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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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36-6<br />

erreur <strong>de</strong>s sens postait contre eui qu'il y a?ait <strong>de</strong>s<br />

sensations certaines; car l'erreur s'est que <strong>la</strong> négation<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité; et Ton ne peut dire que telle sensation<br />

est erronée qu'en supposant soi-même que <strong>la</strong><br />

sensation contraire est réelle, sans quoi Ton ne dirait<br />

rien qui eût <strong>du</strong> sens. De plus, ce ne sont pas les<br />

sens qui se trompent, car les sens ne jugent point :<br />

c'est l'âme seule, c'est <strong>la</strong> faculté pensante qui forme<br />

<strong>de</strong>s jugements sur les objets transmis par les sens;<br />

et Cicéron lui-même le dit très-c<strong>la</strong>irement dans ses<br />

Tumdanes. Enfin, si les sens nous trompent souvent,<br />

«ous connaissons les causes <strong>de</strong> l'erreur, et<br />

les moyens <strong>de</strong> <strong>la</strong> rectifier dans tout ce qui est à <strong>la</strong><br />

portée <strong>de</strong> nos sens. Les expériences physiques en<br />

sont <strong>la</strong> preuve, et les effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

pesanteur et <strong>de</strong> l'é<strong>la</strong>sticité <strong>de</strong> l'air, effets qui certainement<br />

n'arrivent que par les sens à l'intelligence<br />

qui les juge, nous sont aussi dé<strong>mont</strong>rés que <strong>de</strong>s corol<strong>la</strong>ires<br />

mathématiques. En un mot, cette incertitu<strong>de</strong><br />

générale ferait <strong>de</strong> notre existence et <strong>du</strong> mon<strong>de</strong><br />

une espèce <strong>de</strong> rêve ; ce qui ne peut se soutenir qu'en<br />

rêvant ou en p<strong>la</strong>isantant, et ce qui serait mime Ha<br />

fort triste rêve et une fort inepte p<strong>la</strong>isanterie.<br />

Cicéron a suivi partout <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> P<strong>la</strong>ton,<br />

celle -<strong>du</strong> dialogue, mais rarement celle <strong>de</strong> l'argumentation<br />

socratique par <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s et par réponses,<br />

qui est par elle-même subtile et sèche, et convenait<br />

peu au génie <strong>de</strong> Cicéron et à sa manière d'écrire<br />

plus ou moins oratoire dans tous les genres. 11 se<br />

rapproche beaucoup plus <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong>s dialogues<br />

<strong>de</strong> P<strong>la</strong>ton dans <strong>la</strong>quelle chaque interlocuteur<br />

expose tour à tour son opinion raisonnée et développée,<br />

ce qui donne beaucoup plus <strong>de</strong> champ à félocutioa;<br />

et Cicéron avait trop d'intérêt à n'y pas<br />

renoncer. On retrouve partout dans <strong>la</strong> sienne l'élégance<br />

et <strong>la</strong> richesse, qui ne l'abandonnent jamais,<br />

et f ce qui est encore plus important en philosophie,<br />

<strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté et <strong>la</strong> métho<strong>de</strong>, <strong>de</strong>ux choses qui manquent<br />

à P<strong>la</strong>ton. Cicéron ne s'est pas borné non plus à l'exposé<br />

et à <strong>la</strong> discussion <strong>de</strong>s différentes doctrines ; on<br />

croira sans peine qu'il y met <strong>du</strong> sien, et qu'il tâche<br />

dans chaque cause d'être aussi bon avocat qu'il est<br />

possible, par l'usage qu'il fait <strong>de</strong>s moyens qu'on lui<br />

a fournis. Bans ses cinq livres Sur <strong>la</strong> nature <strong>du</strong> Mm<br />

et <strong>du</strong> mai, on peut dire <strong>de</strong> lui ce que Vol taire disait<br />

<strong>de</strong> Baylt, qu'il s'était fait l'avocat général <strong>de</strong>s philosophes;<br />

mais non pas ce que Voltaire ajoute <strong>de</strong><br />

Bayle, qu'il ne donne jamais ses conclusions : car<br />

on connaît très-bien celles <strong>de</strong> Cicéron f soit qu'il<br />

prie lui-même, comme lorsqu'il défend le probabilisme<br />

académique, et attaque les dogmes d'Épicure<br />

et <strong>de</strong> Zenon, soit qu'il donne <strong>la</strong> parole à quel'<br />

qu'un <strong>de</strong>s personnages qu'il intro<strong>du</strong>it, et pi sont<br />

