la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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S66<br />
COURS DE LITTÉRATURE.<br />
er*. Verres, toutcoupable qu'il était, m sentait appuyé<br />
<strong>du</strong> crédit <strong>de</strong> tout ee qu'il y avait <strong>de</strong> puissant<br />
dans Rome. Les grands, qui regardaient comme en<br />
<strong>de</strong> leurs droits <strong>de</strong> s'enrichir dans le gouvernement<br />
<strong>de</strong>s provinces par les pies criantes concussion*, faisaient<br />
cause commune avec lui, et ne voyaientdans<br />
<strong>la</strong> punition qui le menaçait qu'un exemple à craindre<br />
pour eux. On employait tous les moyens possibles<br />
pour le soustraire à <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong>s lois. Cieéron, à<br />
qui 1 es Siciliens avaient adressé leurs p<strong>la</strong>intes comme<br />
au protecteur naturel <strong>de</strong> cette province, <strong>de</strong>puis qu'il<br />
jr.avait été questeur, était allé sur les lieux recueillir<br />
les témoignages dont il avait besoin contre l'accusé.<br />
11 avait <strong>de</strong>mandé trois mois pour ce voyage; mais<br />
il apprit qu'on s'arrangeait pour traîner l'affaire en<br />
longueur jusqu'à l'année suivante, où M. Métetkts<br />
<strong>de</strong>vait être préteur, et Q. Métellus et Hortensias,<br />
consuls. C'étaient précisément les défenseurs <strong>de</strong><br />
Verres, et ce con<strong>cours</strong> <strong>de</strong> circonstances leur aurait<br />
donné trop <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> le sauver. Gicéron It tant<br />
<strong>de</strong>-diligence, que son information fut achevé en<br />
cinquante jours. Il revint à Rome au moment où on<br />
l'attendait le moins; et considérant que <strong>la</strong> p<strong>la</strong>idoirie<br />
pouvait occuper un grand nombre d'audiences,<br />
et consumer un temps précieux, il It procé<strong>de</strong>r tout<br />
<strong>de</strong> suite à <strong>la</strong> preuve testimoniale, et ne prononça<br />
qu'un seul dis<strong>cours</strong>, dans lequel à chaque fait il citait<br />
les témoins qu'il présentait à son adversaire,<br />
HortensïuS; qui <strong>de</strong>vait les interroger. Les preuves<br />
furent si c<strong>la</strong>ires, les dépositions si accab<strong>la</strong>ntes, les<br />
murmures <strong>de</strong> tout le peuple romain, qui était pré*<br />
sent, scflrent entendre avec tant <strong>de</strong> violence, qu'Horten8ius<br />
s attéré, n'osa prendre <strong>la</strong> parole pour combattre<br />
l'évi<strong>de</strong>nce, et conseil<strong>la</strong> lui-même, k Verres<br />
<strong>de</strong> ne pas attendre le jugement, et <strong>de</strong> s'exiler <strong>de</strong><br />
Borne. Quand on lit dans Gicéron le détail <strong>de</strong> ses<br />
crimes atroces et innombrables, dont un'seul aurait<br />
mérité <strong>la</strong>mort s on est indigné que <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce<br />
romaine, digne d'éloges à tant d'autres égards,'ait<br />
m pi m <strong>de</strong> respect pour le titre <strong>de</strong> citoyen romain que<br />
pour cette justice distributive qui proportionne le<br />
châtiment ail délit, et qu'elle ait permis que tout citoyen<br />
qui se condamnait lui-même à l'exil fût regardé<br />
comme assez puni. Verres cependant eut une In malheureuse;<br />
mais ses crimes n'en forent que l'occasion<br />
et non pas <strong>la</strong> cause. Après 'avoir mené dans son<br />
exil une vie misérable dans l'abandon et lt mépris,<br />
il revint à Rome dans le temps <strong>de</strong>s proscriptions<br />
d'Octave et d'Antoine; mais, ayant eu l'impru<strong>de</strong>nce<br />
<strong>de</strong> refuser à ce <strong>de</strong>rnier les beaux vases <strong>de</strong> Gorinthe<br />
et les belles statues grecques qui étaient le reste <strong>de</strong><br />
ses déprédations en Sicile, ii fut mis au nombre <strong>de</strong>s<br />
