01.07.2013 Views

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

Jonathan Strange & Mr Norrell

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

n’importe quoi pour pouvoir lui tendre la main et la consoler,<br />

mais toutes les années de sa vie les séparaient. Il sentit son<br />

cœur se durcir un peu plus contre les Anglais. Quelques minutes<br />

plus tôt, il s’était efforcé de dissuader le gentleman de tuer<br />

<strong>Strange</strong>, mais pourquoi devrait-il se soucier du sort d’un<br />

Anglais ? Pourquoi devrait-il se soucier de ce qu’il advenait d’un<br />

membre de cette race insensible et sans cœur ?<br />

Avec un soupir, il écarta ces pensées et s’aperçut que le<br />

gentleman parlait encore :<br />

— … Cette histoire, des plus édifiantes, montre à la<br />

perfection toutes ces qualités qui font ma réputation : sacrifice<br />

de soi, fidélité en amitié, noblesse de vues, sensibilité, ingénuité<br />

et courage.<br />

— Je vous demande pardon, monsieur ?<br />

— L’histoire de mes efforts pour retrouver votre nom,<br />

Stephen, que je vais à présent vous narrer ! Sache donc que<br />

votre mère a expiré dans la cale d’un bateau, le Penlaw 221, qui<br />

reliait la Jamaïque à Liverpool. Ensuite, ajouta-t-il d’un ton<br />

prosaïque, les matelots anglais ont dévêtu son corps pour le<br />

jeter à la mer.<br />

— Oh ! murmura Stephen.<br />

— Bon, comme vous pouvez l’imaginer, cela n’en a rendu que<br />

plus difficile la tâche de découvrir votre nom. Au bout de trente<br />

ou quarante ans, tout ce qui restait de votre mère se résumait à<br />

quatre choses : ses cris dans l’enfantement qui avaient pénétré<br />

dans les bordages du navire ; ses ossements, qui étaient tout ce<br />

qui subsistait d’elle, une fois que la chair et les parties molles<br />

eurent été dévorées par les poissons…<br />

— Ah ! s’exclama de nouveau Stephen.<br />

— … sa robe de cotonnade rose qui était tombée en la<br />

possession d’un marin et un baiser que le capitaine du bateau<br />

lui avait volé deux jours auparavant. Alors, poursuivit le<br />

gentleman (qui manifestement jubilait), vous voudrez bien<br />

noter avec quelle intelligence et quelle finesse j’ai suivi la trace<br />

de chacune de ses parties aux quatre coins du monde avant de<br />

221 Penlaw est le nom d’un lieu de Northumbrie où John Uskglass et son<br />

armée de fées apparurent pour la première fois en Angleterre.<br />

- 956 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!