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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

<strong>la</strong>pe f et les poètes espagnols. Comme Laçais, IV<br />

mour <strong>du</strong> grand le con<strong>du</strong>isît jusqu'à l'enflure; eomme<br />

Sénèque, il lot raisonneur jusqu'à <strong>la</strong> subtilité<br />

et <strong>la</strong> sécheresse; comme les tragiques espagnols, il<br />

força les vraisemb<strong>la</strong>nces pour obtenir <strong>de</strong>s effets.<br />

Hais les beautés qu'il ne <strong>de</strong>vait qu'à son talent naturel<br />

le p<strong>la</strong>cèrent pendant trente ans si fort au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> ses contemporains 9 qu'il loi fut impossible<br />

<strong>de</strong> revenir sur lui-même , et d'apercé?©ir ce qui lui<br />

manquait. Rien n'est si dangereux que <strong>de</strong> n'avoir<br />

pour objet <strong>de</strong> comparaison que ses propres ouvrages,<br />

et <strong>de</strong>s ouvrages app<strong>la</strong>udis : e f est à <strong>la</strong> fois le malheur<br />

et l'excuse d'un artiste qui se trouve tout à<br />

coup au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout ce qui Fa précédé. Bans ces<br />

circonstances, il est assez naturel au génie d'aller<br />

d'abord en fort peu <strong>de</strong> temps aussi loin qu'il peut<br />

aller. Mais arrivé à cette hauteur, où veut-on qu'il<br />

porte <strong>la</strong> vue lorsque rien n'est plus haut que lui,<br />

lors même que personne n'est en état <strong>de</strong> lui faire<br />

soupçonner qu'il y a quelque chose au <strong>de</strong>là? C'est<br />

surtout en comparant l'époque d'un siècle naissant<br />

à celle d'un siècle formé que Ton peut comprendre<br />

les rapports et les dépendances entre l'homme supérieur<br />

qui crée, et <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong> qui juge. Dans <strong>la</strong><br />

première époque, le génie est seul, et ses juges<br />

mimes tiennent <strong>de</strong> lui tout ce qu'ils savent; dans<br />

<strong>la</strong> secon<strong>de</strong>, un certain nombre <strong>de</strong> différents modèles<br />

a déjà composé une masse <strong>de</strong> lumières et <strong>de</strong> connaissances<br />

nécessairement supérieure à ce que peut<br />

pro<strong>du</strong>ire l'esprit le plus vaste. Ce qui a été fait apprend<br />

tout ee qu'an peut faire; et, pour apprécier<br />

les pro<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> l'art, toutes les forces <strong>de</strong> l'esprit<br />

humain sont dans <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce en contre-poids avec<br />

celui d $ un seul homme. La première <strong>de</strong> ces époques<br />

est <strong>la</strong> plus avantageuse pour <strong>la</strong> gloire; <strong>la</strong> secon<strong>de</strong>,<br />

pour le talent. Jamais il ne va plus loin dans <strong>la</strong> carrière<br />

<strong>de</strong>s arts que lorsqu'il voit toujours le but au<br />

<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa <strong>cours</strong>e. Jamais il ne s ? accoutume à marcher<br />

plus ferme que lorsqu'il ne peut faire impunément<br />

un faux pas. C'est peu d'effacer ses conteraporains<br />

; il faut qu'il songe à lutter contre le pssé,<br />

et à répondre à l'avenir. S'il fait mieui que ses concurrents,<br />

ses juges en savent plus que lui : ils peuvent<br />

toujours lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r plus qu'il n'a <strong>la</strong>it , parce<br />

que d'autres ont fait davantage. S'il excelle dans<br />

quelques parties, on lui marque celles qui lui manquent,<br />

on lui révèle toutes ses fautes, on discute<br />

toutes ses beautés, on inquiète sans cesse <strong>la</strong> confiance<br />

<strong>de</strong> jes forces; et cet aiguillon continuel l'oblige<br />

aies déployer toutes.<br />

Ce fut l'avantage <strong>de</strong> Racine : né avec cette imagination<br />

vive, cette sensibilité tendre , cette flexibilité<br />

d'esprit et d'âme 9 qualités les plus essentielles<br />

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pour <strong>la</strong> tragédie, et que n'avait pas Corneille; né<br />

avec le sentiment le plus vif et le plus délicat <strong>de</strong><br />

Fharmonie et <strong>de</strong> l'élégance, avec <strong>la</strong> plus heureuse<br />

facilité d'élocution, qualités les plus essentielles à<br />

toute poésie, et que Corneille n'avait pas non plus,<br />

il eut affaire à <strong>de</strong>s juges que Corneille avait instruits<br />

pendant trente ans par ses succès et par ses<br />

fautes ; il écrivit dans un temps où tous les genres<br />

<strong>de</strong> <strong>littérature</strong> se perfectionnaient, où le goût s'épurait<br />

en tout genre; enfin, il eut pour ami et pour<br />

censeur l'esprit le plus judicieux et le plus sévère<br />

<strong>de</strong> son siècle, Despréaux. Ainsi <strong>la</strong> nature et-les circonstances<br />

avaient tout réuni pour faire <strong>de</strong> Racine<br />

un écrivain parfait; et il le fut.<br />

La marche progressive <strong>de</strong> son talent prouve ses<br />

réflexions et ses efforts, et ce travail continuel sur<br />

lui-même, si nécessaire à quiconque veut avancer<br />

vers <strong>la</strong> perfection. Les <strong>de</strong>ux premiers essais <strong>de</strong> sa<br />

jeunesse, imitations faibles <strong>de</strong> Corneille, ne sont<br />

que les tributs excusables que <strong>de</strong>vait un auteur <strong>de</strong><br />

vingt-quatre ans à une renommée qui avait tetaî effacé»<br />

Hors le talent <strong>de</strong> <strong>la</strong> versification, rien encore<br />

n'annonçait Racine. J'ai reconnu

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