01.07.2013 Views

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

— Ou il avait bu, suggéra <strong>Mr</strong> Canning.<br />

— Oui, j’y ai pensé aussi. Alors, naturellement, j’ai interrogé<br />

Stephen Black, poursuivit Sir Walter, mais Stephen est aussi sot<br />

que les autres. J’ai bien du mal à lui parler.<br />

— Voyons, objecta <strong>Mr</strong> Canning, vous ne tentez pas de nier,<br />

j’imagine, qu’il y ait quelque chose dans cette histoire qui relève<br />

de la magie ? Et ne revient-il pas à <strong>Mr</strong> <strong>Norrell</strong> d’expliquer ce qui<br />

échappe aux autres ? Envoyez chercher <strong>Mr</strong> <strong>Norrell</strong>, Sir Walter !<br />

Cette proposition était si raisonnable que Sir Walter se<br />

demanda pourquoi il n’y avait pas songé seul. Il avait la plus<br />

haute opinion de ses talents et ne pensait pas, en général,<br />

pouvoir manquer une déduction aussi évidente. La vérité,<br />

comprit-il, était qu’il n’aimait pas la magie. Il ne l’avait jamais<br />

aimée ; ni au début, quand il y avait vu une imposture, ni<br />

maintenant qu’elle s’était révélée efficiente. Cependant, il était<br />

mal placé pour expliquer ses sentiments aux autres ministres,<br />

lui qui les avait convaincus de recourir aux services d’un<br />

magicien pour la première fois depuis deux cents ans !<br />

À trois heures et demie, il rentra à Harley-street. C’était le<br />

moment le plus surnaturel d’une journée hivernale. Le<br />

crépuscule transformait les immeubles et les passants en néants<br />

sombres et flous tandis que, au-dessus, le ciel restait d’un bleu<br />

argenté éblouissant et rayonnait de lumière froide. Un coucher<br />

de soleil d’hiver dessinait au bout des artères une bande de<br />

couleur rose et sanglante, plaisante à l’œil, mais qui glaçait le<br />

cœur sans raison. En regardant par la vitre de sa voiture, Sir<br />

Walter jugea heureux qu’il ne fût en aucune manière un esprit<br />

imaginatif. Un autre eût pu être troublé par la conjonction de la<br />

tâche désagréable qui consistait à consulter un magicien et de<br />

cette étrange dissolution noir et sang des rues londoniennes.<br />

Geoffrey ouvrit la porte du n°9 de Harley-street ; Sir Walter<br />

monta promptement à l’étage. Là, il passa devant le salon<br />

vénitien où Madame s’était tenue ce matin-là. Une sorte de<br />

pressentiment le poussa à y jeter un regard. Au premier abord,<br />

on eût cru qu’il n’y avait personne. Le feu s’éteignait dans l’âtre,<br />

créant une espèce de deuxième crépuscule à l’intérieur de la<br />

pièce. Nul n’avait encore allumé de lampe ni de chandelle. Puis<br />

il la vit.<br />

- 215 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!