la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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<strong>de</strong> mort très-légalement renie, qui l'envoya sur uo<br />
échaiaud, sans que personne s'intéressât an malheur<br />
d'un homme que son extravagance avait fait<br />
mépriser ; et c'est lui que j'entendrai dire à sa souveraine<br />
Elisabeth :<br />
SI <strong>de</strong> me démentir j'avais été capable,<br />
Sans rien craindre <strong>de</strong> vous, ¥©ns m'auriez TU coupable.<br />
Cest sa trône, où peut-être on m'eût <strong>la</strong>issé <strong>mont</strong>er,<br />
Que j@ me fesse mis en pouvoir d'éekter.<br />
Quand on veut traiter ainsi l'histoire, il vaut<br />
mieux continuer à faire <strong>de</strong>s romans. Que penserait-on<br />
d'un poète qui intro<strong>du</strong>irait sur <strong>la</strong> scène le<br />
<strong>du</strong>e <strong>de</strong> Beaufort disant à <strong>la</strong> reine Anne d'Autriche :<br />
11 n'a tenu qu'à moi <strong>de</strong> me faire roi <strong>de</strong> France? L'un<br />
n'est pas plus risibleque l'autre. 11 faut croire, comme<br />
Voltaire le remarque, que pen<strong>de</strong> spectateurs savaient<br />
l'histoire d'Angleterre : <strong>la</strong> plupart ne connaissaient<br />
le comte d'Essex que par les romans fabriqués en<br />
France sur ses amours avec Elisabeth, qui passa en<br />
effet pour avoir eu quelque goût pour lui, quoiqu'elle<br />
eût cinquante-huit ans quand elle l'appe<strong>la</strong> à sa cour,<br />
et le it entrer au conseil. La faveur <strong>du</strong> comte <strong>du</strong>ra<br />
peu, parce que Elisabeth, qm savait régner, s'aperçut<br />
qu'il était au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> <strong>la</strong> fortune qu'elle loi<br />
avait faite. Il acheva <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégoûter en vou<strong>la</strong>nt <strong>la</strong><br />
gouverner :. elle vit ses' défauts et ses vices, et <strong>la</strong>issa<br />
punir ses crimes. Mais <strong>la</strong> multitu<strong>de</strong>, trompée par les<br />
romanciers au moment où Thomas Corneille donna<br />
sa pièce, était apparemment disposée à voir dans le<br />
©ointe d'Essex un grand homme opprimé, victime<br />
d'une cabale <strong>de</strong> cour et <strong>de</strong>là jalousie <strong>de</strong>sareine. Cest<br />
aux hommes équitables et éc<strong>la</strong>irés, à ceux qui respectent<br />
<strong>la</strong> vérité et <strong>la</strong> justice, à déci<strong>de</strong>r si un poète<br />
a ledroît<strong>de</strong> flétrir <strong>la</strong> mémoired'uoe gran<strong>de</strong> princesse,<br />
<strong>de</strong> lui attribuer une faute grave qu'elle n'a pas commise,<br />
<strong>de</strong> faire d'un rebelle ingrat et d'us conspirateur<br />
insensé us héros innocent et un citoyen vertueux<br />
, et <strong>de</strong> représenter comme une œuvre d'iniquité<br />
ce qui fut <strong>la</strong> punition d'un crime public et a voué ;<br />
s'il a le droit <strong>de</strong> nous donner pour <strong>de</strong> vils scélérats<br />
<strong>de</strong>s juges qui Irent leur <strong>de</strong>voir, et nommément Robert<br />
Gécil, ministre intègre et estimé, et le vice-amiral<br />
Raleigh, un <strong>de</strong>s grands hommes <strong>de</strong> l'Angleterre,<br />
qui rendit tant <strong>de</strong> services à sa patrie 9 et dont le nom<br />
y est encore respecté; enfin si violer ainsi l'histoire,<br />
ce s'est pas en effet déshonorer <strong>la</strong> tragédie, qui ne<br />
doit s'en sertir que pour en rendre les exemples plus<br />
frappants et les leçons plus utiles.<br />
Thomas Corneille n'est pas plus fidèle dans <strong>la</strong> peinture<br />
<strong>de</strong>s mœurs que dans celle <strong>de</strong>s caractères. Quand<br />
il suppose que le comte d'Essex est exécuté sans que<br />
<strong>la</strong> reine ait signé son arrêt, il n'y a point d'Ang<strong>la</strong>is<br />
qui ne lui dit : Ce<strong>la</strong> est faux et impossible. Il n'existe<br />
