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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

<strong>de</strong>s Deux Avuk! Se tassera-t-on jamais <strong>de</strong> relire<br />

celle <strong>de</strong>s Deux Pigetms, ce morceau dont l'impression<br />

est fi délicieuse, -à qui peatrêtrê on donnerait<br />

<strong>la</strong> palme sur tous les autres, si parmi tant <strong>de</strong> chefsd'œuvre<br />

©n avait <strong>la</strong> cou<strong>la</strong>nte déjuger, ou <strong>la</strong> force<br />

<strong>de</strong> choisir? Qu'elle est belle, cette fiable! qu'elle<br />

est touchante! que ces <strong>de</strong>ux pigeons sjnt as couple<br />

charmant! quelle tendresse éloquente dans leurs<br />

adieux! comme on s'intéresse aux aventures <strong>du</strong><br />

pigeon voyageur! quel p<strong>la</strong>isir dans leur réunion!<br />

que <strong>de</strong> poésie dans leur histoire! Et lorsque ensuite<br />

le fabuliste init par un retour sur lui-même,<br />

qu'il regrette' et re<strong>de</strong>man<strong>de</strong> les p<strong>la</strong>isirs qu'il ^ a<br />

trouvés dans l'amour, quelle tendre mé<strong>la</strong>ncolie!<br />

quel besoin d'aimer! on croit entendre les soupirs<br />

<strong>de</strong> Tibulle.... Relisons-<strong>la</strong>, cette fable divine:<br />

il ne faut pas louer <strong>la</strong> Fontaine; il faut le lire,<br />

le relire, et le relire encore. 11 en est <strong>de</strong> lui comme<br />

• <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne que Ton aime : es son absence,<br />

il semble qu'on aura mille choses à lui dire, et<br />

quand on <strong>la</strong> voit, tout est absorbé dans un seul<br />

sentiment, dans le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> <strong>la</strong> voir. On se répand<br />

en -louanges sur <strong>la</strong> Fontaine, et dès qu'on le lit,<br />

ce qu'on voudrait dire est oublié : on le lit, et on<br />

jouit.<br />

Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre :<br />

L'un d'eux, s'ennnyant an logis,<br />

Fui assez fou pour entreprendre<br />

rja voyage au lointain pays.<br />

L'autre lui dit .• Qu'aMei-vons fatw?<br />

Voulez-vous quitter votre frère?<br />

L'absence est Se P*us &^d <strong>de</strong>s maux :<br />

Hon pas pour TOUS, cruel ! Au moins que les tamax<br />

Les dangers, les soins <strong>du</strong> voyage,<br />

Changent un peu votre courage.<br />

Eneor si <strong>la</strong> saison s'avançait davantage!<br />

Atten<strong>de</strong>z les léphyrs : qui vous près»? Un aovtaaii<br />

Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau.<br />

Je ne sonnerai plus que rencontre funeste,<br />

Mon frère a-t-il tout ce «pli veut.<br />

Bon souper, bon gite, et le reste?<br />

Ce dis<strong>cours</strong> ébran<strong>la</strong> le cœur<br />

De notre impru<strong>de</strong>nt voyageur<br />

Mais le désir <strong>de</strong> voir et l"hnmfur Inquiète<br />

L'emportèrent enfin. Il dit i Ne pleure* point :<br />

Trois Jours m ptua rendront mon âme satisfaite :<br />

Je reviendrai dans peu conter <strong>de</strong> point en point<br />

Mes aventures à mon frère,<br />

le te détennulraf : quiconque ne volt guère s<br />

N'a guère a dire aussi. Mon voyage dépeint<br />

Vous sera d'un p<strong>la</strong>isir extrême.<br />

' Je dirai , Fêtais là, telle chose m'advint<br />

Vous y crolrei être vous-même.<br />

A ces mots, en pleurant, ils se disent adieu.<br />

Le voyageur s'éloigne : et voilà qu'un nuage<br />

L'oblige <strong>de</strong> chercher retraite en quelque lieu.<br />

Un seul arbre s'offrit, tel encore que Forage<br />

Maltraita le pigeon en dépit <strong>du</strong> feuil<strong>la</strong>ge.<br />

L'air <strong>de</strong>venu serein, il part tout morfon<strong>du</strong>.<br />

Sèche <strong>du</strong> mieux qo'U peut son corps chargé <strong>de</strong> pluie;<br />

Dans un champ à l'écart voit <strong>du</strong> blé répan<strong>du</strong> t<br />

Voit un pigeon auprès. Ce<strong>la</strong> lui donne envie;<br />

M y vole : il est pris : ce blé ©ouvrait d'un !a«<br />

Les menteurs et traîtres appâta.<br />

Le <strong>la</strong>cs était usé, si bien que <strong>de</strong> son aUe9<br />

