la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
C0U1S DE UTTÉ1ATU1E.<br />
143<br />
achève <strong>de</strong> le pousser à bout; et même le dénuement<br />
f qu'il a accommodé à notre théâtre.<br />
La pièce (but il a tiré le rdfte ée r Avare a pour<br />
titre tÀuimMfê, d'un mot <strong>la</strong>tin qui signifie pot <strong>de</strong><br />
terre, parce que l'Avare <strong>de</strong> P<strong>la</strong>ute, Euelion, a trouvé<br />
dans sa maison un trésor dans un pot <strong>de</strong> terre que<br />
son grand-père avait enf oui. Bans <strong>la</strong> pièce française,<br />
ce trésor n'a pas été trouvé, il a été amassé; ce qui'<br />
?aut beaucoup mieux. Ile pies, Harpagon est riche<br />
et connu pour tel ;cequirendsQoavarice plus.odieuse<br />
et moins excusable. Euelion est pauvre, et est à<br />
peu près dane le cas <strong>du</strong> savetier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Fontaine, à<br />
qui ses cent éem tournent <strong>la</strong> tête. EucMoa, <strong>de</strong>puis<br />
qu'il a trouvé un trésor, n'est oeeupé qu 9 à le gar<strong>de</strong>r.<br />
Il est <strong>du</strong>s <strong>de</strong>s transes continuelles, et se refuse<br />
tout, <strong>de</strong> peur qu'on ne se doute <strong>de</strong> sa bonne<br />
fortune. Ce taMeau est vrai, et tous les traits en<br />
sontfrafpaiits. Euelion ©uvra<strong>la</strong> scène, comme dans<br />
Molière, en querel<strong>la</strong>nt sa servante , parée qu'il imagine<br />
qu'elle se doute <strong>du</strong> trésor, et qu'elle cherche à<br />
le voler. Il répète sans cesse qu'il est pauvre, ce<br />
qui est fort bien ; mais Harpagom dit <strong>la</strong> même efaosey<br />
ce qui est encore mieux» parée qu'on sait le contraire,<br />
Euelion met sa servante <strong>de</strong>hors pendant qu'il<br />
va dans l'intérieur <strong>de</strong> sa maison faire h visite <strong>de</strong><br />
son trésor : il est obligé <strong>de</strong> sortir, quoique à regret s<br />
et il en a une bonne raison 9 c'est qu'il va à une assemblée<br />
<strong>du</strong> peuple où l'on distribue <strong>de</strong> l'argent. Il<br />
ne faut rien moins pour faire sortir un avare. Obligé<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong>isser sa servante pour gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> maison, it lui<br />
défend d'ouvrir à personne, pas même à h Fortune,<br />
si elle se présentait. J'en serais bien étonnée, dit<br />
dit: ^oyomiaêmisièm, il Meuse <strong>la</strong> vraiseplifaiii».<br />
Euelion, qui n'est pas fou 9 sait bien qu'on n'a- que<br />
<strong>de</strong>ux mains. Molière a pourtant profité <strong>de</strong> ce trait ;<br />
maïs comment ? Harpagon, après avoir vu une main,<br />
dit : L'autre; et après avoir vu <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> f il dit encore,<br />
L'autre. Il n'y a.rien <strong>de</strong> trop, parce que <strong>la</strong><br />
passion peut lui'faire oublier qu'il en a vu <strong>de</strong>ux;<br />
mais elle ne peut pas lui persua<strong>de</strong>r qu'on en a trois.<br />
Le mot <strong>de</strong> P<strong>la</strong>nte est d'un farceur, celui <strong>de</strong> Molière<br />
est d'un comique. '<br />
Un voisin riche vient <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>la</strong> 111e d"EiicKon<br />
, en mariage. Il croit d 9 abord qu'on a f<strong>la</strong>iré le trésor;<br />
mais on offre <strong>de</strong> <strong>la</strong> prendre sans dot, et ce<strong>la</strong> le rassure.<br />
On sait quel parti Molière a tiré <strong>de</strong> ce mot<br />
sans dot, qui lui a fourni une <strong>de</strong>s meilleures scènes<br />
<strong>de</strong> sa pièce. Le gendre (FEucKon envoie <strong>de</strong>s cuisi<br />
niers chez lui, en son absence, pour préparer le repas<br />
<strong>de</strong>s noces, et fait porter tontes les provisions et<br />
tous les instruments <strong>de</strong> cuisine. Euelion, <strong>de</strong> retour,<br />
