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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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6SS<br />

COURS DE UTTEEATU1E.<br />

Il pièce; car elfe renferme tout ce que le poète a<br />

fait 9 et tout ce qu'il pouvait faire <strong>de</strong> mieux. Ce que<br />

fat dit n'en est que le développement ; mais <strong>la</strong> conséquence<br />

que j'en tire est fort différente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong><br />

Rousseau 9 qui ajoute tout <strong>de</strong> suite :<br />

«'Es cette occasion, <strong>la</strong> force <strong>de</strong> <strong>la</strong> verte l'emporte sur<br />

Fart <strong>du</strong> poète. »<br />

Un homme qui aurait été d'accord avec lui-même,<br />

et qui n'aurait pas eu ne paradoxe à soutenir, aurait<br />

dit : Rien ne fait mieux voir à <strong>la</strong> fois et <strong>la</strong> force<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vertu , et celle <strong>du</strong> talent <strong>de</strong> Molière , puisqu'on<br />

faisant rire dm i^f&mis réek, il fait toujours respecter<br />

<strong>la</strong> vertu, et ne permet pas que le ridicule<br />

aille jusqu'à elle. Ou il n'y a plus <strong>de</strong> logique au<br />

mon<strong>de</strong> i ou il faut admettre cette conséquence dont<br />

tous les termes sont contenus dans <strong>de</strong>s prémisses<br />

avouées.<br />

Quel était le but <strong>de</strong> Rousseau? 11 vou<strong>la</strong>it prouver<br />

que <strong>la</strong> comédie était un établissement contraire aux<br />

bonnes moeurs. S'il n'eût attaqué que quelques ouvrages<br />

où en effet elles sent blessées, et qui ne sent<br />

que faims <strong>de</strong> Fart, cette marche ne l'aurait pas mené<br />

loin. Il attaque une comédie regardée comme une<br />

<strong>de</strong>s plus morales dont <strong>la</strong> scène puisse se vanter,<br />

bien sûr que, s'il abat te Misanthrope, ce chefd'œuvre<br />

entraînera tout le reste dans sa chute. S'il<br />

lui échappe <strong>de</strong>s aveux qui le condamnent , c'est qu'il<br />

croit pouvoir s'en tirer; et quoique cette confiance<br />

le trompe, il a <strong>du</strong> moins rempli un objet qui n'est<br />

pas indifférent pour <strong>la</strong> célébrité 9 celui d'étonner par<br />

<strong>la</strong> singu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong>s opinions nouvelles, et par le talent<br />

<strong>de</strong> les soutenir.<br />

Cm est une bien nouvelle assurément que celle-ci :<br />

« Melièra a mal saisi te caractère <strong>du</strong> Misanthrope. Peo§@t-oii<br />

que ce soit par erreur ? Nos sans doute : mali le désir<br />

<strong>de</strong> faire rire aux dépens <strong>de</strong> personnage Fa forcé <strong>de</strong> le dégra<strong>de</strong>r<br />

contre <strong>la</strong> vérité <strong>du</strong> caractère. »<br />

Et quel est celui que Rousseau voudrait qu'on eût<br />

donné au Misanthrope? Le voici :<br />

« H fal<strong>la</strong>it que te Misanthrope rot toujours furieux contre<br />

tes vices publics ; et toujours tranquille sur les méchancetés<br />

personnelles dont U esMa victime. »<br />

En conséquence, Alceste, selon lui, doit trouver<br />

tout simple qn'Oronte, dont il a blâmé les vers, s'en<br />

venge par <strong>de</strong>s calomnies ; que ses juges lu! fassent<br />

perdre son procès, quoiqu'il dût le gagner, et que<br />

sa maîtresse le trompe malgré les assurasses qu'elle<br />

lui a données <strong>de</strong> son amour. Ce caractère est fort<br />

beau ; mais c'est <strong>la</strong> sagesse parfaite, et il serait p<strong>la</strong>isant<br />

que Molière eût imaginé <strong>de</strong> <strong>la</strong> jouer. Cette espèce<br />

d'imperturbabilité stoïcienne n'est pas 9 je crois,<br />

très-conforme à <strong>la</strong> nature ; mais à coup sûr elle l'est<br />

encore moins I l'esprit <strong>du</strong> théâtre. Molière pensait<br />

cpeja comédie doit peindre l'homme; il a cru que,<br />

si jamais elle pouvait nous présenter lia tableau instructif<br />

s c'était en nous <strong>mont</strong>rant combien le sage<br />

même peut avoir <strong>de</strong> faiblesse dans l'âme f <strong>de</strong> défauts<br />

dans rhumerie, et <strong>de</strong> travers dans l'esprit; enfin,<br />

pour me servir <strong>de</strong>s eipressions mêmes <strong>du</strong> Misanthrope,<br />

