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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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COUES DE UTTÉ1ATU1E.<br />

598<br />

faute d'un instant se perd dans <strong>la</strong> foule <strong>de</strong>s beautés<br />

qu'offre tout le reste <strong>du</strong> rôle. Ce m sont pas là<br />

<strong>de</strong> simples spécu<strong>la</strong>tions; ce sont <strong>de</strong>s faits. Fontenelle<br />

conclut par un principe très-vrai :<br />

« H n'appartient qu'à us génie <strong>du</strong> premier, ordre <strong>de</strong> nous<br />

donner un personnage bas. »<br />

Oui, et Racine Ta prouvé dans Narcisse.<br />

Si nous en Tenons aux mœurs nationales, Corneille<br />

n'a su les peindre en maître que dans les tableaux<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur romaine, qu'il a pourtaatquelquefois<br />

exagérée, comme dans ce vers,<br />

Pour être pis» qu*un roS, In te crois qmtqm ehose,<br />

qui marque un mépris beaucoup trop grand. Il n'est<br />

pas vrai que les Romains méprisassent tant <strong>la</strong><br />

royauté; ils <strong>la</strong> haïssaient, et se p<strong>la</strong>isaient à rabaisser;<br />

mais on ne cherche pas à humilier ce qu'on<br />

méprise. César s'eût pas ambitionné le titre <strong>de</strong> roi,<br />

g 9 il eût été un objet <strong>de</strong> dédain. Enfin f Corneille luimime<br />

contredit cette exagération, lorsque Auguste<br />

dit à Cinna, en par<strong>la</strong>nt d'Emilie qu'il lui offrait en<br />

mariage :<br />

Le digne objet <strong>de</strong>s wmm <strong>de</strong> tonte Fïtatte,<br />

Et cfu'ont mise si haut met bienfaits et mes soins,<br />

Qu'en te coorooBiiiii rot je f aiftii donné moins.<br />

11 croit dire ce qu'il y a <strong>de</strong> plus fort ; il ne pense donc<br />

pas qu'il eût fait $î peu <strong>de</strong> chose <strong>de</strong> Cinna en le<br />

faisant mi, ni que ce fût H peu <strong>de</strong> cime d'être<br />

roL<br />

Racine a représenté avec idélïté les mœurs grecques<br />

dans Jnéromaque et Ipkigénk, et avec énergie<br />

les mœurs turques dans les rôles <strong>de</strong> Roxane et<br />

d'Acomat. Mais il s'est surpassé dans <strong>la</strong> peinture<br />

<strong>de</strong>s Juifs, au point <strong>de</strong> se mettre pour ainsi dire au<br />

rang <strong>de</strong> leurs prophètes; et dans Briiannicut il a<br />

tracé <strong>la</strong> bassesse <strong>de</strong>s Romains dégénérés avec les<br />

crayons <strong>de</strong> Tacite. Observons cependant que, Corneille<br />

choisissant <strong>de</strong> préférence ses sujets chez le<br />

peuple qui a eu le plus d'éc<strong>la</strong>t dans le mon<strong>de</strong>, ses<br />

tableaux ont paru plus iers et plus imposants à tous<br />

les ordres <strong>de</strong> spectateurs; au lieu que ceux <strong>de</strong> Racine,<br />

dont le principal mérite est <strong>la</strong> vérité <strong>du</strong> trait<br />

et <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>rité <strong>du</strong> <strong>de</strong>ssin, sont faits plus particulièrement<br />

pour les connaisseurs.<br />

£n reprochant à Corneille quelques traits d'exagération,<br />

je n f ai pas préten<strong>du</strong> restreindre le juste<br />

éloge qu'on a fait <strong>de</strong> lui, lorsqu'on a dit qu'il faisait<br />

quelquefois parler les Romains mieux qu'ils ne<br />

par<strong>la</strong>ient eux-mêmes. Quand <strong>la</strong> ressemb<strong>la</strong>nce est<br />

conservée, embellir en imitant n $ est qu'un mérite<br />

<strong>de</strong> plus. H n'est pas sûr que César, en voyant <strong>la</strong> tête<br />

<strong>de</strong> Pompée, ait dit rien d'aussi beau que ces <strong>de</strong>ux<br />

vers ;<br />

teste d'an <strong>de</strong>mi-dieu, dont à peine Je pub<br />

tgater Is grand nom f tout vainqueur que f en suit.<br />

Mais s'il ne Fa pas dit, il a pu le dire, et il est bien<br />

glorieux pour le poëte qu'on puisse douter si son<br />

génie n'a pas été au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l'âme <strong>de</strong> César.<br />

