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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XIV. — POÉSIE.<br />

elle fait ?oir que ses idées s'étendaient sur <strong>de</strong>s objets<br />

qui ont beaucoup occupé les philosophes et les<br />

politiques <strong>de</strong> ce siècle, et que le bon sens do fabuliste<br />

Indiquait <strong>de</strong>s vérités utiles y qui <strong>de</strong> nos jours<br />

ont été plus hardiment eiposées. Mais cette hardiesse<br />

avait-elle le mérite <strong>de</strong> sa discrétion? Nous en apprenait-il<br />

moins en ne vou<strong>la</strong>nt pas tout dire? La fin<br />

<strong>de</strong> cet apologue n'est-elle pas d'une tournure fine et<br />

délicate y qui prou?e ce que j'ai avancé tout à l'heure y<br />

qu'il avait dans l'esprit une iaessa d'autant plus<br />

réelle, qu'il <strong>la</strong> cache sous cette bonhomie qui était<br />

en lui habituelle? Et dans les ouvrages 9 comme dans<br />

<strong>la</strong> société, ceux-là ne sont pas les moins fins qui ne<br />

veulent pas le paraître. Observons encore que, pour<br />

substituer avec plus <strong>de</strong> ?raisemb<strong>la</strong>nce un <strong>de</strong>mis à<br />

un moine, il feint d'avoir pris <strong>la</strong> fable dans <strong>la</strong> Mgênée<br />

<strong>de</strong>s Levantins, quoique assurément il n'en<br />

soit rien. Lé bonhomme, comme on voit, ne <strong>la</strong>issait<br />

pas d'avoir quelquefois un peu d'astuce; mais<br />

elle était bien innocente. Et quelle perfection dans<br />

ce court récit! Il y prend tour à tour le ton d'un bis»<br />

torien et celui d'un poëte comique. Molière aurait-il<br />

mieui fait parler un dénis dans sa cellule (puisque<br />

<strong>de</strong>mis y a) que ne parle notre ermite dans son fromage?<br />

Et ce sérieux dont j'ai fait mention, cette<br />

importance qu'il donne à ses acteurs! Le blocus <strong>de</strong><br />

EatopoUs, <strong>la</strong> république attmq née, son état indigène,<br />

le se<strong>cours</strong> qui sera prêt dam quatre ou cinq jours,<br />

n'est-ce pas là le style <strong>de</strong> l'histoire? Aussi se.s'agit-il<br />

<strong>de</strong> rien moins que dm peuple rat, <strong>du</strong> peuple<br />

chai* Ces dénominations, auiquelles il nous a accoutumés,<br />

nous semblent peu <strong>de</strong> chose. : il n'y en a<br />

pourtant aucun eiemple dans les fabulistes qui font<br />

précédé. De plus, elles sont nécessaires pour amener<br />

les détails qui suivent, et cette unité fon<strong>de</strong> l'illusion.<br />

Mais aussi cette illusion ne se trouve que chez lui;<br />

c'est ce qui fait que sa manière <strong>de</strong> narrer ne ressemble<br />

à aucune autre. Comme il parle gravement<br />

<strong>de</strong> ce rat, <strong>la</strong>s <strong>de</strong>s soins d s ici*bm! Ne dirait-on pas<br />

d'un solitaire philosophe? Cette réfleiion, qui semble<br />

venir là d'elle-même et sans <strong>la</strong> moindre malice,<br />

Dâwi prodigue ses Matât<br />

A eemi qui font voeu d'être lions,<br />

avait été Si confirmée par l'eipérienoe, que nous<br />

<strong>la</strong> répétions tous les jours. Voilà bien <strong>de</strong>s remarques;<br />

on en ferait <strong>de</strong> pareilles presque à chaque<br />

vers.<br />

Nous avons un peu trop <strong>la</strong> prétention, dans ce<br />

siècle, d'avoir fait, en économie politique, <strong>de</strong>s découvertes<br />

qui ne sont pas toujours aussi mo<strong>de</strong>rnes<br />

que nous l'imaginons. On a crié beaucoup, par exemple,<br />

contre l'inconvénient <strong>de</strong> <strong>la</strong> trop gran<strong>de</strong> multiplicité<br />

<strong>de</strong> fêtes, et si forty qu'à <strong>la</strong> fin nous en avons<br />

