la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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COtJMS DE LITTÉRATURB.<br />
Il s'en fout bien que <strong>la</strong> conséquence <strong>de</strong> toutes ces<br />
vérités soit désavantageuse à <strong>la</strong> gloire <strong>de</strong> nos bons<br />
auteurs : au contraire,.ce qui s'offrit aux anciens,<br />
nous sommes obligés <strong>de</strong> le chercher. Notre barmoaie<br />
n'est pas ne don <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue; elle est l'ouvrage<br />
<strong>du</strong> talent : elle ne petit naître que d'usé gran<strong>de</strong> habileté<br />
dans le choix et l'arrangement d'un certain<br />
nombre <strong>de</strong> mots, et dans l'exclusion judicieuse donnée<br />
au plus grand nombre. Nous aYons beaucoup<br />
moins <strong>de</strong> matériaux pour élever l'édifice, et ils sont<br />
bien moins heureux-: l'honneur es est plus grand<br />
pour l'architecte. Nom bâtissons en brique, a dit<br />
Voltaire, et tes anciens construisaient en marbre.<br />
Les Grecs surtout , aussi supérieurs aux Latins que<br />
ceux-ci le sont aux mo<strong>de</strong>rnes, les Grecs avaient<br />
une <strong>la</strong>ngue toute poétique. La plupart <strong>de</strong> leurs mots<br />
peignent à l'oreille et à l'imagination, et le son exprime<br />
l'idée. Ils peuvent combiner plusieurs mots<br />
dans un seul, et renfermer plusieurs images et plusieurs<br />
pensées dans une seule expression. Ils peignent<br />
d'un seul mot un casque qui jette <strong>de</strong>s râpons <strong>de</strong> lnmiére<br />
<strong>de</strong> tous ks côtés, un guerrier couvert d f bas, etc. ; au lieu que le mot <strong>la</strong>tin aspicere, modifié<br />
par une préposition, marque à lui seul toutes<br />
les nuances possibles : regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> loin, prospieere;<br />
regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>dans, inspicere; regar<strong>de</strong>r à travers,<br />
perspkere; regar<strong>de</strong>r au fond, introspieere;<br />
regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>rrière soi, respicere; regar<strong>de</strong>r en haut,<br />
suspicere; regar<strong>de</strong>r en bas, <strong>de</strong>spicere; regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />
manière à distinguer un objet parmi plusieurs autres<br />
( voilà une idée très-complexe : un seul mot <strong>la</strong> rend ),<br />
dispkere; regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> soi, circumspicere.<br />
Tous voyez que le <strong>la</strong>tin peint tout d'un coup à l'esprit<br />
ce que le français ne lui apprend que successivement<br />
: c'est le contraste <strong>de</strong> <strong>la</strong> rapidité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> lenteur<br />
; et pour peu qu'on réfléchisse sur le caractère <strong>de</strong><br />
l'imagination, l'on sentira qu'on ne peut jamais lui<br />
parler trop vite, et qu'une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s prérogatives<br />
d'une <strong>la</strong>ngue est d'attacher une image à un mot<br />
Veut-on d'ailleurs s'assurer, par <strong>de</strong>s exemples, <strong>de</strong><br />
l'avantage que l'on trouve à possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong><br />
ce genre, et <strong>de</strong> l'inconvénient d'en manquer? En<br />
voici <strong>de</strong> frappants. On rencontre souvent dans les<br />
m historiens <strong>la</strong>tins, au moment où une armée com<br />
panache <strong>de</strong> diverses conteurs, et mille autres obmence à s'ébranler, et paraît sur le point d'être mise<br />
jets qu'il serait trop long <strong>de</strong> détailler. Aussi nos en déroute, ces <strong>de</strong>ux mots, fagmm ciremmspicie-<br />
mots scientifiques qui expriment ic$ idées complexes bantf qui ne peuvent être ren<strong>du</strong>s exactement que<br />
