la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />
ont ici le droit déjuger ; et <strong>de</strong> ce que je viens <strong>de</strong> dire<br />
il suit que <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur personnelle <strong>de</strong> Corneille n'est<br />
nullement intéressée dans ce jugeaient. J'ajoute<br />
qu'autant <strong>la</strong> première question est oiseuse, autant<br />
l'autre est utile, parée qu'elle est une source d'instruction,<br />
parce que l'en y peut procé<strong>de</strong>r avec métho<strong>de</strong>,<br />
c<strong>la</strong>rté, certitu<strong>de</strong>; parce qu'il importe <strong>de</strong><br />
<strong>mont</strong>rer, et à tous ceux qu'on féal éc<strong>la</strong>irer, et à<br />
tous ceux qu'il faut confondre f que l'exemple d'un<br />
homme tel que Corneille, quand U s'est trompé,<br />
n'est point une autorité; que les fautes sont partout<br />
<strong>de</strong>s fautes; que, s'il a fait beaucoup, il n'a pas<br />
tout fait ; qu'après lui l'on a été, dans <strong>de</strong>s parties<br />
essentielles, Infiniment plus loin que lui, et que<br />
l'art est plus éten<strong>du</strong> que l'esprit d'un homme. Et<br />
voilà, puisque le temps est venu <strong>de</strong> tout dire, ce<br />
qui souleva toute <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>ce littéraire au moment<br />
où le Commentaire parut. Voilà ce qui excita ces<br />
c<strong>la</strong>meurs insensées, qui, répétées par tant d'échos,<br />
•au milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>, qui n'examine point ,<br />
pro<strong>du</strong>isirent une commotion si vive et presque universelle,<br />
qui ne se calma qu'avec le temps, mais<br />
qui n'est plus aujourd'hui'qu'un ébranlement faible<br />
et- sourd, comme le murmure <strong>de</strong>s lots qui fait souvenir<br />
dp <strong>la</strong> tempête. Ces secousses passagères, ces<br />
convulsions épïdémiqnes, lorsque les causes secrètes<br />
en sont bien connues, peuvent fournir un jour<br />
<strong>de</strong>s mémoires curieux; car l'histoire littéraire,<br />
comme toutes les autres, est celle <strong>de</strong>s passions<br />
humaines ; et <strong>la</strong> postérité sait gré à celui qui ne les<br />
a pas ménagées : elles sont aussi trop méprisables.<br />
Qud était donc le motif <strong>de</strong> ce grand soulèvement <strong>de</strong><br />
tant d'auteurs ou d'aspirants? Ce n'est pas que <strong>la</strong><br />
gloire<strong>de</strong> Corneille leur fût bien chère, et d'ailleurs ils<br />
savaient bien qu'elle n'était pas attaquée; mais ils<br />
s'efforçaient <strong>de</strong> le faire croire 9 parce que ses défauts<br />
leur étalent précieux, Il résultait <strong>du</strong> Commentaire<br />
que Corneille, hors dans <strong>de</strong>ux ou trois pièces, avait<br />
fait <strong>de</strong> beaux morceaux plutôt que <strong>de</strong> belles tragédies;<br />
et sans cesse le commentateur lui opposait <strong>la</strong><br />
"perfection <strong>de</strong> Racine, et <strong>la</strong> présentait aux poètes<br />
comme le modèle dont il faillit s'approcher : et c'était<br />
là précisément ce qu'on ne vou<strong>la</strong>it pas. Pourquoi?<br />
Cest que, sans égaler Corneille, il est plus aisé,<br />
surtout aujourd'hui, <strong>de</strong> taire quelques beaux morceaux<br />
qu'une belle tragédie; c'est qu'il n'y a personne<br />
qui ne se f<strong>la</strong>tte întérieurementd'avoir assez <strong>de</strong>beautés<br />
pour faire excuser beaucoup <strong>de</strong> fautes. Ce sont là<br />
le ces choses qu'on n'avoue pas au public, mais<br />
qui n'échappent pas à ceux qui sont dans le cas d'y<br />
' voir <strong>de</strong> près. Il fal<strong>la</strong>it bien en imposer à ce public.<br />
Et que faisait-on? L'on mettait en avant l'honneur<br />
<strong>de</strong> Corneille, qui n'y était pour rien. On n'essayait<br />
