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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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S§2<br />

CODES DE OTTÉEATtJRE.<br />

grands <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux moyens qu'il n'a jamais négligés<br />

: c'est un avantage sans doute. Mais est-il irai,<br />

versons tous les jours au cinquième acte <strong>de</strong> Obvia?<br />

Telle est pourtant <strong>la</strong> conséquence <strong>de</strong> ces npinions<br />

comme on Fa dit <strong>de</strong> nos jours 9 et comme on Ta ré­ erronées : il ne s'agit <strong>de</strong> rien moins que <strong>de</strong> conpété<br />

à tout moment dans le commentaire <strong>de</strong> Racine, damner les p<strong>la</strong>isirs les plus purs <strong>de</strong>s âmes bien<br />

que Fadmiration soit Untfours froi<strong>de</strong> et ne soit nées. Mais heureusement <strong>la</strong> nature et l'expérience<br />

jmmmis um ressort théâtral? Cette proscription gé­ réfutent tous ces systèmes eictoslfs, toutes ces<br />

nérale et absolue est un abus <strong>de</strong> mots , une héré­ poétiques d'un jour, que l'on fait pour ses amis<br />

sie mo<strong>de</strong>rne , fondée f comme toutes les autres, sur ou contre ses ennemis. Le public, sans écouter<br />

<strong>de</strong>s intérêts <strong>du</strong> moment. Ce n'est pas à Corneille ces préten<strong>du</strong>s aristarques, se <strong>la</strong>isse toujours péné­<br />

qu'on en fou<strong>la</strong>it; mais on oubliait que cet arrêt » trer au sentiment <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> générosité,<br />

s'il était fondé , serait <strong>la</strong> condamnation <strong>de</strong> ses" pièces quand il se mêle à l'attendrissement qu'excitent (es<br />

les plus admirées. J'ai promis <strong>de</strong> combattre cette passions et les sacrifices. 11 <strong>la</strong>isse couler ses <strong>la</strong>rmo,<br />

erreur» et le moment est tenu <strong>de</strong> venger <strong>la</strong> vérité sans songer si ces douces <strong>la</strong>rmes qu'il ? erse en coû­<br />

et Corneille.<br />

teront d<br />

Il faut <strong>de</strong> nouveau mots pour <strong>de</strong> nouvelles doctrines<br />

: aussi a-t-on créé nouvellement cette appel<strong>la</strong>tion<br />

très-impropre <strong>de</strong> genre odmiratff; car il<br />

n'en coûte pas plus à certains critiques <strong>de</strong> faire<br />

<strong>de</strong>s genres que <strong>de</strong>s mots. D'abord il n'y a îpoint<br />

<strong>de</strong> gmre admîratif : ce<strong>la</strong> signifierait en français le<br />

genre qwi admire, comme on dit un accent «finirai!/,<br />

un ton admiraUf, m style admiraHf, ce<br />

qui ne veut dire autre chose que lu ton, Faccent,<br />

le style <strong>de</strong> Fadmiration. Le genre qui l'inspire, et<br />

qu'on a voulu désigser par ce terme Œadmirat\f><br />

est donc très-mal dénommé : première erreur dans<br />

les mots. C'en est une autre dans <strong>la</strong> chose même,<br />

<strong>de</strong> prétendre [faire un genre particulier <strong>de</strong>s pièces<br />

qui excitent Fadmiration : Fadmiration est un sentiment<br />

que doit inspirer plus ou moins toute tragédie<br />

, puisque toute tragédie tend plus ou moins au<br />

sublime, ou <strong>de</strong> passion, ou <strong>de</strong> sentiment. Dans quel<br />

sens est-il donc vrai que Fadmiration m'est point un<br />

ressort tkéâêralt (Test quand le personnage qui<br />

Fïnspire est sans passion, ou sans malheur, ou sans<br />

dangers , comme Hicomè<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> pièce <strong>de</strong> ce nom ,<br />

comme Pompée et Ylriaîe dans SertoHm, comme<br />

Othon et <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s personnages principaux <strong>de</strong>s<br />

mauvaises pièces <strong>de</strong> Corneille. Mais quand Fadmiration<br />

tient à un grand effort que Fhomme fait sur<br />

soi-même, comme le pardon accordé à Cînna , malgré<br />

les plus justes motifs <strong>de</strong> vengeance; comme le<br />

patriotisme <strong>du</strong> vieil Horace, qui Femporte sur IV<br />

inour paternel ; comme <strong>la</strong> con<strong>du</strong>ite <strong>de</strong> Chimène, qui<br />

