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la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal

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338 CÛUtS DE LHTÉMTU1E.<br />

Juvénal et tant d'autres écrivains, ont rappelé, et<br />

que <strong>la</strong> postérité lui a conservé : Salluste n'en parle<br />

tout le reste. Des auteurs dignes <strong>de</strong> foi s'aceonfait<br />

à dire qu'il u<br />

pas \ Les magistrats <strong>de</strong> Capoue, <strong>la</strong> première<br />

ville municipale d'Italie, décernent à Cîeéron une<br />

statue pour avoir sauvé Rome pendant son consu<strong>la</strong>t<br />

: Salluste n'en parle pas. Enfin le sénat lui aecor<strong>de</strong><br />

on honneur dont il n'y a?ait point d'exemple :<br />

il ordonne ee qu'on appe<strong>la</strong>it <strong>de</strong>s supplications dans<br />

les temples, et ce qui n'avait jamais lieu que pour<br />

les triomphateurs. Cette distinction inouïe est<br />

assez remarquable : Salluste n'en parle pas. 11 y a<br />

plus : qu'on lise son histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre <strong>de</strong> Catîlina;<br />

tout y est parfaitement détaillé , excepté ce<br />

que fit Cicéron **, sans lequel rien ne se serait fait.<br />

Est-ce là <strong>la</strong> fidélité <strong>de</strong> l'histoire? Est-ce là remplir<br />

son objet le plus utile et le plus respectable, celui<br />

<strong>de</strong> <strong>mont</strong>rer <strong>la</strong> punition <strong>du</strong> crime et <strong>la</strong> récompense<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vertu? Mais comme <strong>la</strong> passion raisonne mal!<br />

Comment Salluste n'a-t-il pas senti que ce silence,<br />

quis dans un homme indifférent, serait une omission<br />

condamnable, dans un ennemi était une bassesse<br />

odieuse? En se taisant sur <strong>de</strong>s faits publics,<br />

croyait-il les faire oublier? Croyait-il que d'autres<br />

se les écriraient pas ? If a-t-îl pas dû prévoir que ces<br />

réticenees perfi<strong>de</strong>s n'auraient d'autre effet, si ce<br />

n'est qu'on saurait à jamais que ces honneurs avaient<br />

été décernés à Cicéron , et que Salluste n'en avait<br />

rien dit?<br />

Au reste, le caractère d'un ennemi tel que tous<br />

les anciens nous ont peint Salluste, fait honneur à<br />

Cicéron. Les témoignages sont aussi unanimes sur<br />

<strong>la</strong> perversité <strong>de</strong> ses mœurs que sur <strong>la</strong> supériorité <strong>de</strong><br />

sus talents. 11 ail<strong>la</strong>it qee le dérèglement <strong>de</strong> sa con<strong>du</strong>ite,<br />

dont parle Horace dans ses Satires, allât<br />

jusqu'à Tinfamiê, puisqu'il fut chassé <strong>du</strong> sénat par<br />

le préteur Appius Pulcher, dans un temps où <strong>la</strong> censure<br />

, autrefois sévère comme les mœurs publiques,<br />

s'était relâchée elle-même, et corrompue comme<br />

* Lt>mpe Catlilsa appelle Cteéros inqmiimm emk wrMs<br />

Bamm, Salinité m dit-U pas que les sénateurs^ saisis dis-'<br />

iUgoatloa, traiterait <strong>de</strong> parrici<strong>de</strong>, û'enmemi êe ta patrie,<br />

«M qui osait insulter CSeéroa ; Oèitmpere mmmf kmtem<br />

ai§ue pmrrwMam memm. (Bel. Catii. cap. uu.)<br />

••Mais m lit-on pas dans Salluste : Tùm TmUim comulwaiimmn<br />

kmêmii îmmîmiammiqm uîiimm reipmèiktÊ, qusm<br />

pmtm teriptam edèdit Hlndique-Ml pas <strong>la</strong> source oo l'ou<br />

peut puiser les détails cpe <strong>la</strong> rapidité <strong>de</strong> sa narration ne lui<br />

a pas permis <strong>de</strong> iloasar ? Un ennemi lâchement méchant eût-<br />

