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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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SIÈCLE DE LOUIS XI?. — POÉSIE.<br />

ciné ; mats les nombreux défauts <strong>de</strong> l'un, et <strong>la</strong> per­ article j'ai déc<strong>la</strong>ré que je n'en avais pas. Ce qui imfection<br />

continue <strong>de</strong> l'autre, font un grand poids porte à l'instruction, ce n'est pas <strong>de</strong> savoir lequel<br />

dans <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce. Si Corneille , au lieu <strong>de</strong> mettre si est le plus grand <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux poètes, mais lequel<br />

souvent te raisonnement à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>du</strong> sentiment 9 <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux a fait <strong>de</strong> meilleures tragédies, a su le mieux<br />

avait soutenu dans les détails <strong>de</strong> ses pièces le <strong>de</strong>gré écrire, a mieux connu les principes <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et<br />

d'émotion dont elles étaient susceptibles ; s'il eût <strong>de</strong> Fart, a su le mieux parler au coeur et à l'oreille.<br />

travaillé davantage ses vers, peut-être serait-il assez Voilà ce qui m'a principalement occupé dans l'exa­<br />

difficile <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r entre le genre <strong>de</strong> ses sujets et cemen <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux théâtres : et sous ce point <strong>de</strong> vue, le<br />

lui <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Racine. Mais l'un refroidit souvent résultat n<br />

le spectateur après l'avoir transporté; l'autre renient<br />

et l'intéresse toujours; l'un s'adresse souvent à<br />

l'esprit, l'autre va toujours au cœur; l'un blesse<br />

souvent l'oreille et le goût, l'autre <strong>la</strong>tte sans cesse<br />

tous les <strong>de</strong>ui : et comme on ne peut douter que le besoin<br />

le plus général <strong>de</strong>s hommes rassemblés au théâtre<br />

ne soit celui <strong>de</strong> Fémotion continuelle, il faut<br />

bien en conclure que le genre <strong>de</strong> <strong>la</strong> tragédie qui satisfait<br />

le plus ce besoin est avssi le plus théâtral. Il<br />

faut pourtant faire ici une observation essentielle :<br />

les hommes, en jugeant les pro<strong>du</strong>ctions <strong>de</strong> l'art,<br />

ne règlent pas toujours exactement leur estime sur<br />

leur p<strong>la</strong>isir, et ce n'est <strong>de</strong> leur part ni injustice ni<br />

ingratitu<strong>de</strong>. Cette disproportion tient au plus ou<br />

moins <strong>de</strong> mérite qu'ils supposent dans ces pro<strong>du</strong>ctions;<br />

et ce<strong>la</strong> est si vrai, que bien <strong>de</strong>s gens, en<br />

avouant que Racine leur fait plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir que<br />

Corneille, et à <strong>la</strong> représentation, et à <strong>la</strong> lecture, ont<br />

«^pendant plus d'estime pour Corneille. Quelle en<br />

est <strong>la</strong> raison? C'est que le genre <strong>de</strong> ses beautés les<br />

frappe davantage, et <strong>la</strong>isse en eux l'idée d'un homme<br />

plus extraordinaire. Telle est <strong>la</strong> prérogative <strong>du</strong> sublime,<br />

même lorsqu'il est mêlé <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> défauts;<br />

comme il nous enlève à nous-mêmes, il ne<br />

nous <strong>la</strong>isse pr une entière liberté <strong>de</strong> jugement; et<br />

toute autre impression est effarée par celle qu'il<br />

pro<strong>du</strong>it. 11 fait alors à notre amour-propie une<br />

sorte d'illusion très-f<strong>la</strong>ttme, il agrandit <strong>la</strong> nature à<br />

nos yeux, il nous agrandît nous-mêmes dans notre<br />

pensée, et nous porte à croire que celui qui a su nous<br />

élever à cette haitteur doit être au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> tous<br />

les autres hommes : on se croit grand en admirant<br />

<strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur. Que l'on cherche dans le cceur humain<br />

le principe <strong>de</strong> nos jugements, et il se trouvera que,<br />

si le plus grand nombre, en préférant dans le fait les<br />

pièces <strong>de</strong> Racine, préfère cependant Corneille dans<br />

l'opinion, cette espèce <strong>de</strong> contrariété n'est autre<br />

chose qu'un combat entre le p<strong>la</strong>isir et l'araour-propre<br />

: failli jugé les ouvrages 9 l'autre a jugé les auteurs;<br />

et comme l'amour-propre en nous l'emporte<br />

encore sur le p<strong>la</strong>isir, en <strong>de</strong>rnier résultat <strong>la</strong> victoire<br />

paraît être restée h Corneille.<br />

Je rends compte ici, comme on voit, <strong>de</strong> l'avis<br />

<strong>de</strong>s autres, et non pas <strong>du</strong> mien, puisque sur cet<br />