COU1S DE L1TTÉMTUEE*<br />

<strong>la</strong> plupart au nombre <strong>de</strong>s plus considérables <strong>de</strong> son<br />

temps et <strong>de</strong>s plus distingués <strong>de</strong> ses amis, tels que<br />

Lueullus, Catullus, Gotta, Caton, Torquatus, et<br />

autres, comme vous avez eoteo<strong>du</strong> Crassus et Antoine<br />

dans les dialogues sur l'éloquence.<br />

II s'agit ici <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> question <strong>du</strong> smaeraM<br />

Mm; et si l'on ne trouve nulle part un résultât entièrement<br />

satisfaisant, c'est qu'il était impossible<br />

d'en obtenir sur ce qui n'existe pas. C'est le premier<br />

inconvénient (et il est capital) <strong>de</strong> ces interminables<br />

controverses <strong>de</strong>s anciens. Aucun ne s'est aperçu qu'ili<br />

cherchaient tous ce qu'on ne peut pas trouver, puisqu'il<br />

est <strong>de</strong> toute impossibilité que le souverain bien<br />

soit dans un ordre <strong>de</strong> choses où tout est nécessairement<br />

imparfait» Ce<strong>la</strong> nous parait aujourd'hui si simple,<br />

que personne ne s'avise plus d'en douter ; mais il<br />

est très-commun d'ignorer ce qui est pourtant une<br />

vérité <strong>de</strong> fait, que si les mo<strong>de</strong>rnes ont absolument<br />

renoncé à cette question, qui n'a cessé d'agiter pendant<br />

tant <strong>de</strong> siècles les écoles anciennes, c'est <strong>de</strong>puis<br />

que le légis<strong>la</strong>teur <strong>de</strong> l'Évangile eut appris à<br />

l'homme que le bonheur n'était point <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> 9<br />

et qu'il ne fal<strong>la</strong>it pas l'y chercher. Cette vérité, quoi»<br />

que révélée, a para si sensible, que tout le mon<strong>de</strong><br />

en a profité, même lorsque pr <strong>la</strong> suite l'Évangile<br />

perdit beaucoup <strong>de</strong> disciples ; et ce n'est pas à beau*<br />

coup près <strong>la</strong> seule vérité qu'en ait empruntée, sans<br />

s'en apercevoir, <strong>la</strong> philosophie mo<strong>de</strong>rne, ni le seul .<br />

avantage qu'aient conservé <strong>de</strong>s lettres chrétiennes<br />

ceux mêmes qui, d'ailleurs, se sont déc<strong>la</strong>rés contre<br />

<strong>la</strong> religion.<br />

En quoi consiste le souverain bien? C'était là ce<br />

qu'on <strong>de</strong>mandait à tous les philosophes, comme on<br />

leur <strong>de</strong>mandait à tous, Gomment le mon<strong>de</strong> a-t-fl été<br />

fait ? H n'y en avait pas un qui se crût en état <strong>de</strong> répondre<br />

sur les <strong>de</strong>ux questions : et <strong>de</strong> là autant <strong>de</strong><br />

systèmes sur l'une que sur l'autre. Êpîcure et Artstippe<br />

répondaient, Dans le p<strong>la</strong>isir : Hiéronymef<br />

Dans l'absence <strong>de</strong> <strong>la</strong> douleur : Zenon, Dans <strong>la</strong> vertu ;<br />

et ces trois systèmes étaient simples et absolus :<br />

P<strong>la</strong>ton, Dans <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité, et dans<br />

<strong>la</strong> vertu qui en est <strong>la</strong> suite : Aristote, Carnéa<strong>de</strong> et<br />

les péripatéticiens, A vivre conformément aux lois<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, mais non pas indépendamment <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

fortune : ces <strong>de</strong>ux systèmes étaient complexes, et<br />

l'Académie, que Cicéron faisait profession <strong>de</strong> suivre,<br />

se rapprochait <strong>du</strong> <strong>de</strong>rnier en le commentant et l'expliquant<br />

Du reste, les choses et les mots se confondaient<br />

tellement dans l'exposition et <strong>la</strong> discussion<br />

<strong>de</strong> chaque doctrine, que souvent Tune rentrait en<br />

partie dans Pautre; et même Cicéron prétend que<br />

Zenon et tout le Portique ne s'étaient séparés da<br />

péripatéttdtns que pr un rigorisme mal enten<strong>du</strong>;

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