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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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quité. Le Tasse et Mlllon y ont subtitué les agents<br />

ietermédiaires admis dans potre religion. Mous ferrons<br />

ailleurs l'Inconvénient qu'ils ont dans le poëme<br />

<strong>de</strong> Mîtes* Quant à celui <strong>du</strong> Tasse, j'avoue que le<br />

reproche qu'on lui a fait d 9 â¥oir employé <strong>la</strong> magie<br />

ne m'a jamais para fondé. luire croyance religieuse<br />

ne <strong>la</strong> rejette pas9 et dans quel sujet pouvait-elle entrer<br />

plus convenablement ? Les chrétiens portent <strong>la</strong><br />

guerre chez les nations mahométanes : n'est-ce pas là<br />

le cas <strong>de</strong> représenter l'enfer armant toutes les puissances<br />

contre eeux qui suivent les enseignes do<br />

Christ? Les Sarrasins <strong>de</strong> <strong>la</strong> Palestine n'étaient-ils<br />

pas regardés comme vivant sous le joug <strong>de</strong>s démons ?<br />

Les démons font donc leur office en défendant leurs<br />

sujets qu'on veut leur ôter. Il y a plus : toute cette<br />

magie d'Arnii<strong>de</strong> est-elle sans intérêt? J'aime beaucoup<br />

mieux sans doute <strong>la</strong> Bidon <strong>de</strong> Virgile ; car que<br />

peut-on comparer à Bidon? Mais ne pouvant pas<br />

refaire ce qui avait été si supérieurement fait, il<br />

nous a donné Arml<strong>de</strong>, et peut-on lui en savoir mai»<br />

Tais gré? l'j a-t-il pas beaucoup d'art à nous avoir<br />

<strong>mont</strong>ré cette magicienne livrée par sa passion à <strong>la</strong><br />

merci <strong>de</strong> celui qu'elle aime, dans l'instant même<br />

qu'un pouvoir surnaturel <strong>la</strong> rend maîtresse absolue<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> Renaud? N'est-ce pas là parler à <strong>la</strong> fois à<br />

l<strong>la</strong>iagiaaflori et au coeur? Et cette forêt enchantée<br />

qu'on a tant critiquée 9 osera-t-on prétendre qu'elle<br />

se pro<strong>du</strong>ise pas un grand effet, et qu'elle ne soit<br />

pas use source <strong>de</strong> beautés? Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rais aui critiques<br />

mêmes s'ils n'ont pas été émus au moment<br />

m l'intrépi<strong>de</strong> Tancrè<strong>de</strong> entre dans cette forêt 9 au<br />

moment où il en sort à pas lents f en homme supérieur<br />

à <strong>la</strong> crainte , mais qui reconnaît une puissance<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa force et <strong>de</strong> son courage. Quand <strong>la</strong><br />

•ali gémissante <strong>de</strong> Çlorin<strong>de</strong>, sortant <strong>de</strong> ces troncs<br />

sensiblesf frappe les oreilles <strong>de</strong> Tancrè<strong>de</strong>, est-on<br />

moins attendri que dans cet endroit <strong>de</strong> i'Enéi<strong>de</strong> ©à<br />

Énée, You<strong>la</strong>nt arracher <strong>de</strong>s branches d'un myrte,<br />

«n voit couler <strong>de</strong>s gouttes <strong>de</strong> sang9 et entend une<br />

voix p<strong>la</strong>intife qui lui reproche sa cruauté? Cette<br />

•oix, ce sang, ces rameaux, ce myrte qui couvrent<br />

<strong>la</strong> tombe <strong>du</strong> jeune PoIydore9 et qui sont originairement,<br />

comme il le dit à Énéef les traits dont fa<br />

fait aacaMer Polymnestor9 et sous lesquels il est enseveli<br />

t sont-ils une iction plus fondée que les arbres<br />

cachantes <strong>du</strong> Tasse ? Tout ce<strong>la</strong> ne tient-il pas également<br />

