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Jonathan Strange & Mr Norrell

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Néanmoins, vous ne me comprenez pas bien. Mes hôtes, pour<br />

qui vous vous montrez si scrupuleux, sont tous mes vassaux et<br />

mes sujets. Pas un n’oserait me critiquer, moi ou celui que je<br />

choisis pour ami. S’y risqueraient-ils, eh bien, nous pourrions<br />

toujours les occire ! Vraiment, ajouta-t-il comme si cette<br />

conversation soudain l’ennuyait, il ne sert pas à grand-chose de<br />

débattre ce point, puisque vous êtes là !<br />

Sur ces entrefaites le gentleman s’éloigna, et Stephen s’avisa<br />

qu’il se trouvait dans un grand salon où une foule de gens<br />

dansaient sur une musique triste.<br />

Une fois encore il fut un tantinet surpris mais, comme la fois<br />

précédente, il se fit instantanément à cette idée et commença à<br />

regarder autour de lui. Malgré toutes les garanties que le<br />

gentleman aux cheveux comme du duvet de chardon lui avait<br />

données sur le sujet, il redouta d’abord d’être reconnu.<br />

Quelques coups d’œil à la ronde suffirent à l’assurer qu’aucun<br />

des amis de Sir Walter n’était présent ; en effet, Stephen ne<br />

connaissait personne et, avec son bel habit noir et son linge<br />

blanc immaculé, il pensa pouvoir passer facilement pour un<br />

gentleman. Il était content que Sir Walter n’eût jamais exigé de<br />

lui qu’il portât une livrée ou une perruque poudrée, ce qui aurait<br />

éventé sur-le-champ sa condition de domestique.<br />

Tout le monde était mis à la dernière mode. Les dames<br />

portaient des robes aux teintes les plus exquises (bien qu’à dire<br />

vrai, pour la plupart, Stephen n’eût pas souvenir d’avoir vu leurs<br />

pareilles). Les messieurs avaient des hauts-de-chausses sur des<br />

bas blancs et des redingotes brunes, vertes, bleues ou noires ;<br />

leurs chemises étaient d’un blanc éclatant, éblouissant, et leurs<br />

gants de chevreau ne présentaient pas la moindre tache ou<br />

marque.<br />

Cependant, malgré toute la gaieté des hôtes et toutes leurs<br />

belles toilettes, il y avait des signes que le manoir n’était pas<br />

aussi prospère qu’il avait pu l’être jadis. Le salon était<br />

chichement éclairé par un nombre insuffisant de chandelles de<br />

suif, et seuls résonnaient une viole et un fifre.<br />

« Cela doit être la musique dont Geoffrey et Robert<br />

parlaient, songea Stephen. Il est vraiment étrange que je n’aie<br />

pu l’entendre auparavant ! Elle est aussi mélancolique qu’ils la<br />

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