IA lÂira. — TOIB i.<br />

9 est pas douteux ; il est entièrement en<br />

faveur <strong>de</strong> Racine. J'ai tâché d'expliquer les motifs<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> préférence personnelle accordée assez généralement<br />

à Corneille, <strong>de</strong> <strong>mont</strong>rer d'où venait <strong>la</strong> disposition<br />

assez commune à lui supposer, d'après l'époque,<br />

le goût et l'effet <strong>de</strong> ses ouvrages, un mérite supérieur<br />

à celui <strong>de</strong> son rival. Quant à moi, je le répète, lorsque<br />

je considère que l'un a excellé dans quelques<br />

parties, et que l'autre les a réunies toutes, il m'est<br />

impossible <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r lequel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux avait été te<br />

mieux partagé par <strong>la</strong> nature ; et continuant d'apprécier,<br />

autant que je te puis, leurs différents avantages,<br />

je réfuterai en passant quelques aveugles enthou-"<br />

s<strong>la</strong>stes, qui m'ont pru g ? y prendre fort ma<strong>la</strong>droitement<br />

quand ils ont voulu motiver <strong>la</strong> prééminence<br />

qu'ils donnaient à Corneille.<br />

J'ai déjà marqué <strong>la</strong> différence <strong>du</strong> point <strong>de</strong> vue<br />

général sous lequel tous <strong>de</strong>ux ont aperçu <strong>la</strong> tragédie,<br />

et <strong>de</strong> l'effet que pro<strong>du</strong>it l'ensemble <strong>de</strong> leurs'<br />

ouvrages. Si je les compare dans les caractères, je<br />

trouve à peu près <strong>la</strong> même disparité et <strong>la</strong> même<br />

ba<strong>la</strong>nce. Bon Diègue et les <strong>de</strong>ux Baraeas ont un<br />

<strong>de</strong>gré d'énergie que Racine n*a pas* égalé. Cornélie<br />

et ¥lriate sont, malgré leurs défauts, (Tune hauteur<br />

<strong>de</strong> conception où Eaelse ne s'est pas élevé. Athalîe<br />

est inférieure à <strong>la</strong>Cléopâtre <strong>de</strong> Modogvm. Monipe,<br />

qui a quelque ressemb<strong>la</strong>nce avec Pauline, n'a rien<br />

d'aussi noble et d'aussi original que <strong>la</strong> scène où <strong>la</strong><br />

femme <strong>de</strong> Polyeuete engage Sévère à prendre <strong>la</strong> défense<br />

<strong>de</strong> son mari. Mais, d'un autre côté, Acomat<br />

et Agrippait sont les <strong>de</strong>ux rôles les mieux conçus<br />

en politique que Ton ait jamais tracés. Agrippine<br />

est fort au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Légalise et d'Arsinoë, qui ne<br />

sont que <strong>de</strong>s intrigantes vulgaires ; et rien ne ressemble<br />

à Acomat. Mithridate est fort supérieur à<br />

Sertorius. Ce sont <strong>de</strong>ux vieux guerriers, amoureux<br />

malgré leur âge; mais l'amour <strong>de</strong> Sertorius est ridicule<br />

: Racine a eu l'art <strong>de</strong> faire respecter et p<strong>la</strong>indre<br />

<strong>la</strong> faiblesse <strong>de</strong> Mithridate. Burrhus et Joad sont<br />

encore <strong>de</strong>ux rôles originaux, également parfaits dans<br />

leur genre ; l'un est te modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vertu <strong>la</strong> plus pure<br />

et ia plus courageuse au milieu» <strong>de</strong> <strong>la</strong> corruption <strong>de</strong>s<br />

<strong>cours</strong> ; l'autre, celui d'un, ministre <strong>de</strong>s autels plein<br />

<strong>de</strong> l'inspiration divine. Corneille n'a rien que l'on<br />

puisse en rapprocher, comme il n'a rien à opposer<br />

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