-poursuit par <strong>de</strong>voir Fépoux qu'elle a choisi par<br />

Inclination; comme Pauline, qui emploie pour sauver<br />

son mari Famant qu'elle lui préfère au fond <strong>du</strong><br />

cceiir ; quel est alors Fhomme insensible 9 ou plutôt<br />

Fhomrne insensé qui oserait dire que Fadmiration<br />

que nous éprouvons est froi<strong>de</strong>, qu'elle n'est pas<br />

théâtrale? Comment oserait-on proférer ce b<strong>la</strong>sphème<br />

<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> statue <strong>du</strong> grand Corneille, démentir<br />

les <strong>la</strong>rmes <strong>du</strong> grand Gondé, et celles que nous<br />

9 amères à l'envie.<br />

Je sais que les Grecs n'ont point connu cette espèce<br />

<strong>de</strong> tragique. J'avoue que <strong>la</strong> pitié qui sait <strong>de</strong><br />

l'extrême infortune, <strong>la</strong> terreur qui naît d'un danger<br />

pressant, affectent plus fortement notre âme.<br />

Mais que s'ensuit-il ? Que Corneille a trouvé un ressort<br />

dramatique <strong>de</strong> plus, et en fondant notre théâtre,<br />

a créé un genre qui est à lui : c'est à coup sûr un<br />

titre <strong>de</strong> gloire. Ce genre est inférieur pour l'effet f<br />

j'en conviens : on peut douter qu'il le soit pour le<br />

mérite. Me voulons-nous reconnaître qu'une sorte<br />

<strong>de</strong> talent, et n'éprouver au théâtre qu'une sorte <strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>isir? 11 n'y a jamais trop <strong>de</strong> l'un et <strong>de</strong> l'autre. Il<br />

faut admettre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés dans tout, et ne rejeter<br />

rien <strong>de</strong> ce qui est bon. L'effet <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Corneille<br />

est moins touchant, moins profond, moins sontenu],<br />

moins déchirant, que celui <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> Racine<br />

et <strong>de</strong> Yoltaire; mais il est quelquefois plus<br />

vif : il arrache moins <strong>de</strong> <strong>la</strong>rmes, mais il excite plus<br />

<strong>de</strong> transports ; car les transports sont proprement<br />

l'effet <strong>de</strong> l'admiration, quand elle vient <strong>de</strong> Fâmê f<br />

et non pas seulement <strong>de</strong> l'esprit ; et c'est ce que<br />

j'ai toujours observé dans les premiers actes <strong>de</strong>s<br />

Borates et dans le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> Cbuia : ces pièces ne<br />

serrent pas le cœur; elles élèvent l'âme. Et quel<br />

reproche peut-on faire à ceux qui préfèrent même<br />

cette impression à toute autre? Assurément aucun.<br />

Une impression qui transporte n'est donc pas/roiife ;<br />

une admiration qui fait pleurer est donc théâtrale.—<br />

Mais ces transports sont nécessairement passagers,<br />

mais ces <strong>la</strong>rmes ne coulent pas longtemps ; et Féraotion<br />

est continuelle à <strong>la</strong> représentâmes û'Jndromaque<br />

et û'Ipkigénie, et l'on étouffe <strong>de</strong> sanglots à<br />

Zaïre ou à Tancrê<strong>de</strong>. — Eh bien ! préférez f si vous<br />

voulez, cette sorte <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir et ne cond§mnex pas<br />

celui <strong>de</strong>s autres. Mais enfin, lequel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux genres<br />

vaut le mieux? — On pourrait répondre'comme<br />

Yoltaire : Celui qui est le mieux traité. Peut-être,<br />

au fond^, <strong>la</strong> question serait douteuse, si Fexéeution<br />

avait été aussi parfaite dans Corneille que dans Ha-

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