la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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SIÈCLE BB LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />
Je ne hasar<strong>de</strong>rai donc point <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r sur le <strong>de</strong>gré<br />
<strong>de</strong> difficulté d'aucun genre : je crois que dans<br />
tous il n'est donné qn f ae talent supérieur d'approcher<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> perfection. Racine, dans le sien, paraît<br />
aVoir été aussi loin que l'esprit humain puisse aller :<br />
Corneille n ? a eicellé que dans quelques parties <strong>du</strong><br />
Bien. En général, il a peint <strong>de</strong> grands sentiments 9 et<br />
Racine <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s passions ; et quoique <strong>la</strong> clémence<br />
d f Auguste et l'âme romaine <strong>du</strong> vieil Horace, <strong>la</strong><br />
vertu <strong>de</strong> Pauline et <strong>de</strong> Sévère, et <strong>la</strong> noble chaleur <strong>de</strong><br />
D. Biègue, fassent naître ce mé<strong>la</strong>nge d'émotion et<br />
d'étonnement qui a tant <strong>de</strong> charme, quoiqu'il donne<br />
même <strong>la</strong> plus haute opinion <strong>de</strong> l'homme qui le pro<strong>du</strong>it<br />
, il parait cependant, à ne consulter que l'expérience,<br />
que ce n'est pas encore ce qu'il y a <strong>de</strong><br />
plus tragique; que les impressions les plus douloureuses<br />
sont celles que nous cherchons le plus au<br />
théâtre, où ce qui nous <strong>la</strong>it le plus <strong>de</strong> mal semble<br />
être ce qui nous p<strong>la</strong>tt davantage; que nous voulons<br />
surtout être tourmentés par <strong>la</strong> terreur ou <strong>la</strong> pitié,<br />
et que par conséquent <strong>de</strong>s infortunes extrêmes, <strong>de</strong><br />
grands dangers, <strong>de</strong>s personnages passionnés qui font<br />
passer en nous les combats qu'ils éprouvent, sont les<br />
moyens les plus essentiels <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie. C'est dire<br />
que le sublime <strong>de</strong> <strong>la</strong> passion et <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur çst plus<br />
théâtral que celui <strong>de</strong>s sentiments et <strong>de</strong>s caractères.<br />
Ce résultat, qu'on ne peut contester, est à l'avantage<br />
<strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Racine; et ce qui achève d'en<br />
prouver <strong>la</strong> vérité, c'est que dans ce siècle un écrivain<br />
inoins priait que lui, Voltaire, pour avoir su<br />
pousser encore plus loin les effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> terreur et<br />
<strong>de</strong>là pitié, a été enf<strong>la</strong> reconnu, mime <strong>de</strong> son vivant<br />
, pour le plus tragique <strong>de</strong> toua les poètes.<br />
Saint-Foix, émssmE$mii kUtwIqMêssm Parût,<br />
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posé à croire que <strong>la</strong> jeunesse, qui est Tige <strong>de</strong> l'amour<br />
et <strong>de</strong>s passions, doit en aimer <strong>la</strong> peinture<br />
par-<strong>de</strong>ssus tout. Oui, elle l'aime : mais plus cette<br />
peinture est vraie, moins elle lui parait étonnante v<br />
parce qu'elle ne lui rappelle que ce qui lui est trèsfamilier<br />
; et à cet âge, nous admirons moins ce qui<br />
est si proche <strong>de</strong> nous. Ce n'est qu'avec le temps<br />
qu'on peut s'apercevoir que, l'homme étant'naturellement<br />
porté à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur, U ne doit pas être<br />
plus difficile <strong>de</strong> se livrer tout entier à l'enthousiasme<br />
d'imagination qui nous-élève, que <strong>de</strong> pénétrer au<br />
fond <strong>de</strong>s cœurs et d'y surprendre les secrets <strong>de</strong> nos<br />
penchants. Ce n'est pas, d'ailleurs, quand nous<br />
éprouvons le plus <strong>la</strong> violence <strong>de</strong>s passions que nous<br />