sont tous empruntés <strong>du</strong> grec, géographie, astrono <strong>de</strong> cette manière : Ils regardaient autour d'eux <strong>de</strong><br />
mie, mythologie, et autres <strong>du</strong> même genre. Ils sa <strong>de</strong> quei côté ik fieraient. Yoilà bien <strong>de</strong>s mots. J'atcrifiaient<br />
tellement à l'euphonie ( c'est encore là teste tous ceux qui ont ici quelque connaissance dil<br />
un <strong>de</strong> leurs mots composés, et il signifie <strong>la</strong> douceur <strong>la</strong>tin 9 que ce qui parait si long en français est com<br />
<strong>de</strong>s sons), qu'ils se permettaient, surtout en vers, plètement exprimé par ces <strong>de</strong>ux mots seuls ifugam<br />
d'ajouter ou <strong>de</strong> retrancher une ou plusieurs lettres ctrcmmspieieimnt. Quel avantage <strong>de</strong> pouvoir offrir<br />
dans un même mot, selon le besoin qu'ils en avaient à l'imagination un tableau entier avec <strong>de</strong>ux mots!<br />
pour <strong>la</strong> mesure et pour l'oreille. Ajoutes que les Un autre exemple dé<strong>mont</strong>rera l'impossibilité qu'é<br />
différentes nations <strong>de</strong> <strong>la</strong> Grèce, affectionnant <strong>de</strong>s prouvent les meilleurs tra<strong>du</strong>cteurs <strong>de</strong>s anciens à<br />
-anales différentes, amenaient dans les noms et dans soutenir toujours <strong>la</strong> comparaison avec eux, parce<br />
les verbes ces variations que Ton a nommées dia<br />
qu'enfin l'on ne peut pas trouver dans une <strong>la</strong>ngue<br />
lectes; et qu'un poète pouvait les employer toutes.<br />
ce qui n'y est pas; et quand, un écrivain tel que<br />
Est-ce donc à tort qu'on s'est accordé à reconnaî<br />
notre Delille n'a pu y parvenir, on peut croire <strong>la</strong><br />
tre chez eux <strong>la</strong> plus belle <strong>de</strong> toutes les <strong>la</strong>ngues et <strong>la</strong><br />
difficulté insur<strong>mont</strong>able. Il s'agit <strong>de</strong> ce fameux épi<br />
plus harmonieuse poésie?<br />
so<strong>de</strong> d'Orphée, et <strong>du</strong> moment où, en se retournant<br />
Nous avons, il est vrai, comme les anciens, ce pour regar<strong>de</strong>r Eurydice, il <strong>la</strong> perd sans retour.<br />
qu'on appelle <strong>de</strong>s simples et <strong>de</strong>s composés, c'est-à- C'est bien là que Ton va sentir <strong>la</strong> nécessité d'exdire<br />
<strong>de</strong> termes radicaux modifiés par une préposiprimer en un seul mot l'action <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong>rrière<br />
tion. Le verbe mettre, par exemple, est use racine soi ; car c'est à un seul mouvement <strong>de</strong> tête que tient<br />
dont les dérivés sont admettre, soumettre, démet tout le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux amants, et tout l'intérêt <strong>de</strong><br />
tre, etc. ; mais en ce genre il nous en masque beau <strong>la</strong> situation. Virgile n'y était pas embarrassé : il<br />
coup d'essentiels 9 et cette sorte <strong>de</strong> composition <strong>de</strong>s avait le mot respicere; il ne s'agissait que <strong>de</strong> le p<strong>la</strong><br />
mots est chez nous plus bornée et moins significacer heureusement, et l'on peut s'en rapporter à lui.<br />
tive que chez les anciens. Leurs prépositions Ter- Il coupe par le milieu <strong>la</strong> cinquième mesure, et susbaies<br />
ont plus <strong>de</strong> puissance et plus d'éten<strong>du</strong>e. Prepend l'oreille et l'imagination sur le mot terrible,<br />
nons le mot regar<strong>de</strong>r. Si nous voulons exprimer respexiL Ce mot, qui dit tout, le tra<strong>du</strong>cteur n§<br />
les différentes manières <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r, il fout avoir l'avait pas. Os ne peut pas faire entrer dans un mm<br />
re<strong>cours</strong> aux phrases adverbiales, m haut, en il regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière lui.