proscrits ; et Verres périt comme CIoéroe.<br />
C'est <strong>la</strong> seule fois que m grawl homoie, neopé<br />
feans cesse <strong>de</strong> défendre <strong>de</strong>s accusés; se porta pour<br />
accusateur ; et c'est aussi par cette remarque intéressante<br />
qu'il commence sa première Verrine. La tournure<br />
que prit cette affaire fut cause que <strong>de</strong> sept harangues<br />
dont elle est le sujet, il n'y eut que les <strong>de</strong>ux<br />
premières <strong>de</strong> prononcées. Gicéron écrivit les autres<br />
pur <strong>la</strong>isser un modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière dont une accu<br />
sation doit être suivie et soutenue dans toutes ses<br />
parties. Les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières Verrines, regardées généralement<br />
comme <strong>de</strong>s chefs-d'œuvre, ont pour objet,<br />
l'une, les vols et <strong>la</strong> rapines <strong>de</strong> Verres, l'autre ses<br />
cruautés et ses barbaries. L'une est remarquable<br />
par <strong>la</strong>richesse<strong>de</strong>sdétails, <strong>la</strong> variété et l'agrément <strong>de</strong>s<br />
narrations, par tout fart que l'orateur emploie pour<br />
prévenir <strong>la</strong> satiété, en racontant une foule <strong>de</strong> <strong>la</strong>rcins<br />
dont le fond est toujours le même ; l'autre est admirable<br />
par <strong>la</strong> véhémence et le pathétique, par tous les<br />
ressorts que l'orateur met en œuvrepour émouvoir<br />
<strong>la</strong> pitié en faveur <strong>de</strong>s opprimés, et etclter l'indignation<br />
contre le coupable. Cest cette <strong>de</strong>rnière dont<br />
j'ai cru <strong>de</strong>voir tra<strong>du</strong>ire quelques morceaux : en<br />
nous faisant sentir l'éloquence <strong>de</strong> l'orateur, ils ont<br />
encore pour nous l'avantage précieux <strong>de</strong> nous donner<br />
une idée <strong>du</strong> pouvoir arbitraire qu'exerçaient îm<br />
gouverneurs romains dans les provinces qui leur<br />
étaient confiées, et <strong>de</strong> l'abus horrible qu'ils en Irent<br />
trop souvent, lorsque 1a corruption àm mœurs<br />
Peut emporté sur <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong>s lois. Cest en jetant<br />
les yeux sur ces tableaux qui révoltent l'humanité,<br />
que, malgré tout l'éc<strong>la</strong>t dont <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>ur romain^<br />
frappe l'imagination, on rend grâces au <strong>de</strong>l <strong>de</strong> l'anéantissement<br />
d'une puissance si naturellement<br />
tyranoique, qu'à quelques excès quMk se portât^<br />
il fal<strong>la</strong>it absolument les souffrir, jusqu'à ce que,<br />
le terme <strong>du</strong> gouvernement expiré, on pût aller à Euow<br />
solliciter une vengeance incertaine, faible, tardive,<br />
qui n'expiait point les forfaits et ne réparait<br />
point leff maux. C'est aussi par cette raison que,<br />
sans m'arrête aux discourt re<strong>la</strong>tifs à <strong>de</strong>s causes<br />
particulières, et dont les détails ne peuvent guère<br />
nous intéresser en eux-mêmes, j'ai choisi <strong>de</strong> préférence<br />
tous les exemples que je me propose <strong>de</strong> citer<br />
dans les harangues où l'intérêt public est mêlé» et<br />
où l'éloquence et l'histoire se réunissent ensemble<br />
pour nous instruire et nous émouvoir.<br />
mmm m. — ïm Verrines.<br />
Au moment où Verres fut chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> préfure<br />
<strong>de</strong> Sicile, les pirates infestaient les mers qui baignent<br />
cette fie et les cotes d'Italie. Son <strong>de</strong>voir était d'entretenir<br />
<strong>la</strong> lotte que <strong>la</strong> république armait poVIT les<br />
combattre et proléger son commerce. Maïs l'avarice<br />
<strong>du</strong> préteur ne vit dans ces moyens <strong>de</strong> défense qu'on