SIÈCLE DE LOOIS X1Y. — POÉSIE. 611<br />
personne dans mon pays qui osât prendre sur lui <strong>de</strong> -<br />
felre exécuter une sentence <strong>de</strong> mort contre qui que<br />
ce soit, sans que le souverain Fait signée. Quand<br />
le sanguinaire parlement, qu! finit pas ôter <strong>la</strong> vie à<br />
Charles 1 er , eut condamné le vertueux Strafford, il<br />
fallut absolument, pour exécuter cette sentence Inique,<br />
arracher à <strong>la</strong> faiblesse <strong>du</strong> monarque une signature<br />
qu'il refusa longtemps ; et une faction qui osa<br />
tout n'osa pas alors enfreindre une loi sacrée et un<br />
usage invariable.<br />
Je ne puis me dispenser <strong>de</strong> rapporter <strong>la</strong> note trèsjudicieuse<br />
<strong>de</strong> Voltaire sur ces vers que dit le comte<br />
d'Essex en par<strong>la</strong>nt <strong>du</strong> comte <strong>de</strong> Tiron :<br />
Comme il liait les méchants, il me serait utile<br />
â chasser OR Cobham, uo Ralelgh, uo Cécile,<br />
Un tm d'kommeê mm n&m, qui, bassement f<strong>la</strong>tteurs t<br />
Des désordres publics font gloire d'être auteurs.<br />
« Il n'est pas permis <strong>de</strong> falsifier à ce point eue histoire<br />
si récente, et <strong>de</strong> traiter avec tant d'indignité <strong>de</strong>s nommes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> naissance et <strong>du</strong> plus grand mérite. Les<br />
personnes instruites en sont révoltées, sans que tes Ignorants<br />
y trouvent beaucoup <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir. »<br />
J'avoue que ces considérations sont plus importantes<br />
pour l'opinion <strong>de</strong>s gens sensés que pour l'effet<br />
<strong>du</strong> théâtre, où le plus grand nombre <strong>de</strong>s juges n'est<br />
pas celui qui a le plus <strong>de</strong> connaissances. Mais <strong>la</strong> con<strong>du</strong>ite<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce, à l'examiner en elle-même, est encore<br />
très-répréhensible à beaucoup d'égards. Tout y<br />
est vague, indécis, inconséquent. Dans le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong><br />
fauteur, le comte d'Essex est évi<strong>de</strong>mment coupable,<br />
sinon <strong>de</strong> conspiration contre l'État, au moins d'une<br />
révolte ouverte, puisqu'il a soulevé le peuple, et attaqué<br />
le pa<strong>la</strong>is les armes à <strong>la</strong> main. 11 n'y a point <strong>de</strong><br />
monarchie ou ce ne soit un crime capital : comment<br />
donc peut-il parler sans cesse <strong>de</strong> son innocence? Il<br />
prétend, il est vrai, n'avoir eu d'autre projet que .<br />
d'empêcher le mariage d'Henriette, sa maîtresse, a?ee<br />
le <strong>du</strong>c d'Irton ; mais, outre qu'on ne voit pas bien<br />
epe ce soulèvement pût empêcher le mariage, luimême<br />
se croit obligé, pour l'honneur <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>du</strong>chesse<br />
d'Irton, <strong>de</strong> cacher les motifs <strong>de</strong> son entreprise ; <strong>la</strong><br />
reine les ignore ; personne n'es est instruit, excepté<br />
son confi<strong>de</strong>nt Salsbury. Pourquoi donc, criminel,<br />
dans le fait, et tout au plus excusable dans l'intention<br />
qu'on ne sait pas, tient-il le <strong>la</strong>ngage altier d'un<br />
homme qui serait irréprochable ? Pourquoi s'obstiner<br />
à ne pas <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> reine le pardon d'une faute<br />
réelle? Pourquoi dire que cette démarche, <strong>la</strong> seule<br />
qu'Elisabeth exige <strong>de</strong> lui, le perdrait d'honneur? Il<br />
n'y a que l'innocence qui puisse se déshonorer en <strong>de</strong>mandant<br />
grâce ; mais pour lui, tout l'oblige à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r,<br />
quand on veut bien <strong>la</strong> lui promettre. C'est<br />
pourtant cette faute essentielle qui fait le nœud <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pièce ".l'auteur Fa palliée jusqu'à un certain point,<br />
m.