en jugeons le mieux <strong>la</strong> peinture, comme le moment<br />
où l'on aime le plus les femmes n'est sûrement pas<br />
celui où on les juge le mieux. Mous connaissons peu<br />
notre cœur quand il nous tourmente : c'est avec le<br />
calme <strong>de</strong>s réflexions et l'Intérêt <strong>de</strong>s souvenirs que<br />
nous purées y lire notre propre histoire; et alors<br />
nous apprécions mieux que jamais le poète qui pa<br />
raît <strong>la</strong> savoir aussi bien que nous : alors aussi îei<br />
écrivains dramatiques savent <strong>la</strong> traiter. Il est trèsrare<br />
qu'un jeune auteur commence par une pièce<br />
où l'amour domine. Corneille avait trente ans quand<br />
il flt k Cid. Racine avait fait fer Frères en-memis m<br />
Alexandre avant Andmmaqw; et ce qui esj; prodigieux<br />
, c'est <strong>de</strong> l'avoir faite à vingt-sept ans. Voltaire<br />
en avait près <strong>de</strong> quarante quand il donna Zaïre;<br />
Thomas Corneille près <strong>de</strong> cinquante quand il<br />
composa son Arlme.<br />
Je me souviens que ceux <strong>de</strong> mes compagnons d'étu<strong>de</strong>s<br />
qui <strong>mont</strong>raient le plus d'esprit lisaient Racine<br />
avec p<strong>la</strong>isir, mais admiraient dans Corneille jus<br />
a inséré un article sur Corneille et Racine» où il qu'aux déc<strong>la</strong>mations qui sont chez lui si fréquentes :<br />
s'exprime avec un ton d'humeur qui lui était assez j'en ai revu plusieurs <strong>de</strong>puis qui avaient bien chan<br />
naturel :<br />
gé d'avis. Mais cette méprise n'est pas seulement<br />
OWiis, difcfl, mie bta nantaise idée damnation, celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse ; c'est dans tous les temps celle<br />
si les hommes <strong>de</strong> quarante ans ne mettaient pis use frau<strong>de</strong> <strong>du</strong> plus grand nombre ; et je dois faire observer ici<br />
différence entre Corneille et Racine. »<br />
à ceux qui sont trop exclusivement épris <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<br />
Le reste <strong>de</strong> l'article ne <strong>la</strong>isse aucun doute sur l'en<strong>de</strong>ur , que c'est, <strong>de</strong> tous les genres, celui sur lequel<br />
tière préférence qu'il donne au premier; et ce n'est il est le plus aisé et le plus commun d'en imposer<br />
pas ce que je prétends combattre. Mais quand il à <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>. Il suffit d'aller au théâtre pour s'en<br />
suppose que Racine est plus fait pour être goûté convaincre tous les jours.' On y app<strong>la</strong>udit l'enflure<br />
par les jeunes gens, et Corneille par les hommes et <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>mation à côté <strong>du</strong> vrai sublime, non-seu<br />
mûrs, je crois qu'il baisse entièrement. Je pense, lement dans les pièces <strong>de</strong> Corneille, que l'on peut<br />
il contraire, que le mérite <strong>de</strong> l'un, fondé sur une croire consacrées par un vieux respect, mais mémo<br />
gran<strong>de</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> naturef <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, pour dans <strong>de</strong>s pièces d'auteurs mo<strong>de</strong>rnes, dont le nom<br />
être bien senti, plus <strong>de</strong> réflexion et <strong>de</strong> maturité; n'en impose pas. Tout ce qui a un air d'élévation<br />
et que celui <strong>de</strong> l'autre, qui consiste surtout dans et <strong>de</strong> force, fût-il faux, outré, dép<strong>la</strong>cé, entraîna<br />
l'eipression <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur, doit être plus <strong>du</strong> goût communément <strong>la</strong> foule ; et souvent même l'illusion<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse, qui a plus d'élévation et d'énergie<br />
<strong>du</strong>re longtemps. Souvent, après que les bons juges<br />
que <strong>de</strong> justesse et d'expérience. On est d'abord dis-»<br />
se sont fait entendre, on continue d'app<strong>la</strong>udir au