23.02.2013 Views

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE<br />

dasis <strong>la</strong> prose, qui est moins hardie que <strong>la</strong> poésie.<br />

Je pourrais y joindre vingt autres exemples ; mais<br />

ceux-là suffisent. C'est cependant <strong>de</strong> cette préten<strong>du</strong>e<br />

faute que fauteur prend droit <strong>de</strong> faire cette exc<strong>la</strong>mation<br />

:<br />

« Roileau, qui s f est tant moqué <strong>de</strong> Ronsard, <strong>de</strong>vait-Il<br />

l'imiter même une seule fois? »<br />

Qu'on imagine, si l'on peut, quel rapport il y a entre<br />

ce passage, fût-il défectueux, et Ronsard. C'est<br />

peut-être <strong>la</strong> première fois qu'on a mis ces <strong>de</strong>ux noms<br />

ensemble. Je crois que Fauteur s'est bien félicité<br />

d'avoir amené ce rapprochement étrange : il <strong>de</strong>vrait<br />

pourtant savoir que rien n'est si aisé que d'amener<br />

<strong>de</strong>s Injures par <strong>de</strong> faux raisonnements.<br />

Le Lutrin essuie un reproche bien plus grave :<br />

c'est ce poème qui est cause que nous n'avons pas<br />

<strong>de</strong> poèmes épiques, et voilà l'influence <strong>de</strong>s mauvais<br />

exempks <strong>de</strong> BoMeau, qui m'a fait que <strong>du</strong> mal. Un<br />

long paragraphe est employé à nous prouver que<br />

l'auteur <strong>du</strong> Lutrin n'a eu d'autre art que <strong>de</strong> tourmer<br />

tes belks choses en ridicule, <strong>de</strong> parodier F Ilia<strong>de</strong><br />

et ? Enéi<strong>de</strong>, et <strong>de</strong> les présenter sous un jour qui<br />

fosse rejaîUîr sur elles une sorte <strong>de</strong> mépris; que<br />

cet art <strong>de</strong>vait p<strong>la</strong>ire surtout à Boileau; que ce timi<strong>de</strong><br />

et froid écrivain a rabaissé Homère et Firgik<br />

jusqu'à lui; que son succès Fa justifié; que ce<br />

succès a été si grand, qu'il a fondé une école, etc.<br />

Une école d'où sortiraient <strong>de</strong>s ouvrages dans le goût<br />

<strong>du</strong> Lutrin pourrait être assez bonne. Malheureusement<br />

je n'en connais pas <strong>de</strong> cette espèce, et le maître<br />

est resté tout seul avec son chef-d'œuvre. Je<br />

conçois qu'il sera toujours difficile d'imiter cet ouvrage<br />

vraiment original, et marqué au coin <strong>de</strong> ce talent<br />

particulier que Boileau possédait éminemment,<br />

celui <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> beaux vers sur <strong>de</strong> petits objets. Mais<br />

qu'il s'y soit attaché pour rabaisser les gran<strong>de</strong>s eho-<br />

' ses Je le croirai quand Fanonyme m'aura convaincu<br />

qu'Homère, qui, dans le Combat <strong>de</strong>s rats et <strong>de</strong>s<br />

grenouilles, a parodié son Ilia<strong>de</strong>, a voulu rabaisser<br />

l'épopée. Qu'il en ait rejailli <strong>du</strong> mépris pour l'héroïque<br />

, je le croirai quand on m'aura fait voir que<br />

cette parodie faite par Homère a empêché Virgile<br />

<strong>de</strong> faire l'Enéi<strong>de</strong>, et que k Lutrin a empêché Voltaire<br />

<strong>de</strong> faire <strong>la</strong> Hmrîa<strong>de</strong>»<br />

Si Boileau pouvait lire cette Lettre, ce passage<br />

n'est ps celui qui Fétonnerait le moins. Cet admirateur<br />

passionné d'Homère et <strong>de</strong> Yirgile ne se serait<br />

pas atten<strong>du</strong> qu'on l'accusât d'avoir fait rejaillir k<br />

mépris sur tlMa<strong>de</strong> et F Enéi<strong>de</strong>; et qu'on parlât <strong>de</strong><br />

cet art <strong>de</strong> rabaisser les gran<strong>de</strong>s choses comme d'un<br />

