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Jonathan Strange & Mr Norrell

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leurs affaires à leur place. L’histoire d’Angleterre regorge de tels<br />

hommes et certains, je suis heureux de le dire, en ont été punis<br />

comme ils le méritaient. Regardez Bloodworth 23 !<br />

23 Le serviteur-fée de <strong>Mr</strong> Bloodworth est venu à l’improviste lui offrir ses<br />

services, disant qu’il désirait qu’on l’appelât « Buckler ». Comme tout<br />

écolier anglais de nos jours vous l’expliquerait, Bloodworth eût mieux fait<br />

de se montrer plus curieux et de se renseigner davantage sur le<br />

personnage de Buckler et sur les raisons exactes pour lesquelles il avait<br />

quitté le monde des fées sans autre but que de devenir le serviteur d’un<br />

magicien anglais de troisième ordre.<br />

Buckler était très habile en toutes sortes d’enchantements, et les affaires<br />

de Bloodworth dans la petite ville lainière de Bradford on Avon<br />

prospérèrent. Buckler ne causa des difficultés qu’une seule fois quand,<br />

lors d’un soudain accès de rage, il détruisit un livre appartenant au<br />

chapelain de Lord Level.<br />

Plus Buckler restait chez Woodworth, plus sa force grandissait, et la<br />

première chose qu’il fit en acquérant de la force fut de changer<br />

d’apparence : ses haillons poussiéreux se métamorphosèrent en un bel<br />

habit ; une paire de ciseaux rouillés qu’il avait dérobée à un serrurier de<br />

la ville devint une épée ; sa physionomie chafouine, maigre et pie, se<br />

transforma en un beau visage humain, et il grandit d’un seul coup de<br />

deux ou trois pieds. C’était là, s’empressa-t-il de faire comprendre à <strong>Mr</strong>s<br />

Bloodworth et à ses filles, sa véritable apparence, l’autre étant un simple<br />

enchantement dont il avait été la victime.<br />

Par une belle matinée de 1310, alors que Bloodworth était sorti de chez<br />

lui, <strong>Mr</strong>s Bloodworth découvrit une grande armoire dans un coin de la<br />

cuisine où auparavant il n’y avait jamais eu d’armoire. Quand elle<br />

interrogea Buckler sur sa présence, il répondit aussitôt qu’il s’agissait<br />

d’une armoire magique et que c’était lui qui l’avait apportée. Il déclara<br />

qu’il avait toujours jugé dommage qu’on n’eût pas plus communément<br />

recours à la magie en Angleterre ; il dit que cela le chagrinait de voir <strong>Mr</strong>s<br />

Bloodworth et ses filles laver, balayer, faire la cuisine et le ménage de<br />

l’aube au crépuscule alors qu’elles devaient, à son humble avis, siéger sur<br />

des coussins, vêtues de robes constellées de bijoux, à déguster des<br />

confitures. Voilà qui ne manquait pas de bon sens, songea <strong>Mr</strong>s<br />

Bloodworth. Buckler lui dit combien de fois il avait blâmé son mari de<br />

son impuissance à rendre la vie plus facile et plus agréable à <strong>Mr</strong>s<br />

Bloodworth, sans que Bloodworth lui prêtât attention. <strong>Mr</strong>s Bloodworth<br />

répondit qu’elle n’était en rien étonnée.<br />

Buckler lui assura que, si elle pénétrait dans l’armoire, elle se retrouverait<br />

en un lieu magique où elle apprendrait des sorts qui lui permettraient<br />

d’accomplir ses travaux en un instant, la rendraient belle aux yeux de<br />

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