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Jonathan Strange & Mr Norrell

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pois cassés froide avec des mains de purée de pois cassés froide<br />

suivre des rues de purée de pois cassés froide. Ah, pauvre de<br />

moi ! Je me sens mal, alors ! Le soleil, là-haut dans le ciel, est<br />

froid, gris et impur, et n’a pas le pouvoir de me réchauffer. Vous<br />

sentez-vous souvent glacé, monsieur ? – John Longridge posait<br />

la main sur celle de Stephen : – Ah, monsieur Black ! vous êtes<br />

froid comme une tombe.<br />

Stephen avait l’impression d’être un somnambule. Il ne<br />

vivait plus ; il rêvait seulement. Il rêvait de la maison de Harleystreet<br />

et des autres domestiques. Il rêvait de son travail, de ses<br />

amis et de <strong>Mr</strong>s Brandy. Parfois, il rêvait de choses très étranges<br />

– de choses qu’il savait, dans un repli glacé de son être, ne pas<br />

devoir exister. Il pouvait longer un corridor ou monter un<br />

escalier de Harley-street, tourner et voir d’autres corridors et<br />

d’autres escaliers s’enfuir au loin – des corridors et des escaliers<br />

absents à l’origine. La maison de Harley-street avait été<br />

fortuitement logée à l’intérieur d’un édifice bien plus vaste et<br />

plus ancien. Les corridors à la voûte en pierre étaient pleins de<br />

poussière et de ténèbres. Les escaliers et les sols étaient si usés<br />

et si inégaux qu’ils ressemblaient davantage à des pierres<br />

trouvées dans la nature qu’à des ouvrages de l’architecture.<br />

Mais le plus étrange de tout dans ces vestibules fantomatiques,<br />

c’était qu’ils étaient familiers à Stephen. Sans comprendre<br />

pourquoi ni comment, il se surprenait à penser : « Oui, juste au<br />

coin se trouve la Salle d’armes est ». Ou encore : « Cet escalier<br />

mène à la Tour de l’Éventreur. »<br />

Chaque fois qu’il voyait ces corridors ou, comme cela lui<br />

arrivait parfois, imaginait leur présence sans les percevoir<br />

réellement, il se sentait un tantinet plus vivant, un tantinet plus<br />

proche de son ancien soi. Quelle que fût la part de son être qui<br />

se fût fermée (son âme ? son cœur ?), elle s’ouvrait de<br />

l’épaisseur d’un cheveu, et la pensée, la curiosité et les<br />

sentiments recommençaient à l’animer. Quant au reste, rien ne<br />

l’amusait, rien ne le satisfaisait. Tout n’était qu’ombres, vide,<br />

échos et poussière.<br />

Son esprit agité le poussait quelquefois à entreprendre de<br />

longues promenades solitaires par les sombres rues d’hiver<br />

autour de Mayfair et de Piccadilly. Lors d’une telle soirée, à la<br />

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