Je me f<strong>la</strong>tte que, dans les différentes observations<br />

que je hasar<strong>de</strong>, on reconnaîtra <strong>du</strong> moins une entière<br />

impartialité. Si telle eût été <strong>la</strong>, disposition <strong>de</strong><br />

FonteneHe, je ne serais pas obligé <strong>de</strong> le combattre<br />

si souvent. Il fait, dans son HUtoire <strong>du</strong> Théâtre,<br />

une remarque critique, dont l'intention est dirigée<br />

contre Racine, mais qui, dans l'application exacte,<br />

retombe sur Corneille.<br />

« Quand mm voyons que Ton donne notre manier e <strong>de</strong><br />

traiter l'amour à <strong>de</strong>s Romains ; à <strong>de</strong>s Grecs f et qui pis est,<br />

à <strong>de</strong>s Tares 9 pourquoi ce<strong>la</strong> m nous paratMl pas bariesqee f<br />

C'est que nous n'eu savons pas esses ; et comme noas se<br />

eosiasiisofis guère les véritables mœurs <strong>de</strong> ces peuples,<br />

nous ne trouvons point étrange qu'on les fasse p<strong>la</strong>nts à<br />

notre manière : il fondrait, pour en rire, <strong>de</strong>s gens plus édai*<br />

rés. La chose est assez risibie; mais il manque <strong>de</strong>s riens. »<br />

Rien n'est si prompt et si rapi<strong>de</strong> que <strong>la</strong> censure<br />

et <strong>la</strong> satire; rien n'est si lent que <strong>la</strong> réfutation et<br />

Fapologie. Cest le trait qui ?ole et qui s'enfonce<br />

dans <strong>la</strong> blessure qu'il a faite; mais, pour Feu retirer,<br />

il faut <strong>du</strong> temps, <strong>de</strong>s efforts, et <strong>de</strong> <strong>la</strong> précaution<br />

. D'abord, pour ce qui est <strong>de</strong>s Grecs et <strong>de</strong>s Ro-<br />

_ mains, ils ne nous sont pas assez étrangers pour<br />

que leur manière <strong>de</strong> traiter l'amour nous soit inconnue.<br />

Virgile, Tibulle, Ofï<strong>de</strong>, peuvent bien nous<br />

en donner quelque idée. Quand Ovi<strong>de</strong>, dans ses Bérùi<strong>de</strong>s,<br />

fait parler <strong>de</strong>s femmes grecques, il leur<br />

donne à peu près le <strong>la</strong>ngage que nous leur donnerions<br />

aujourd'hui; et Ovi<strong>de</strong> <strong>de</strong>vait connaître les<br />

mœurs grecques. Quand on lit le quatrième livre <strong>de</strong><br />

l'Enéi<strong>de</strong>, Bidon nous rappelle Hermioue : ce sont<br />

les mêmes mouvements, les mêmes douleurs, les<br />

mêmes transports. Au contraire, quand on lit ÏJrt<br />

d'Jimer d'Ovi<strong>de</strong>, où il peint les mœurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse<br />

romaine, on voit qu'elles s'éloignent <strong>de</strong>s<br />

nôtres dans beaucoup <strong>de</strong> circonstances. Pourquoi?<br />

Cest que chez les nations polies et lettrées, où les<br />

femmes ont conservé leur liberté, <strong>la</strong> ga<strong>la</strong>nterie,<br />

toujours ingénieuse, a pourtant un différent esprit,<br />

suivant <strong>la</strong> différence <strong>de</strong>s usages et <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s : c'est<br />

une superficie qui varie suivant les lieux; mais le<br />

foliet est dans le coeur humain y qui est le même partout<br />

où l'é<strong>du</strong>cation et le gouvernement n'ont pas<br />

fiiit les femmes esc<strong>la</strong>ves. 11 n'y a donc nulle raison<br />

<strong>de</strong> nous persua<strong>de</strong>r qu'Hermtone 9 Oreste, Pyrrhus,<br />

Mouline, Ipbigénie, n'ont pas pensé et senti à peu<br />

près comme nous pourrions penser et sentir dan»<br />

les mêmes situations. Les Turcs, quoique nos contemporains,<br />

nous sont moins connus : mais si

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