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Jonathan Strange & Mr Norrell

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appeler la domestique ; personne ne se montra. Huit heures<br />

passèrent. Neuf heures. Dix. Les domestiques se tordaient les<br />

mains de désespoir.<br />

Ce qu’ils avaient oublié – ce que, en réalité, Laurence<br />

<strong>Strange</strong> avait oublié –, c’était que le nouveau valet était un jeune<br />

homme robuste, alors que Laurence <strong>Strange</strong> était un vieillard, et<br />

ce que le nouveau valet avait dû endurer cette nuit-là, Laurence<br />

<strong>Strange</strong> avait été forcé d’en avoir sa part. À dix heures sept, le<br />

majordome et le cocher s’aventurèrent ensemble dans la pièce<br />

et trouvèrent le nouveau valet dormant à poings fermés par<br />

terre, la fièvre étant tombée. À l’autre bout de la pièce, leur<br />

maître était toujours assis à son secrétaire, mort de froid.<br />

Quand les événements de ces deux nuits furent plus<br />

largement connus, beaucoup furent curieux de voir le nouveau<br />

valet, comme on peut l’être de voir un tueur de dragons ou un<br />

homme qui aurait abattu un géant. Bien entendu, le nouveau<br />

valet était ravi d’attirer ainsi l’attention et, à force de raconter<br />

son histoire, il s’aperçut que, après avoir reçu l’ordre de lui<br />

servir un troisième verre de xérès, il avait osé dire son fait à son<br />

maître : « Oh ! cela peut vous arranger maintenant, espèce de<br />

vieux pécheur endurci, de maltraiter les honnêtes hommes et de<br />

les conduire au tombeau, mais un jour viendra – et il n’est pas<br />

bien loin – où vous devrez répondre de tous les soupirs que<br />

vous avez arrachés de la poitrine d’un honnête homme, de<br />

toutes les larmes que vous avez fait couler des yeux de la<br />

veuve ! » De même, on ne tarda pas à savoir dans le voisinage<br />

que, au moment où <strong>Mr</strong> <strong>Strange</strong> avait ouvert la fenêtre avec<br />

l’aimable intention de faire mourir de froid le nouveau valet de<br />

chambre, ce dernier s’était écrié : « Froid d’abord, Laurence<br />

<strong>Strange</strong>, mais sur le gril à la fin ! Froid d’abord, sur le gril à la<br />

fin ! », allusion prophétique au présent état de <strong>Mr</strong> <strong>Strange</strong>.<br />

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