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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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68) CÛUES DE UTTÉRATUR&<br />

à <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> forée <strong>de</strong> raison! U n'y avait, avant<br />

Molière, aucun exemple <strong>de</strong> ce eotoiqu@-là. Celui qui<br />

dit, Pourquoi ne m'aimerpm? c'est celui-là qui<br />

est un .sot, malgré son âge et son expérience; et<br />

celle qui répond, Que ne vous êtes-mus fait aimer?<br />

dit ce qu'il y a <strong>de</strong> mieux à dire. Toute <strong>la</strong> philosophie<br />

<strong>du</strong> inon<strong>de</strong> ne trouverait rien <strong>de</strong> meilleur,<br />

et ne pourrait que commenter ce que l'instinct d'un<br />

enfant <strong>de</strong> seize ans a <strong>de</strong>viné.<br />

Il n'y a pas jusqu'à ces <strong>de</strong>ux pauvres gens, A<strong>la</strong>in<br />

et Georgette, choisis par Arnolphe comme les plus<br />

imbéciles <strong>de</strong> leur vil<strong>la</strong>ge, qui n'aient à leur manière<br />

<strong>la</strong> sorte <strong>de</strong> bon sens qui leur convient. 11 faut les<br />

entendre $ après <strong>la</strong> peur effroyable qu'il leur a faite 9<br />

quand il a su les visites d'Horace.<br />

€EOE€BTTE.<br />

* îtfoft Dieu ! qu'il est terribfc !<br />

Set regards m'ont fait peur, mais tue peur horrible,<br />

Et jamais Je a© vit un plus hi<strong>de</strong>ux chrétien.<br />

ALAIN.<br />

Ce monsieur Fâ fâché, Je le le disais bien.<br />

Mais que diantre est-©e là t qu'avec tant <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>sse,<br />

11 nous fait au logis gar<strong>de</strong>r notre maîtresse?<br />

D'où vient qu'à tout ie mon<strong>de</strong> il vent tant <strong>la</strong> cacher,<br />

• Et qu'il ne saurait voir personne en approcher f<br />

Ces! que cette action te met en jalousie.<br />

CEOIGETFE.<br />

Mais d'où vient qu'il est pris <strong>de</strong> cette ftsltinle?<br />

Ce<strong>la</strong> vient., ce<strong>la</strong> vient <strong>de</strong> ce quH est Jaloux.<br />

€E01€ETTS.<br />

Oui : mais pourquoi l'est-il? et pourquoi ce eourroux?<br />

ALAIH.<br />

Cest que Sa Jalousie... Entends-fa bien, Geergette?<br />

Est use chose... là... qui fait qu f on s'inquiète,<br />

Et qui chasse les gens d'autour d'une maison.<br />

Le pauvre A<strong>la</strong>in ne doit pas être bien fort sur les<br />

définitions morales : cependant <strong>la</strong> jalousie ne lui est<br />

pas inconnue; et n'en sachant pas assez pour en<br />

eipliquer le principe, il se jette au moins sur les<br />

effets qu'il en a fus ; et , comme le plus sensible <strong>de</strong><br />

tous, c'est qu'un {aloui écarte tout le mon<strong>de</strong> autant<br />

qu'il peut 9 ce qui lui vient d'abord à l'esprit après<br />

qu'il a bien cherché, c'est cette Idée, dont on ne<br />

peut s'empêcher <strong>de</strong> rire par réflexion, que <strong>la</strong> jalousie<br />

es t une chose qui chasse ks gens d'autour d'une<br />

maison : ce qui est très-vrai en soi-même, pas mal<br />

trouvé pour A<strong>la</strong>in $ et fort bien exprimé à sa manière.<br />

Je suis fort loin <strong>de</strong> vouloir insister sur tous les<br />

mots remarquables <strong>de</strong> cette pièce : il y en a presque<br />

autant que <strong>de</strong> vers. Mais je ne puis m'ompécher <strong>de</strong><br />

citer encore une <strong>de</strong> ces saillies si frappantes <strong>de</strong> vérité,<br />

