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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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Corneille n'est pas moins grand dans les scènes<br />

<strong>de</strong> discussion qui sont le champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> pensée. Voyez<br />

Sertorim dans son entretien avec Pompée :<br />

Je s'appelle plus Rome on enclos <strong>de</strong> murailles<br />

Que ses proserf pttoas comMent <strong>de</strong> funérailles.<br />

Ces murs <strong>de</strong>nt te <strong>de</strong>stin lut autrefois si beiu ?<br />

M'en sont que <strong>la</strong> prison, ou plutôt le tombeau.<br />

Mais pour rg¥i?re aillenra dans sa première force ?<br />

Avec les faux Romains elle a fait plein éi¥erce ;<br />

. ' Et comme autour <strong>de</strong> moi f ai tous ses Trais appuis,<br />

: lonie n'est plus dans Rome $ elle est toute où Je suis.<br />

Quand ce même Sertorius ? eut différer son mariage<br />

avec Viriate Jusqu'à ce qu'il ait ren<strong>du</strong> à Rome<br />

sa liberté, cette 1ère Espagnole lui répond :<br />

Eh ! que mlmporte'à mot si Rome souffre ou non? -<br />

Quand j'aurai <strong>de</strong> ses maux effacé rinfomto,<br />

Tm obtiendrai pou? Irait le nom <strong>de</strong> son amie.<br />

Je TOUS Terrai consul m'es apporter les lois,<br />

Et m'abalsser vous-même au rang <strong>de</strong>s autres rois.<br />

Si TOUS m'aimez , seigneur, nos mers et nos <strong>mont</strong>agnes<br />

Délirent borner YOO TOUS , ainsi que nos Espagne»,<br />

Nous pouvons nous y faire un assez beau <strong>de</strong>stin f<br />

Sans chercher efâaife gloire au pied <strong>de</strong> rAventin :<br />

àffranerilssrios le f âge f et <strong>la</strong>issons faire au Tibre,<br />

La liberté n'est rien quand tout le mon<strong>de</strong> est libre;<br />

Mais 11 ut beau <strong>de</strong> l'être, et voir tout TnniTers<br />

Soupirer sous le Joug et gémir dans les fers ;<br />

11 est beau d'étaler cette prérogati?e<br />

Aux yeux <strong>du</strong> Rhône esc<strong>la</strong>ve et <strong>de</strong> Rome eapttve,<br />

Et <strong>de</strong> ¥oir entier aux peuples abattus<br />

Ce respect que le sort gar<strong>de</strong> pour les vertus.<br />

« Si tout te rôle <strong>de</strong> Viriate était <strong>de</strong> cette force 9 dit YoJtaire<br />

f <strong>la</strong> pièce serait au rang <strong>de</strong>s chefs-d'œuvre. »<br />

J'avoue que Racine n'a rien <strong>de</strong> ce genre. Ce n'est<br />

pas cependant qu'il manque <strong>de</strong> force, à beaucoup<br />

près mous en avons remarqué <strong>de</strong>s traits nombreux<br />

dans le rôle d'Aeoraat, dans Mitkrldaie, dans BH~<br />

tanniem. Mais il y a cette iiféreice que <strong>la</strong> force <strong>de</strong><br />

Corneille a quelque chose <strong>de</strong> plus mie t parce qu'elle<br />

est plus simple : inculte et franche, elle paraît tenir<br />

tout entière à <strong>la</strong> vigueur <strong>de</strong>s conceptions 9 et ne <strong>de</strong>voir<br />

rien aux paroles. Celle <strong>de</strong> Racine, toujours<br />

plus ou moins ornée, se dérobe et se cache sous l'élégance<br />

<strong>de</strong>s vers. Ce sont <strong>de</strong>ux athlètes : mais l'un,<br />

tout nu, <strong>la</strong>isse voir set os et ses muscles; l'autre,<br />

recouvert d'une draperie, a Pair moins robuste, et<br />

fait admirer <strong>de</strong> plus belles proportions.<br />

Après avoir considéré le seul rapport sous lequel<br />

Corneille a <strong>de</strong> l'avantage quand il est Corneille, il<br />

faut bien convenir que, sous tous les autres aspects,<br />

le style <strong>de</strong> Racine est hors <strong>de</strong> comparaison. Celui-ci<br />

possè<strong>de</strong> éminemment dans <strong>la</strong> diction toutes les qualités<br />

qui manquent à f autre ; et cette différence tient<br />

encore à celle <strong>de</strong> leur esprit. Corneille, toujours occupé<br />

<strong>de</strong> concevoir et <strong>de</strong> combiner, paraît n'avoir<br />

connu ni fart ni le travail d'écrire en vers. On voit<br />

que ses plus beaux ne lui ont point coûté <strong>de</strong> peine;<br />

ils semblent faits d'instinct : mais on voit aussi qtf il<br />

SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE. 601<br />

n'en a pris aucune pour embellir par <strong>la</strong> tournure ce<br />

qui ne peut pas briller par <strong>la</strong> pensée. Les grands<br />

traits lui échappent sans efforts; mais il ignore les<br />

nuances, et c'est par les nuances qu'on excelle dans<br />

tous les arts d'imitation.<br />

Racine, qui avait reçu <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature f ©raille <strong>la</strong> plus<br />

sensible et le tact le plus délicat <strong>de</strong>s convenances 9 a<br />

su le premier <strong>de</strong> quelle importance était <strong>la</strong> science<br />