Que c f esl à tort que sages on 0001 nomme 9<br />

Et que dan§ tous les ©œera II est inftjoufs <strong>de</strong> l'homme<br />

Quelle leçon pour ramonr-propre, qui nous est si<br />

naturel à tous! Quel avertissement d'être attentifs<br />

sur nous, et in<strong>du</strong>lgents pour les autres! Ce<strong>la</strong> oe<br />

vaut-il pas mieux ( même dans les rapports moraui f<br />

et en mettant <strong>de</strong> côté l'effet dramatique ) que dé<br />

nous offrir un modèle presque entièrement idéal ?<br />

Ne vaut-il pas mieui nous <strong>mont</strong>rer les défauts que<br />

nous avons, et dont nous pouvons corriger au moins<br />

une partie, qu'une perfection qui est trop loin <strong>de</strong><br />

nous? Ce n'est donc pas seulement pmafiâre rw<br />

que Mellère a peint son Misanthrope tel qu'il est ;<br />

c'est pour nous instruire. Ainsi, lorsque Alceste<br />

veut fuir dans un désert , où, dit-il 9 on m'a point m<br />

huer les vers <strong>de</strong> messieurs tels, le parterre rit, il est<br />

vrai ; mais <strong>la</strong> raison répond à cette bouta<strong>de</strong> p<strong>la</strong>isante<br />

9 Que , si <strong>la</strong>'sagesse est bonne à quelque chose f<br />

c'est à savoir vivre avec les hommes, et son pas<br />

dans un désert f où elle ne peut servir à rien ; et qu'il<br />

vaut encore mieux avoir un peu <strong>de</strong> comp<strong>la</strong>isance<br />

pour les mauvais vers que <strong>de</strong> rompre avec le genre<br />

humain. Quand 11 s'écrie ? dans son éloquente indignation,<br />

au sujet <strong>de</strong>s calomnies d'Oronte,<br />

Loi cfui cf 11s homme honnête à <strong>la</strong> cour lient le rang,<br />

A'qui je n'ai rten fait qu'être sincère et franc,<br />

Qui me irlenl malgré moi f d'une ar<strong>de</strong>ur emprenée,<br />

Sur <strong>de</strong>s vers qu'il a Mis <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r nu pensée,<br />

El parce que J'en use avec honnêteté,<br />

Et se le veua trahir, lui} si k vérité f<br />

11 ai<strong>de</strong> à nfaeeabterd'aii crime imaginaire.:<br />

Le voilà <strong>de</strong>venu mon plus grand adversaire,<br />

Et Jamais <strong>de</strong> son «sur je n'aurai <strong>de</strong> pardon,<br />

Pour n'avoir pas trouvé que son sonnet fut lion.<br />

Et tes hommes, morbleu t'sont faits <strong>de</strong> cette sorte!<br />

le parterre rit; mais <strong>la</strong> raison répond : Oui, c'est<br />

ainsi-qu'ils sont faits, et ils ont grand tort; mais<br />

comme irons ne leur ôterez pas leur amour-propre,<br />

ne tes choquez pas <strong>du</strong> moins sans nécessité. ¥ou$<br />

n'étiez pas tenu <strong>de</strong> dé<strong>mont</strong>rer en conscience àOroate<br />

que son sonnet ne va<strong>la</strong>it rien. Quelques compliments<br />

en Pair ne vous auraient pas plus compromis<br />

que les formules qui inissent une lettre; c'est<br />

une monnaie dont tout le mon<strong>de</strong> sait <strong>la</strong> valeur,<br />

et Ton n'est pas un fripon pour s'en sertir. On ne<br />

ment pas plus en disant à un auteur que ses Yen<br />

sont bons 9 qu'en disant à une femme qu'elle est jolie;<br />

et les choses restent ce qu'elles sont.

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