qu'elles paraissent très-faciles à trouver, et en même<br />

temps si originales et si gales, qu'on félicite l'auteur<br />

<strong>de</strong> les aroir rencontrées. Quand Arnolphe, qui a vu ,<br />

Horace encore enfant, est instruit que cet Itoractf<br />

est son rival, il s'écrie douloureusement :<br />

Aurals-Je fleYlné, quand Je l'ai im petit,<br />

Qu'il croîtrait pour ce<strong>la</strong>?<br />

Assurément tout autre que lui trouverait fort simple<br />

œ qui lui parait si extraordinaire ; et c'est ce qui<br />

rend ce mot si comique : Arnolphe est vivement affecté<br />

, et ce qu'il y a <strong>de</strong> plus commun lui parait monstrueux.<br />

C'est <strong>la</strong> nature, prise sur le fait ; et cette expression<br />

si naïve, qu'il croîtraitpmr ce<strong>la</strong>?... est<br />

d'un bonheur I Qu'on juge ce qu'est un écrivain dont<br />

presque tous les vers (dans ses bonnes pièces analysées<br />

ainsi) occasionneraient les mêmes exc<strong>la</strong>mations<br />

I<br />

Quant au comique <strong>de</strong> situation,<br />

«<strong>la</strong> beauté dn sujet <strong>de</strong> l'École ée$ Femmes comUle surtout<br />

dans ks confi<strong>de</strong>nces perpétuelles que/mit Mormm<br />

au seigneur Ârmlpke ; et ce qui doit paraître le plus p<strong>la</strong>isant<br />

9 c'est qu'us nomme qui a <strong>de</strong> l'esprit ; et qui est averti<br />

<strong>de</strong> tout par une innocente qui est sa maîtresse, et par OBétourdi<br />

qui est sou rival, ne poisse avec eêta éviter en<br />

qui lui arrive. »<br />

Cette remarque n'est point <strong>de</strong> moi ; elFe est d'un<br />

homme qui <strong>de</strong>vait s'y connaître mieux que personne,<br />

<strong>de</strong> Molière lui-même, qui s'exprime ainsi mot à mot<br />

par <strong>la</strong> bouche d'un <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong> <strong>la</strong> CriUqm<br />

<strong>de</strong> l'École <strong>de</strong>s Femmes, petite pièce fort jolie , qu'il<br />

composa pour répondre à ses censeurs, et qui fut<br />

jouée a?ec beaucoup <strong>de</strong> succès. On peut s'imaginer<br />

combien ils se récrièrent sur l'amour-propre d'un<br />

auteur qui faisait sur le théâtre son apologie, et<br />

même son éloge : mais n'est-il pas p<strong>la</strong>isant que d'ignorants<br />

barbouilleurs, qui ont assez d'amour-propre<br />

pour régenter <strong>de</strong>vant le public un homme qui<br />

en sait cent fois plus qu'eux 9 ne veuillent pas qu'il<br />

en ait essee pour prétendre qu'il sait son métier un<br />

peu mieui que ceui qui se chargent <strong>de</strong> le lui enseigner?<br />

Amour-propre pour amour-propre, lequel<br />

est le plus excusable? Ce qui est certain, c'est que<br />

l'un ne pro<strong>du</strong>it guère que <strong>de</strong>s sottises et <strong>de</strong>s impertinences,<br />

et que l'autre pro<strong>du</strong>it l'instruction. Un<br />

grand artiste qui parle <strong>de</strong> son art répand toujours<br />

plus ou moins <strong>de</strong> lumière. Aussi les critiques qu'on<br />

a faites <strong>de</strong>s bons écrivains sont oubliées, et leurs<br />

réponses sont encore lues avec fruit.<br />

On reprocha sans doute à Molière <strong>de</strong> défendre<br />

son talent; mais en le défendant il en donna <strong>de</strong> nouvelles<br />

preuves, et on l'avait attaqué a?ec indécence.<br />

Je cooçois bien que les contemporains pardonnent<br />

plus volontiers à l'amour-propre <strong>de</strong>s sots qui attaquent<br />

qu'à celui <strong>de</strong> l'homme supérieur qui se défend<br />

: les uns ne font qu'oublier leur faiblesse ; l'autre<br />

fait souvenir <strong>de</strong> sa force. Mais <strong>la</strong> postérité, qui

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