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Jonathan Strange & Mr Norrell

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Le capitaine Harcourt-Bruce n’était pas seulement beau,<br />

fringant et brave, il était également romantique. La résurgence<br />

de la magie en Angleterre le faisait fortement vibrer. Grand<br />

lecteur de la plus excitante des histoires, il avait la tête farcie<br />

d’anciennes batailles dans lesquelles les Anglais étaient<br />

surpassés en nombre par les Français et condamnés à périr,<br />

quand tout à coup les accents d’une musique étrange,<br />

surnaturelle, retentissaient et que, au faîte d’une colline,<br />

apparaissait le roi Corbeau au grand heaume noir, avec son<br />

lambrequin de plumes de corbeau flottant au vent. Le roi<br />

descendait de la colline au galop sur son grand destrier noir,<br />

avec cent chevaliers humains et autant de chevaliers-fées<br />

derrière lui, et vainquait les Français grâce à sa magie.<br />

Telle était l’idée que le capitaine Harcourt-Bruce se faisait<br />

d’un magicien. Tel était le genre d’exploit qu’il espérait voir se<br />

reproduire sur tous les champs de bataille du continent. Alors,<br />

quand il rendit visite à <strong>Mr</strong> <strong>Norrell</strong> dans son salon de Hanoversquare,<br />

et après qu’il se fut assis pour regarder son hôte se<br />

plaindre avec humeur à son valet de pied, d’abord que la crème<br />

de son thé était trop crémeuse, ensuite qu’elle était trop liquide,<br />

eh bien, je ne vous surprendrai pas si je vous dis qu’il fut un<br />

tantinet déçu. Il était même si découragé par toute l’entreprise<br />

que l’amiral Paycocke, un vieux gentleman un peu bourru, le<br />

prit en pitié et eut seulement le cœur de se gausser de lui et de le<br />

taquiner avec la plus grande modération.<br />

L’amiral Paycocke et le capitaine Harcourt-Bruce<br />

retournèrent voir les ministres pour leur signifier qu’il était hors<br />

de question d’envoyer <strong>Mr</strong> <strong>Norrell</strong> où que ce fût ; les amiraux et<br />

les généraux ne le leur pardonneraient jamais. Pendant<br />

quelques semaines, cet automne-là, il sembla que les ministres<br />

ne trouveraient jamais l’emploi de leur unique magicien.<br />

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