulter « quelqu’un ». Il<br />

dit à <strong>Mr</strong> Segundus qu’à son avis ils perdaient tous deux leur<br />

enthousiasme ; l’apport d’une opinion neuve serait inestimable.<br />

Mais aucune destination, aucun objet ne se présentait.<br />

<strong>Mr</strong> Honeyfoot était au désespoir. Puis il songea à l’autre<br />

magicien.<br />

Quelques années auparavant, la Société d’York avait eu vent<br />

de certaines rumeurs qui voulaient que le Yorkshire abritât un<br />

autre magicien. Ce monsieur vivait dans un coin retiré de la<br />

2 Appelés plus proprement « Auréats » ou magiciens de l’Âge d’or.<br />

3 En anglais, fairy-servant, que nous traduisons par « serviteur<br />

enchanté » (comme ici), « serviteur féérique », ou « serviteur-fée ». Pour<br />

les Britanniques fairy, en effet, désigne aussi bien un « fé » masculin<br />

qu’une fée ; de même la tradition normande mentionne le « fé<br />

amoureux ». Sachant cela par son exil dans les îles anglo-normandes et<br />

son immense culture personnelle, V. Hugo choisit de faire de « fée » une<br />

apposition : « l’homme-fée » (Légende des siècles), les « arbres-fées »<br />

(Rhin) par exemple. Lamartine parlera aussi d’une « main-fée ». Nous<br />

suivons donc l’usage des poètes. (Une autre solution, peut-être moins<br />

lisible, eût été de recourir aux termes d’ancien français : « faerie »,<br />

« faé » ou « fé »…) (N.d.T.).<br />

- 10 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!