De ses pieds t <strong>de</strong> son bec, l'oiseau te rompt enfin.<br />

Quelque plume y périt ; et le pis <strong>du</strong> <strong>de</strong>stin<br />

Fui qu'un certain vautour, à <strong>la</strong> serre cruelle,<br />

Vit noire malheureux, qui, traînant <strong>la</strong> ficelle,<br />

Et les morceaux <strong>du</strong> <strong>la</strong>cs qui l'avaient attrapé,<br />

Semb<strong>la</strong>it un forçat échappé.<br />

Le vautour s'en al<strong>la</strong>it îe Mer, quand <strong>de</strong>s nues<br />

Fond à son tour un at#e aux ailes éten<strong>du</strong>es.<br />

Le pigeon profita <strong>du</strong> conflit <strong>de</strong>s voleurs,<br />

S'envo<strong>la</strong>, s'abattit auprès d'une masure,<br />

Crut pour ce coup que ses malheurs<br />

Finiraient par cette aventure.<br />

Mais us fripon d'enfant (cet âge est sans pitié)<br />

Prit sa fron<strong>de</strong>, et <strong>du</strong> coup tua plus tfà-moitié<br />

La vo<strong>la</strong>tile malheureuse,<br />

Qui, maudissant sa curiosité f<br />

Traînant l'aile et tirant le pied,<br />

Demi-morte et <strong>de</strong>mi-boiteuse t<br />

Droit au logis s'en retourna :<br />

Que bien, que mal elle arriva ,<br />

Sans autre aventure fâcheuse.<br />

Voilà nos gens rejoints, et Je <strong>la</strong>isse à Juger<br />

De combien <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isirs Ils payèrent leurs peine*<br />

Amants, heureux amants, voulez-vous voyager<br />

Que ce soit aux rives prochaines.<br />

Soyei-vous l'un à l'autre un mon<strong>de</strong> toujours beau,<br />

Toujours divers, toujours nouveau ;<br />

Tenez-vous lieu <strong>de</strong> tout, eemptei pour rien le reste.<br />

J'ai quelquefois aimé : Je n'aurais pas alors,<br />

Contre le Louvre et ses trésors,<br />

Contre le firmament et sa voûte céleste,<br />

Changé les bois, changé les lieux,<br />

Honorés par les pas, éc<strong>la</strong>irés par les yeux<br />

De l'aimable et Jeune bergère<br />

Pour qui, sous le fils <strong>de</strong> Cythère,<br />

le servis, engagé par mes premiers serments.<br />

Hé<strong>la</strong>s! quand reviendront <strong>de</strong> semb<strong>la</strong>bles moments!<br />

Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants<br />

Me <strong>la</strong>issent vivre au gré <strong>de</strong> mon âme inquiète!<br />

Ah ! si mon eceur osait encor se renf<strong>la</strong>mmer I<br />

He senUrai-Je plus <strong>de</strong> charme qui m'arrête?<br />

Atje passé le temps d'aimer?<br />

fît<br />

La Fontaiiff avait appris <strong>de</strong>s anciens, et surtout<br />

<strong>de</strong> Virgile f cet art <strong>de</strong> se mettre quelquefois es scène<br />

dans son propre ouvrage, art très-heureui lorsqu'on<br />

sait également et le p<strong>la</strong>cer à propos et remployer<br />

atee sobriété. Mais l'exemple en est dangereux<br />

pour eeux à qui il se saurait être utile : c'est eetai<br />

dont les ma<strong>la</strong>droits imitateurs ont <strong>de</strong> nos jours le<br />

nias abusé. De quoi qu'ils parlent an publie, c'est<br />

toujours d'eux qu'ils parlent le plus; et souvent rien<br />

n'est plusitrange et plus insipi<strong>de</strong> que les confi<strong>de</strong>nces<br />

qu'ils nous font. An contraire, jamais on n'aime<br />

plus <strong>la</strong> Fontaine que quand il nous entretient <strong>de</strong><br />

lui-même. Pourquoi? C'est que toujours on f oit son<br />

âme se répandre, ou son caractère se <strong>mont</strong>rer.<br />

Voyez ce morceau sur les charmes <strong>de</strong> <strong>la</strong> retraite,<br />

que <strong>de</strong>puis on* si souvent imité, et que <strong>la</strong> Fontaine<br />

lui-même a imité en partie <strong>de</strong> Virgile.<br />

Solitu<strong>de</strong> eu Je trouve une doueeer secrète,<br />

liras que j'aime toujours, ne pourrai-JeJmji,.<br />

mn <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> et <strong>du</strong> bruit, goûter l'ombre et le frais?<br />

Oh! qui m'Arrêtera dans vos sombres asiles.

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