71?<br />

vu supprimer un certain nombre. On pouvait là-<strong>de</strong>ssus<br />

citer <strong>la</strong> Fontaine, qui était bien aussi phitoso*<br />

plie qu'un autre, quoiqu'il ne s'en piquât pas, car<br />

il ne se piquait <strong>de</strong> rien. Écoutons son savetier.<br />

Uti savetier chantait <strong>du</strong> matin jusqu'au soir.<br />

C'était merveille <strong>de</strong> le voir,<br />

Merveille <strong>de</strong> l'ouïr ; il faisait <strong>de</strong>s passages,<br />

Plus eoQteot qu'aucun <strong>de</strong>s sept sages.<br />

Son Yotsiïi, au ««traire, étant tout cousu d'or,<br />

Chantait peu , dormait moio§ enœr ;<br />

C'était un homme <strong>de</strong> finance.<br />

Si sur le point <strong>du</strong> jour parfois i! sommeil<strong>la</strong>it,<br />

Le sa¥eUer alors en chantant f'éveil<strong>la</strong>it;<br />

Et ie financier se p<strong>la</strong>ignait<br />

Que les soins <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provi<strong>de</strong>nce<br />

n'eussent pas au marché fait vendre te dormir.<br />

Comme le manger et le boire.<br />

En son hôtel 11 fait venir<br />

Le chanteur, et lui dit. Or ça, lire Grégoire,<br />

Que gagnez-vous par an ! Par an ! ma foi? monsieur,<br />

DU avec un ton <strong>de</strong> rieur<br />

Le gail<strong>la</strong>rd savetier, ce n'est point ma manière<br />

De compter <strong>de</strong> <strong>la</strong> sorte v et je s'entasse guère<br />

Un jour sur l'autre; U suffit qu'à <strong>la</strong> fin<br />

rattrape le bout <strong>de</strong> l'année :<br />

Chaque jour amène son pain.<br />

Eh bien ! que gagnei-vous, diteâ-mol, par journée?<br />

Tantôt plus, tantôt moins i le mal est que toujours<br />

C Et sans ce<strong>la</strong> nos gains seraient assez honnêtes ) t<br />

Le mal est que dans l'an •'entremêlent <strong>de</strong>s joues<br />

Qu'il faut chômer : on nous ruine en fêtes.<br />

L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le curé<br />

De quelque nouveau saint charge toujours son prône.<br />

Le financier, riant <strong>de</strong> sa nal?été,<br />

Lui dit ; Je veux vous mettre aujourd'hui sur le trône ;<br />

Prenez ces cent écus; gar<strong>de</strong>s-îes avec soin'<br />

Pour vous es servir au besoin.<br />

Le savetier crut voir tout l'argent que <strong>la</strong> terre<br />

Avait, <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> cent ans,<br />

Pro<strong>du</strong>it pour l'usage <strong>de</strong>s gens,<br />

n retourne ©nés lui ; dans sa cave U enserre<br />

L'argent et sa joie à <strong>la</strong> fois.<br />

Plus <strong>de</strong> chant : il perdit Sa vols<br />

Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines,<br />

Le sommeil quitta son logis :<br />

11 eut pour notes les soucis,<br />

Les soupçons, les a<strong>la</strong>rmes aatoea.<br />

Tout le jour 11 avait i'celi au guet ; et <strong>la</strong> nuit,<br />

Si quelque chat faisait <strong>du</strong> bruit,<br />

La chat prenait l'argent. A <strong>la</strong> in ie pautra homme<br />

S'en courut chei celui qu'il ne réveil<strong>la</strong>it plus ;<br />

Ren<strong>de</strong>z-moi, lui dit-U, mes chansons et mon somme,<br />

Et reprend vos cent écus.<br />

On voit que le savetier <strong>de</strong> notre fabuliste pensait<br />

comme les réformateurs <strong>de</strong> notre siècle. Il It plus :<br />

il se con<strong>du</strong>isit en sage, puisqu'il rapporta les cent<br />

écus, Mais <strong>la</strong> Fontaine le feil toujours prier en<br />

sa?aller, et lui <strong>la</strong>isse avec le bon sens qu'il lui douée,<br />

le <strong>la</strong>ngage <strong>de</strong> son état et <strong>la</strong> grosse gaieté <strong>de</strong> son caractère<br />

: c'est en quoi consiste dans <strong>la</strong> fable le grand<br />

mérite <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie dramatique. Il ne possè<strong>de</strong> pas<br />

moins éminemment celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> partie <strong>de</strong>scriptive :<br />

avec quel art il suspend au cinquième pied, par une<br />

césure imitatîve, ce vers qui peint les a<strong>la</strong>rmes <strong>du</strong><br />

pauvre homme, que ridés <strong>de</strong> son trésor tient toujours<br />

eoé'air!

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