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Jonathan Strange & Mr Norrell

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sentiment très étrange de glisser mystérieusement au fond du<br />

terrier. Quand il s’était relevé, il s’était aperçu qu’il se trouvait<br />

en un pays inconnu, éclairé par son propre soleil et nourri par<br />

sa propre pluie. Dans un bois qui ressemblait beaucoup à celui<br />

qu’il venait de quitter, il découvrit un manoir où un groupe de<br />

gentilshommes – dont certains étaient assez étranges – jouaient<br />

tous ensemble aux cartes.<br />

Lady Pole venait d’arriver au moment où les gentilshommes<br />

invitaient le chasseur égaré à se joindre à eux, quand un léger<br />

bruit – guère plus qu’une inspiration – fit se retourner Arabella.<br />

Elle s’aperçut que Sir Walter était entré dans la pièce et<br />

regardait sa femme avec consternation.<br />

— Vous êtes fatiguée, lui dit-il.<br />

Lady Pole leva les yeux vers son mari. Son expression à cet<br />

instant était singulière. On y lisait de la tristesse, de la pitié<br />

aussi, et, assez curieusement, un soupçon d’amusement, un peu<br />

comme si elle songeait : « Regardez-nous ! Quelle triste paire<br />

nous faisons ! » À haute voix, elle répondit :<br />

— Je suis seulement aussi fatiguée que d’habitude. J’ai dû<br />

marcher des milles et des milles la nuit dernière. Et aussi danser<br />

pendant des heures !<br />

— Alors vous devez prendre du repos, la pressa-t-il. Laissezmoi<br />

vous conduire à Pampisford, elle prendra soin de vous.<br />

D’abord, Madame parut encline à lui résister. Elle saisit la<br />

main d’Arabella et l’étreignit, lui montrant ainsi qu’elle ne<br />

consentirait pas à se séparer d’elle. Ensuite, tout aussi<br />

soudainement, elle céda et se laissa emmener.<br />

À la porte elle se retourna.<br />

— Au revoir, madame <strong>Strange</strong>. J’espère qu’on vous<br />

permettra de revenir. J’espère vraiment que vous me ferez cet<br />

honneur. Je ne vois personne. Ou plutôt je vois des pièces<br />

bondées de gens, sans un chrétien parmi eux !<br />

Arabella s’avança avec l’intention de serrer la main de Lady<br />

Pole et de lui assurer qu’elle reviendrait avec plaisir, mais Sir<br />

Walter avait déjà emmené Madame hors de la pièce. Pour la<br />

seconde fois, ce jour-là, Arabella fut laissée seule dans la<br />

demeure de Harley-street.<br />

Une cloche se mit à tinter.<br />

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