jette <strong>de</strong>s cris horribles y bat les cuisiniers, les met<br />
<strong>de</strong>hors, et gar<strong>de</strong> tout ce qu'on a apporté. Fort bien:<br />
mais faime encore mieux l'idée dn jwete français,<br />
qui, faisant soi avare amoureux y a mis aux prises<br />
les <strong>de</strong>ux passions qui vont le plus mal ensemble.<br />
La perfection <strong>du</strong> comique, c'est <strong>de</strong> mettre le caractère<br />
en contraste avec <strong>la</strong> situation. Bien n'est si<br />
divertissant que les angoisses d<br />
<strong>la</strong> servante; eUe me nous a jamais ren<strong>du</strong> visite.<br />
EUCLION. Fats bonne gar<strong>de</strong>. LA SBHVANTB. Et<br />
que voukz-vous que je gar<strong>de</strong>? M n'y a chez vous<br />
que <strong>de</strong>s Mks d'araignées. EUCLïOM. Je veux qu'il<br />
y en ait Je te dépends <strong>de</strong> ks ba<strong>la</strong>yer* Je reviens<br />
dam k moment : ferme ta porte aux verrous, et<br />
m'ouvre è gui que ce soit* Éteins kfeu, <strong>de</strong> peur<br />
qu'on ne t'en <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Tu es morte f sijenetroum<br />
pas kfm éteint* Si l'on vient te <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r dm/eu,<br />
dis que nous m'en avons pas. Si l'on vient te <strong>de</strong>-<br />
' man<strong>de</strong>r un couteau, un mortier, un couperet, quelqu'un<br />
<strong>de</strong>s usiensUes que ks voisins ont coutume<br />
d'emprunter, dis que ks vokurs ont tout emporté.<br />
Tous ces traits ont <strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité ; mais en voici<br />
qui sont outrés et hors <strong>de</strong> nature. On dit d'Euclîon<br />
qu'il se p<strong>la</strong>int qu'on le pille, quand <strong>la</strong> fumée<br />
<strong>de</strong> ses tisons sort <strong>de</strong> chez lui; qu'endormant il se<br />
met un soufflet dans Sa bouche 9 pour ne pas perdre<br />
sa respiration; qu'il ramasse les rognures <strong>de</strong> ses ongles,<br />
etc. C'est passer le but. De même lorsque<br />
après avoir examiné les <strong>de</strong>ux maint d'un esc<strong>la</strong>ve, il<br />
Y un avare qui se croit<br />
obligé <strong>de</strong> donner à dfner à sa préten<strong>du</strong>e, et qui voudrait<br />
bien ne pas dépenser beaucoup d'argent. Ce<br />
sont là <strong>de</strong> ces moments où le poète peut prendre<br />
<strong>la</strong> nature sur le fait, etqudwteiiryanftMrieoainie<br />
Molière?<br />
Enfin, le trésor cfIndien est découvert et volé<br />
par un esc<strong>la</strong>ve s et il se trouve en mime temps que<br />
sa fille a été violée par celui qui veut l'épouser, litclion<br />
ignore ce <strong>de</strong>rnier inci<strong>de</strong>nt, et n'est occupé que<br />
<strong>de</strong> son trésor, lorsque l'amant <strong>de</strong> sa allé vient lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pardon <strong>de</strong> son attentât; en sorte que tout<br />
ce que l'un dit <strong>de</strong> <strong>la</strong> lîîe violée est appliqué par l'autre<br />
au trésor emporté, méprise p<strong>la</strong>isante et théâtrale,<br />
dont Molière a bien connu <strong>la</strong> valeur; mats, substituant<br />
un moyen plus honnête* il a supposé que le<br />
jeune homme qui aime <strong>la</strong> fille ff Harpagon est dans<br />
<strong>la</strong> maison, déguisé en valet. Ce<strong>la</strong> pro<strong>du</strong>it là rtéme<br />
scène, les mêmes aveux, le. même dialogue à double<br />
entente, et enfin cette exc<strong>la</strong>mation qui a fait<br />
proverbe : Les beaux yeux <strong>de</strong> mm cassette ! mot<br />
qui n'est point une charge, parce qu'il est impossible<br />
qu'Harpagon ne le dise pas. Il voit un coupable<br />
qui avoue .: on lui parle <strong>de</strong> trésor; il ne songe<br />
qu'au sien, à sa cassette, enfin on lui parle <strong>de</strong> beaux<br />
yeux. Les beaux yeux <strong>de</strong> ma cassette! ce mot doit<br />
lui échapper. 11 est excessivement gai, mais en n'est