4m<br />
pas <strong>la</strong> discussion; <strong>la</strong> partie s'était pas soutenable.<br />
Mais on criait : Il a manqué <strong>de</strong> respect à Corneille.<br />
Mon, assurément. On ne peut le louer davantage<br />
ni mieux ; car il n'a loué que ce qui <strong>de</strong>vait l'être. —<br />
Mais il relève cent défauts pour une beauté. — Il<br />
fal<strong>la</strong>it les relever, puisque tant <strong>de</strong> gens sont tentés<br />
4e les prendre, ou intéressés à les faire prendra pour<br />
<strong>de</strong>s beautés. Ces défauts existent-ils ou n'existentils<br />
pas?—N'importe, quand il dirait <strong>la</strong> vérité : il ne<br />
ûd<strong>la</strong>itpas<strong>la</strong>dire.<br />
Ce <strong>de</strong>rnier raisonnement, qui paraît à peine concevable<br />
? était celui d'hommes qui se piquenten <strong>littérature</strong><br />
d'une profon<strong>de</strong> politique. J'avoue, quant à<br />
moi, que je se puis <strong>la</strong> comprendre ni m'y aecou*<br />
tumer. 11 faudrait une bonne fois s'expliquer, et dira<br />
ce qu'on prétend. Y a-t-il <strong>de</strong>s mystères en <strong>littérature</strong>?<br />
T a-t-il <strong>de</strong>s traditioss à <strong>la</strong> fois erronées et respectables,<br />
qu'il faille conserver sous un voile que prsonne<br />
ne peut déchirer sans être sacrilège? Quoi!<br />
les opinions <strong>de</strong> l'esprit sur les arts <strong>de</strong> l'esprit ne sont<br />
pas libres? Je conçois que les vérités qui peuvent<br />
blesser les vivants soient délicates et dangereuses;<br />
mais celles qui ne regardée! que les morts, faut-il<br />
aussi nous les défendre? Et dans les disputes purement<br />
littéraires, ©è il semble que le seul danger<br />
doive être d'avoir tort, le danger le plus grand <strong>de</strong><br />
tous sera-t-il d'avoir raison?<br />
Ce qu'il y a <strong>de</strong> pis, c'est que le public, qui a autre<br />
chose à faire que <strong>de</strong> s'initier dans les mystères <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> politique <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> lettres, ne s'est que trop<br />
souvent, sans le savoir, ren<strong>du</strong> le complice <strong>de</strong> <strong>la</strong> médiocrité,<br />
qui a besoin <strong>de</strong> préjugés et d'erreurs, et<br />
qui combat sans cesse celui qui ose dire <strong>la</strong> vérité.<br />
Qu'en arrive-t-il? C'est que rien s'est si rare, parmi<br />
ceux qui écrivent, que <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> bonne foi à ceux<br />
qui lisent ; et ce, même publie est trompé sans cesse<br />
par ceux qui <strong>de</strong>vraient l'éc<strong>la</strong>irer. Les uns, par aaîmosité<br />
et par passios, tâchent <strong>de</strong> lui faire croire ce<br />
qu'ils ne croient pas eux-mêmes; les autres, par<br />
dissimu<strong>la</strong>tion ou par faiblesse» souscrivent à ce qu'ils<br />
ne pensent pas. C'est à propos <strong>de</strong> ce commerce <strong>de</strong><br />
mensonges, qui fait pitié à une âme franche et libre ,<br />
que fcitalrej écrivait dans une lettre particulière :<br />
* Je crois que dans te fond votre ami pense comme VOUS<br />
sur ce Dante. Il est p<strong>la</strong>isant que, même sur ces bapteles t<br />
on homme qui pense E'OM dira Sun sentiment qu'à ForëSle<br />
île son ami Ce m@n<strong>de</strong>»ci est une pauvre mascara<strong>de</strong>.<br />
Je conçois à tonte force comment on peut dissimuler son<br />
opinion pour <strong>de</strong>venir cardinal au pape; mais je ne conçois<br />
guère qu'on se déguise sur le reste. »<br />
Il ne s'est guère déguisé m effet f et l'une <strong>de</strong>s choses<br />
qui dans <strong>la</strong> postérité doneeront le plus <strong>de</strong> prli à<br />
S ses ouvrages littéraires, c'est qu'on s'aperçoit eu le<br />
sa.