art qui <strong>de</strong>vait surtout M p<strong>la</strong>ire. Mais combien sa<br />

surprise serait plus gran<strong>de</strong> encore quand il verrait<br />

que l'auteur <strong>de</strong> cette terrible Lettre a dévoilé enfin<br />

717<br />

un secret dont qui que ce soit ne s'était douté, ni <strong>du</strong><br />

vivant <strong>de</strong> Boileau, ni <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> quatre-vïegta<br />

ans qu'il est mort! Oui, messieurs, il est temps <strong>de</strong><br />

vous communiquer enfin cette gran<strong>de</strong> et mémorable<br />

découverte qui couronne toutes les merveilles dont<br />

nous sommes stupéfaits. Mous croyons bonnement<br />

que Boileau a fait ses ouvrages. Pauvres gens que<br />

nous sommes !<br />

« Racine a fait en se jouant t ou <strong>du</strong> moins a extrêmement<br />

perfectionné Ses écrits <strong>de</strong> Boileau. L'épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Mollesse et l'Épltre sar le passage <strong>du</strong> Rhin sent 'absolument<br />

dans <strong>la</strong> manière racinienne.... Racine, Molière,<br />

<strong>la</strong> Fontaine, Chapelle, Furelière, ont mis les ouvrages<br />

<strong>de</strong> Boileau, sans qu'il s'en aperçût lui-même', dans Fé-<br />

•tatou on les a tant admirés. »<br />

Ceci n'est point simplement une conjecture; c'est<br />

Miie conviction : et l'anonyme f pour nous convaincre<br />

que Boileau faisait ses vers en compagnie,<br />

et qu'il ne peut avoir à lui en propre que <strong>la</strong> moWé<br />

<strong>de</strong> ses beautés, nous assure qu'il n'y a qu'à lire sa<br />

prose, fui est plus que médiocre. II avoue pourtant<br />

que cette idée peut paraître bizarre. C'est à vous,<br />

messieurs , <strong>de</strong> juger quelle qualification elle peut<br />

mériter.<br />

le pense qu'à présent vous ne pouvez plus être<br />

étonnés <strong>de</strong> rien 9 et vous trouverez tout simple que<br />

Fauteur, après ce qu'il vient <strong>de</strong> nous découvrir,<br />

ait tenté <strong>de</strong> prouver que Boileau était moins poète<br />

que Chape<strong>la</strong>in, Pour cette fois cependant, il ne<br />

veut pas prendre absolument cette tâche sur lui;<br />

il met en scène un raisonneur <strong>de</strong> même force, qui<br />

argumente ainsi :<br />

« L'o<strong>de</strong> est, <strong>de</strong> tous les genres <strong>de</strong> poésie » celui qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

le plus <strong>de</strong> talent dans un porte t celui qui suppose<br />

le plus d'inspiration, et par conséquent <strong>de</strong> génie. Boilêan<br />

s'a jamais fait que <strong>de</strong> mauvaises o<strong>de</strong>s ; et celle que Chape<strong>la</strong>in<br />

a adressée au cardinal <strong>de</strong> Riehelieu, est très-noble. Doue<br />

Chape<strong>la</strong>in était plus poète que Boileau. »<br />

On dira que cet argument est si ridicule, qu'il<br />

ne mérite pas <strong>de</strong> réponse. J'en conviens : mais il<br />

est appuyé sur une proposition qui a été fort souvent<br />

répétée pendant un certain temps, et que <strong>la</strong><br />

<strong>littérature</strong> subalterne fait encore sonner assez haut<br />

pour en imposer aui esprits vulgaires. Je m'y arrête<br />

pour faire voir que, même en réfutant m qui<br />

parait n'en pas valoir <strong>la</strong> peine, on peut détruire<br />

<strong>de</strong>s préjugés qui ne <strong>la</strong>issent pas d'avoir quelque<br />

crédit, et fournissent quelquefois désarmes à l'en-<br />

Tie. C'est elle, messieurs, qui, dans le temps <strong>de</strong>s<br />

démêlés <strong>de</strong> Rousseau le lyrique avec Voltaire,<br />

dicta dans vingt brochures, dans <strong>de</strong>s feuilles aujourd'hui<br />

oubliées, ce principe si faux, qm Fo<strong>de</strong><br />

est le genre <strong>de</strong>* poésie qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> le plus <strong>de</strong> ta-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!