<strong>du</strong> mot propre et <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> l'harmonie, science<br />

sans <strong>la</strong>quelle l'homme même qui a le plus <strong>de</strong> génie<br />

ne peut pas être un grand écrivain, parce rpeje<br />

naturel le plus heureux ne prodtjjt rien <strong>de</strong> parfait,<br />

et que Fart seul lui donne ce qui lui manque. Racine<br />

étudia ©et art avec Despréaux f et Ton sait que par*<br />

sonne avant lu! ne Fa porté aussi loin,<br />

« Son expression est toujours si heureuse et si naturelle,<br />

qu'il ne paraît pas qu'on ait pu en trouver sue autre; et<br />

chaque mot est p<strong>la</strong>cé <strong>de</strong> manière qu'on n'imagine pas qu'il<br />

ait été possible <strong>de</strong> le p<strong>la</strong>cer autrement. Le tissu <strong>de</strong> sa dio<br />

lion est tel , qu'on n'y peut rien dép<strong>la</strong>cer, rien ajouter, rien<br />

retrancher : c'est un tout qui semble éternel. Ses ineiac»<br />

titudês mêmes sont souvent <strong>de</strong>s sacrifices faits par le bon<br />

goût f et rien ne serait si difficile que <strong>de</strong> refaire ne vers <strong>de</strong><br />

Eacine. Nul n'a enrichi notre <strong>la</strong>ngue d'un plus grand nombre<br />

<strong>de</strong> tournures; nul n'est hardi avec plus <strong>de</strong> bonheur et<br />

<strong>de</strong> pru<strong>de</strong>nce , ni métaphorique avec plus <strong>de</strong> grâce et d® justesse<br />

| nul n'a manié avec plus d'empire un idiome souvent<br />

rebelle, ni avec plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>xtérité un instrument toujours<br />

difficile; nul n'a Éileox connu cette mollesse <strong>de</strong> style qu'il<br />

ne faut pas confondre avec <strong>la</strong> faiMesse K et qui n'est que cet<br />

air <strong>de</strong> facilité qui dérobe au lecteur <strong>la</strong> fatigue <strong>du</strong> travail et<br />

es ressorts <strong>de</strong> <strong>la</strong> composition; nul n'a mieux enten<strong>du</strong> <strong>la</strong> pé­<br />

rio<strong>de</strong> poétique 9 <strong>la</strong> variété <strong>de</strong>s césures f les ressources <strong>du</strong><br />

rhythme, Feuchalnement et Sa filiation <strong>de</strong>s idées. Enfin , si<br />

Fou considère que sa perfection peut être opposée à celle<br />

<strong>de</strong> Virgile , et epli par<strong>la</strong>it une <strong>la</strong>ngue moins ieiible, moins<br />

poétique et moins harmonieuse, es «croira volontiers que<br />

Eacine est celui <strong>de</strong> tous les hommes à qui <strong>la</strong> sature avait<br />

donné le plus grand talent pour les vers. » (Éloge <strong>de</strong><br />

Mmime,) •<br />

Ce talent fut toujours le même, non-seulement<br />

dans <strong>la</strong> tragédie, mais dans* les autres genres que<br />

Fauteur n'a paru qu'essayer, dans <strong>la</strong> comédie et<br />

dans <strong>la</strong> poésie lyrique; car, après <strong>de</strong>s pro<strong>du</strong>ctions<br />

importantes, je compte pour peu <strong>de</strong> chose le mérite<br />

<strong>de</strong> bien tourner quelques épigrammes, mérite<br />

commun à tant <strong>de</strong> personnes qui n'ont eu que <strong>de</strong><br />

l'esprit,<br />

Si nous suivons Corneille hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie,<br />

nous trouvons les scènes qu'il fournit à Molière,<br />

pour le ballet <strong>de</strong> Psyché, et qui respirent en plusieurs<br />

endroits une délicatesse et une grâce qu'on<br />

n'attendait pas <strong>de</strong> lui, mais dont <strong>la</strong> versification est<br />

souvent lâche et prosaïque. On a eu très-grand tort<br />

<strong>de</strong> citer ces fragments imparfaits nomme une preuve

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