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Jonathan Strange & Mr Norrell

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son épouse.<br />

La rumeur des prodiges accomplis par Margaret Ford atteignit vite<br />

Nottingham, où le Maître de Nottingham était sur son lit de mort. Un si<br />

grand nombre de ses pouvoirs étaient contenus dans l’anneau que la<br />

perte de celui-ci l’avait rendu d’abord mélancolique, puis désespéré, enfin<br />

malade. Quand la réputation de son anneau finit par lui revenir, il était<br />

trop mal en point pour tenter quoi que ce fût.<br />

Sa fille, d’un autre côté, était profondément désolée d’avoir attiré ce<br />

malheur sur sa famille et jugea de son devoir d’essayer de retrouver<br />

l’anneau ; aussi, sans s’ouvrir à personne de ses intentions, elle se mit en<br />

route pour le village de Fiskerton en longeant la berge.<br />

Elle n’était pas allée plus loin que Gunthorpe quand elle tomba sur un<br />

spectacle des plus navrants. Un petit bois brûlait ardemment, avec des<br />

flammes rouges qui le léchaient de tous côtés. L’âcre fumée noire lui<br />

piquait les yeux et lui irritait la gorge, et pourtant le bois n’était pas<br />

consumé par le feu. Un gémissement sourd émanait des arbres, comme<br />

s’ils se plaignaient d’une torture si peu naturelle. La fille du Maître<br />

chercha des yeux quelqu’un qui pût lui expliquer ce prodige. Un jeune<br />

bûcheron qui passait par là lui dit : « Voilà deux semaines, Margaret Ford<br />

s’arrêta dans le bois, sur la route qui venait de Thurgaton. Elle se reposa<br />

sous l’ombrage de ses arbres, but à son ruisseau et mangea ses noix et ses<br />

baies mais, juste au moment où elle partait, une racine lui crocha le pied,<br />

provoquant sa chute, et quand elle se releva de terre, un églantier eut<br />

l’impertinence de la griffer au bras. Alors elle jeta un sortilège au bois et<br />

jura qu’il brûlerait pour l’éternité. »<br />

La fille du Maître le remercia du renseignement et poursuivit un moment<br />

sa route. Souffrant de la soif, elle s’accroupit pour prendre un peu d’eau à<br />

la rivière. Tout d’un coup une femme – ou une créature très proche d’une<br />

femme – sortit à moitié de l’eau. Son corps était entièrement couvert<br />

d’écailles de poisson, sa peau aussi bleue et tachetée que celle d’une<br />

truite, et sa chevelure formait un étrange bouquet de nageoires grises et<br />

épineuses. Elle paraissait regarder avec fureur la fille du Maître, bien que<br />

ses yeux ronds et froids et sa peau raide de poisson ne fussent pas bien<br />

appropriés à la reproduction des expressions humaines, aussi était-il<br />

difficile de savoir.<br />

— Oh ! Je vous demande pardon ! s’écria la fille du Maître, apeurée.<br />

La femme ouvrit la bouche, révélant une gorge de poisson et une pleine<br />

bouche de vilaines dents de poisson, mais semblait incapable d’émettre<br />

un son. Puis elle se retourna et replongea dans l’onde.<br />

Une femme qui lavait son linge sur la berge expliqua à la fille du Maître :<br />

« C’est Joscelin Trent qui a le malheur d’être l’épouse d’un homme qui<br />

plaît à Margaret Ford. De jalousie, Margaret Ford lui a jeté un sortilège,<br />

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