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Jonathan Strange & Mr Norrell

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homme-fée.<br />

Le cocher, nommé Jack Starhouse, était grand et brun, et décochait<br />

rarement un mot, ce qui déconcertait ses compagnons de service et leur<br />

donnait à croire qu’il était fier. Il était entré tout récemment dans la<br />

maison de <strong>Mr</strong> Tubbs et prétendait avoir été précédemment cocher chez<br />

un vieil homme, un certain Browne, dans un domaine appelé<br />

Coldmicklehill dans le Nord. Il possédait un grand talent : il savait se<br />

faire aimer de toutes les créatures. Les chevaux étaient toujours très<br />

dociles quand il tenait les rênes, jamais rétifs ou agités, et il avait une<br />

manière avec les chats inconnue jusque-là des habitants du<br />

Nottinghamshire. Il leur parlait en chuchotant ; tous les chats à qui il<br />

parlait s’immobilisaient avec une expression de légère surprise, comme<br />

s’ils n’avaient jamais entendu paroles plus sensées de leur vie et<br />

n’espéraient plus jamais en entendre. Il savait aussi les faire danser. Les<br />

chats de la maison Tubbs étaient aussi graves et soucieux de leur dignité<br />

que n’importe quel autre groupe de chats, mais Jack Starhouse était<br />

capable de leur faire exécuter de folles danses, où ils bondissaient en tous<br />

sens sur leurs pattes de derrière et se jetaient d’un côté et de l’autre. Il<br />

parvenait à cela au moyen d’étranges soupirs, sifflements et<br />

chuintements.<br />

Un des autres domestiques observa que, si seulement les chats avaient<br />

été bons à quelque chose – ce qui n’était pas le cas –, tout cela aurait pu<br />

avoir un intérêt. Néanmoins, ce merveilleux don de Starhouse avec les<br />

animaux ne servait à rien, pas plus qu’il ne divertissait ses compagnons<br />

de service ; cela les mettait simplement mal à l’aise.<br />

Que ce fût cette particularité ou sa physionomie aux yeux un peu trop<br />

écartés qui ait rendu <strong>Mr</strong> Tubbs si certain de sa nature féerique, je<br />

l’ignore, mais <strong>Mr</strong> Tubbs se mit à enquêter secrètement sur son cocher.<br />

Un jour, <strong>Mr</strong> Tubbs convoqua Starhouse dans son bureau. Il lui indiqua<br />

qu’il avait appris que <strong>Mr</strong> Browne était très malade, qu’il l’avait été tout le<br />

temps que Starhouse avait prétendu travailler pour son compte – et<br />

n’était pas sorti de chez lui depuis des années et des années. Aussi <strong>Mr</strong><br />

Tubbs était-il curieux de savoir en quoi il avait eu besoin d’un cocher.<br />

Jack Starhouse garda un moment le silence. Puis il avoua qu’il n’avait<br />

jamais été au service de <strong>Mr</strong> Browne. Il dit avoir travaillé pour une autre<br />

famille du voisinage. Il avait travaillé dur, c’était une bonne place, il avait<br />

été content ; cependant les autres domestiques ne l’aimaient pas, il ne<br />

savait pourquoi, cela lui était déjà arrivé. Une des domestiques avait<br />

raconté des mensonges sur lui et il avait été congédié. Il avait vu <strong>Mr</strong><br />

Browne une fois, il y avait des années. Il déclara regretter d’avoir menti à<br />

<strong>Mr</strong> Tubbs, mais n’avait pas su quoi faire d’autre.<br />

<strong>Mr</strong> Tubbs expliqua qu’il était inutile d’inventer d’autres sornettes. Il<br />

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