à <strong>de</strong>s hypothèses traditionnelles f reôaes dans<br />

tous les systèmes religieux 9 et que par conséquent<br />

un poète peut employer sans être taxé d'absurdité<br />

et d'inconséquence? Ces hypothèses peuvent être<br />

combattees par une philosophie qui rejette toute<br />

espèce <strong>de</strong> miracles; mais cette philosophie doit-elle<br />

être celle <strong>de</strong>s poètes? Qu'elle réfute tant qu'elle vou-<br />

ANCIENS. —• POÉSIE. 63<br />

dru les fables <strong>de</strong> tous les peuples anciens 9 c'est son<br />

emploi; celui <strong>de</strong>s poètes, c'est d'en profiter. Eh!<br />

souvent les philosophes eux-mêmes ne sont pas fâchés<br />

qu'on leur fesse 9 au moins un moment , cette<br />

espèce d'illusion. Quel homme y est absolument<br />

étranger ? Quel est celui à qui <strong>la</strong> vérité peut suffire f<br />

cette vérité qui nous apprend si peu <strong>de</strong> choses et<br />

qui nous en refuse tant?<br />

Ne soyons pas si prompts à médire <strong>du</strong> merveilleux<br />

: nous l'aimons tant, et nous en avons tant<br />

besoin ! Condamnés à ignorer, faut-il nous ôter encore<br />

<strong>la</strong> ressource d'imaginer? Ohl qu'en ce sens les<br />

poètes ont connu l'homme bien mieux que n'ont<br />

fait les philosophes 111 y a dans nous un fonds immense<br />

et intarissable <strong>de</strong> sensibilité qui ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

qu'à se répandre; qui, ne pouvant se contenter <strong>de</strong><br />

ce qui est, cherche à se prendre à tout ce qui pourrait<br />

être, veut tout interroger, tout animer, veut<br />

s'adresser à tout % et que tout lui répon<strong>de</strong> ; qui ne<br />

peut souffrir que <strong>la</strong> pierre d'une tombe soit muette,<br />

ni qu'un monument soit insensible; qui attache à<br />

tous les objets <strong>de</strong>s souvenirs, <strong>de</strong>s regrets, <strong>de</strong>s espérances.<br />

Be là cet irrésistible instinct qui promène<br />

nos pensées dans un ordre <strong>de</strong> choses, sans pouvoir<br />

nous révéler ce qu'il est; <strong>de</strong> là cette foule <strong>de</strong> sentiments<br />

confus, mais tendres, qui sont <strong>de</strong>s rêves <strong>de</strong><br />

l'imagination passionnée ai natre flme aime à se<br />

reposer, même en se trompant, comme nos sens<br />

se reposent pendant les songes <strong>du</strong> sommeil.<br />

Voilà f n'en doutons point, ce qui f aux yeui <strong>de</strong>s<br />

hommes sensibles, a donné tant <strong>de</strong> prix aux ietîaas<br />

<strong>de</strong> l'ancienne mythologie 9 qui prêtait à tout rime et<br />

<strong>la</strong> vie, faisait communiquer Thomme avec tous les<br />

êtres existants et possibles, et le faisait vivre dans le<br />

passé et dans l'avenir. Nous disions 9 il n 9 y a pas longtemps,<br />

que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong>s anciens était toute poétique ;<br />

leur religion ne Fêtait pas moins : <strong>la</strong> nôtre, aussi sublime<br />

que vraie, peut élever le génie beaucoup plus<br />

haut, mais ne lui permet pas <strong>la</strong> même variété <strong>de</strong> lettons.<br />

Que <strong>la</strong> Mothe, avec sa froi<strong>de</strong> et contentieux<br />

raison, était loin <strong>de</strong> sentir ce mérite <strong>de</strong>s anciens! Il<br />

avoue lui-même, ce que Fénelon lui avait fait observer<br />

dans une <strong>de</strong> ses lettres, qu'il n'était pas juste <strong>de</strong><br />

reprocher à Homère d'avoir suivi les idées <strong>de</strong> son<br />

siècle, et d'avoir peintsesdieux tels qu'on les croyait.<br />

Hneksa pmfmiis, dit très-bien Fénelon; û p<br />

faiiu qu'M ks prU tek qu'U k$ trwnaÊt* Et qui<br />

doute que <strong>la</strong> mythologie ancienne ne soit remplie<br />

d'inconséquences? Mais qui peut nier aussi qu'elle<br />

ne soit pleine <strong>de</strong> tableaux faits pour être coloriés<br />

par un poète, et pour frapper l'imagination <strong>de</strong> tous<br />

les hommes? Laissons donc les inconséquences plus<br />

ou moins mêlées dans toutes les religions qui'ont *

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