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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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I Bermlone, à Eoxane, à Phèdre, les trois rôles<br />

<strong>de</strong> passioe les plus forts et les plus profonds qu'ait<br />

pro<strong>du</strong>its <strong>la</strong> tragédie.<br />

On a fait souvent, pour vanter <strong>la</strong> fécondité <strong>de</strong><br />

Corneille, un raisonnement qui est très-peu concluant<br />

: « Quelle tête que celle qui a conçu vintgtrois<br />

p<strong>la</strong>ns dramatiques, tous différents les uns <strong>de</strong>s<br />

autres! *<br />

Cette remarque serait juste, si tous ces p<strong>la</strong>ns<br />

avaient plus ou moins <strong>de</strong> mérite; mais si, <strong>de</strong> vingttrois<br />

tragédies, il y en a douze absolument mau-<br />

? aises, et aussi mal conçues que mal exécutées,<br />

je fois bien ce qu'une pareille fécondité peut avoir<br />

<strong>de</strong> déplorable , mais non pas ce qu'elle a d'admira-<br />

Me, Gomment peut-on <strong>de</strong> bonne foi savoir gré à<br />

Corneille d'avoir pro<strong>du</strong>it le p<strong>la</strong>n à f COU1S DB LITTÉ1ATU1B,<br />

sont si étrangement mépris. Cette admiration fait<br />

couler <strong>de</strong>s <strong>la</strong>rmes dans les <strong>de</strong>ux pièces; et l'on ne<br />

peut nier que ce sentiment, qui touche le cœur en<br />

élevant Fâme, -ne soit un <strong>de</strong>s plus délicieux que l'on<br />

puisse éprouver au théâtre, parce qu'alors le spectateur<br />

est aussi content <strong>de</strong> lui que <strong>du</strong> poète.<br />

Il est glorieux pour les mo<strong>de</strong>rnes que ce genre <strong>de</strong><br />

pathétique, qui ne se f route point cbei les tragiques<br />

grecs, ait été porté si loin par <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> nos plus<br />

grands maîtres. C'est dans tous les <strong>de</strong>ux une véritable<br />

création, et une pente que nous ne datons pas<br />

tout aux anciens. L'amour <strong>de</strong> <strong>la</strong> liberté et les sentiments<br />

religieux sont également naturels à l'homme;<br />

et Corneille et Racine en ont tiré les effets les plus<br />

puissants. Mais <strong>la</strong>quelle <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux impressions a<br />

Œdipe, <strong>de</strong> Pcr- le plus <strong>de</strong> pouYoir sur nous ? Il me semble que celle<br />

iharUe, <strong>de</strong> Théodore, à'Andromè<strong>de</strong>, <strong>de</strong> TU* eiBê* <strong>de</strong>s Horaces est plus vive', et celle <strong>de</strong> Joad plus<br />

reniée, <strong>de</strong> Soph&nisbe, û'Othm, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tmsmd'or, douce. On est fort heureux tfavoir à choisir; il se­<br />

<strong>de</strong> Suréna, <strong>de</strong> PukMrte, à'Jgésiim, et û'Affita? rait fort difficile <strong>de</strong> préférer : jouissons, et ne fai­<br />

Y a-t-il quelque gloire à Intenter si mal? Me tenons sons pas <strong>de</strong> nos p<strong>la</strong>isirs un sujet <strong>de</strong> guerre.<br />

compte que <strong>de</strong> ce qui est resté? Corneille, en qua- Un fait qu'on n'a point remarqué, et qui est pour­<br />

, rante ans <strong>de</strong> travaux, a <strong>la</strong>issé au théâtre à pu près tant fort singulier, c'est que Corneille, qui avait<br />

le même nombre <strong>de</strong> pièces que Racine en dix. Il faut tant <strong>de</strong> raisons <strong>de</strong> se 1er à son génie pour faire <strong>de</strong>s<br />

p<strong>la</strong>indre l'un d'en avoir-fait trop, et regretter que tragédies sans amour, n'ait jamais songé à feutre-<br />

l'autre aient fait trop-peu.<br />

prendre ; et que Racine, qui excel<strong>la</strong>it à traiter cette<br />

On a donné à Corneille le titre <strong>de</strong> sublime ? et il pssion, ait donné le premier outrage dramatique<br />

n'y en a pas <strong>de</strong> plus mérité. Mais nous avons vu, où elle n'entre pas. Ges sortes <strong>de</strong> pièces, selon Vol­<br />

dans l'analysa <strong>du</strong> Traité <strong>de</strong> Longin, qull y avait taire, sont kipkm dîjjkiks à faire» Peut-être en jtf<br />

plusieurs espèces <strong>de</strong> sublime. L'auteur <strong>de</strong>s H&rn- geait-il par l'étonnante facilité qui lui it achever<br />