Il il Mes dépeint Fasiiété paternelle <strong>de</strong> Cicéron f Ai Mmm<br />

in§em mm utque imUUm mmmi mxmpapere. Nom Imtaè&twr,<br />

emtfwuthme patef&cta, cwitatem perimlm ereptam este;<br />

p&rro autem ammm anxim ermi, in wmximo sceiere tanMs<br />

ewBu» éeprekemm, qmié facto opm émet; pœn&m Ul&rum<br />

iiM omete, impmniUtem perëendm nipubltem crt<strong>de</strong>bst.<br />

(Cap. ILVI.) Et CSeéroa a'est-i! pas à l'Instant résolu à tout<br />

encourir pour sauter sa patrie? Où est doue ce mensonge <strong>de</strong><br />

féUeesee? Où «f donc mite méchanceté qui m mckeponr m<br />

pm nmgir?<br />

f a foulu qu'imposer à ses lecteurs,<br />

et tromper*<strong>la</strong> postérité, eu affectant dans ses ouvrages<br />

le <strong>la</strong>ngage le plus austère, et en éta<strong>la</strong>nt un®<br />

moral® qui n'était pas celle île son cœur; qu'il ne<br />

recherchait les expressions anciennes que pour faire<br />

crelre que ses principes se sentaient, ainsi que son<br />

style, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong>s premiers Ages <strong>de</strong> <strong>la</strong> république;<br />

qu'enfin il n'empruntait les termes dont Caton<br />

le censeur s'était servi dans son livre <strong>de</strong>s Origines<br />

que pour paraître ressembler en quelque chose à ce<br />

modèle <strong>de</strong> vertu, que d'ailleurs il était si loin d'imiter^<br />

Il <strong>du</strong>t son élévation et sa fortune à César, qui, en<br />

qualité <strong>de</strong> chef <strong>de</strong> parti, ne pouvait pas' être délicat<br />

sur le choii <strong>de</strong>s hommes : c'est un principe et un<br />

malheur <strong>de</strong> l'ambition <strong>de</strong> m servir <strong>de</strong>s vices d'autrui.<br />

Ce fut César qui le it rentrer dans le sénat, et<br />

lui procura par son crédit <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong> préteur. Salluste<br />

je servit bien dans le guerre d'Afrique s et après<br />

<strong>la</strong> victoire il obtint pour récompense le gouvernement<br />

<strong>de</strong> Numidie f avec le titre <strong>de</strong> propréteur. C'est<br />

là que | par toutes sortes <strong>de</strong> brigandages, il amassa<br />

<strong>de</strong>s richesses immenses, dont il jouit avec d'autant<br />

plus <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isir, que <strong>la</strong> dissipation <strong>de</strong> son patrimoine<br />

l'avait ré<strong>du</strong>it à <strong>la</strong> pauvreté* 11 acheta ces jardins<br />

fameux, connus <strong>de</strong>puis sous le nom <strong>de</strong> Jardins <strong>de</strong><br />

SmUusêê, et une maison <strong>de</strong> campagne délicieuse auprès<br />

<strong>de</strong> Tivoli. Le cri lut général 9 et les peuples <strong>de</strong><br />

sa province l'accusèrent <strong>de</strong> concussion auprès <strong>de</strong><br />

Gésarfttlors dictateur. Mais comment celui qui 9 aiii<br />

yeux <strong>de</strong> tous les Romains, avait enlevé le trésor publie<br />

<strong>du</strong> temple où il était renfermé, pouvait-il punir<br />

un concussionnaire? La guerre civile n'est pas<br />

le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> justice. Salluste fut dispensé <strong>de</strong> ré»<br />

pondre, en donnant au maître qu'il avait servi une<br />

partie <strong>de</strong> l'argent qu'il avait volé, et s'assura une<br />

possession paisible pour le reste <strong>de</strong> sa vie. Tel est<br />

l'homme qui, dans ses écrits, invective contre <strong>la</strong><br />

dépravation générale t et rappelle sans cesse les<br />

mœurs antiques.<br />

On ne peut pas dire <strong>de</strong> Tacite , comme <strong>de</strong> Salluste,<br />

que ce n'est qu'un parleur <strong>de</strong> vertu : il <strong>la</strong> fait respecter<br />

à ses lecteurs, parce que lui-même parait <strong>la</strong><br />

sentir. Sa diction est forte comme son âme, singulièrement<br />

pittoresque sans jamais être trop figurée,<br />

précise sans être obscure, nerveuse sans être ten<strong>du</strong>e.<br />

Il parle à <strong>la</strong> fois à l'âme, à l'imagination, à l'esprit.<br />

On pourrait juger <strong>de</strong>s lecteurs <strong>de</strong> Tacite par<br />

le mérite qu'ils lui trouvent, parce que sa pensée est<br />

d'une telle éten<strong>du</strong>e, que chacun y pénètre plus ou<br />

moins, selon le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> ses forces. 11 creuse à<br />

un© profon<strong>de</strong>ur immense, et creuse sans effort. Il

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