€€$ et <strong>de</strong> Cïmm est au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tout dans le su* Zaïm en moins <strong>de</strong> trois semaines, et par le long<br />

blime <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s caractères; fauteur û'Jm* travail que lui coûta Mérope* Quant à moi, je n'en<br />

dmmûûw et <strong>de</strong> Phèdre est fort au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> lui sais pas asses pur avoir un avis sur cette assertion,<br />

dans le sublime <strong>de</strong> <strong>la</strong> passion et <strong>de</strong>s images. Le que je ne veux ni adopter ni démentir. Je conviens,<br />

contraste d'Àbner et <strong>de</strong> Mathan est noble et tou­ et je l'ai dit précé<strong>de</strong>mment, que <strong>la</strong> médiocrité peut<br />

chant; mais celui d'Horace et <strong>de</strong> Curiace est d'un se tirer plus aisément d'un sujet d<br />

ordre bien supérieur. 11 n'existe rien <strong>de</strong> comparable<br />

ni chez les tragiques anciens ni étiez les mo<strong>de</strong>rnes ;<br />

§1 ils n'ont point <strong>de</strong> tableau théâtral plus vigoureusement<br />

combiné que celui <strong>du</strong> cinquième acte <strong>de</strong><br />

Mmhgwm* Mais aussi ni lès uns ni les autres n'ont<br />

rien à p<strong>la</strong>cer à dite ê'JêkoMe; c'est un <strong>de</strong>s pids<br />

les plus forts que Racine puisse mettre dans <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> postérité. S'il est quelque chose que l'on<br />

puisse opposer au sublime <strong>du</strong> ptriotisme républicain<br />

<strong>du</strong> fieil Horace, c'est le sublime moral et<br />

religieux dans Joad : l'un YOUS transporte davantage<br />

l'antre vous pénètre plus. On ne peut entendre<br />

qu'avec une sorte <strong>de</strong> rtirissement le grand<br />

prêtre aux pieds <strong>de</strong> Joas, comme on ne peut écouter<br />

le vieil Horace sans enthousiasme; et c'est ici<br />

que les <strong>de</strong>ux poètes ont, par différents moyens,<br />

ren<strong>du</strong> si dramatique ce ressort <strong>de</strong> l'admiration su?<br />

lequel j'ai prouvé que dit eritiqies inconsidérés se<br />

9 amour que <strong>de</strong> tout<br />

autre; assez d'exemples Font prouvé : mais ce n'est<br />

pas sur elle qull faut se régler, c'est sur <strong>la</strong> perfection<br />

; et je n'oserais assurer qu'il soit plus facile d'y<br />

prvesir en traitant l'amour qu'en traitant toute<br />

autre passion. Je ne sais s'il y avait quelque chose <strong>de</strong><br />

plus difficile à faire que Phèdre et Hermfone. Il me<br />

semble que le plus ou moins <strong>de</strong> difficulté ne tient<br />

pas au genre, mais au sujet, qui, <strong>de</strong> quelque nature<br />

qull soit, offre plus ou moins <strong>de</strong> ressources<br />

pour remplir cinq actes. Je sais qtfjfthalle, Mérope,<br />

et Oreste, à les prendre sous ce rapport, étaient<br />

excessivement difficiles, surtout <strong>la</strong> première; mais<br />

nous avons vu Iphigénk en TaurMe, 1 sujet fort<br />

simple, et dont fauteur est venu à bout sans y mettre<br />

<strong>de</strong> l'amour; et quoique Guimond <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tourbe<br />

eût un talent réel pour <strong>la</strong> tragédie, ce n'était pourtant<br />

pas, à beaucoup près, un homme <strong>du</strong> premier<br />

ordre»

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