la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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m<br />
COURS DE LITTÉRATURE.<br />
nombreuse et publique , plus <strong>la</strong> supériorité est éc<strong>la</strong>tante.<br />
Or, il n'eu était pas <strong>de</strong> Rome comme <strong>de</strong> quelques<br />
gouvernements mo<strong>de</strong>rnes, où les titu<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s<br />
gran<strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ces ne les possè<strong>de</strong>nt pas toujours pour<br />
les remplir» où Ton convient d'une espèce <strong>de</strong> partage<br />
qui donne le pou?bir, les honneurs et les Émoluments<br />
aui chefs, et le travail aui subalternes;<br />
enûn f où quiconque a <strong>de</strong> quoi payer en secrétaire<br />
peut à toute forée se dispenser <strong>de</strong> savoir écrire une<br />
lettre. A Rome, on ne pouvait pas si facilement se<br />
cacher dans son impuissance 9 et ne paraître que sous<br />
le nom d*autrui. Il fal<strong>la</strong>it payer <strong>de</strong> sa personne, et<br />
m pro<strong>du</strong>ire au grand jour; il fal<strong>la</strong>it savoir parler<br />
au sénat, <strong>de</strong>vant le peuple et au forum, souvent jsans<br />
préparation, et toujours <strong>de</strong> mémoire ; et si Ton n'était<br />
pas obligé <strong>de</strong> s'en acquitter avec un grand succès,<br />
il était <strong>du</strong> moins honteux <strong>de</strong> <strong>mont</strong>rer <strong>de</strong> f incapacité :<br />
<strong>de</strong> là ces étu<strong>de</strong>s si longues et si multipliées, qui<br />
étaient celles <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> jeunesse romaine, <strong>de</strong>puis<br />
les ils <strong>de</strong>s causals jusqu'à ceux <strong>de</strong>s affranchis; <strong>de</strong><br />
là cette nécessité <strong>de</strong> se <strong>mont</strong>rer tel qu'on était <strong>de</strong>vant<br />
une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> juges qui, voyant tous les jours<br />
ce qu ! ils pouvaient attendre <strong>de</strong> chacun, étaient intéressés<br />
à mettre chacun à sa p<strong>la</strong>ce. C'est ainsi que<br />
<strong>de</strong>s hommes qui n'avaient d'antre recommandation<br />
que leur mérite, parvenaient à ces dignités éminentes<br />
où ta plus'gran<strong>de</strong> naissance ne con<strong>du</strong>isait pas<br />
toujours; c'est ainsi qu'un Cicéron, né dans un vil<strong>la</strong>ge<br />
d'Italie, obtint le consu<strong>la</strong>t, que Ton refusait<br />
» aux Catîliaa 9 aux Céthégus, aux Lentuius, issus <strong>de</strong>s<br />
plus gran<strong>de</strong>s familles <strong>de</strong> Rome, et parés <strong>de</strong> ces noms<br />
fameux que Fou respectait <strong>de</strong>puis l'origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> ré*<br />
publique. Ce même Cicéron, né parmi nous, n'eût<br />
été probablement qu'un homme <strong>de</strong> lettres célèbre,<br />
ou un excellent avocat.<br />
Si Ton a ces idées bien présentes à f esprit, on<br />
ne sera pas. étonné <strong>du</strong> nom et <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong>s in*<br />
teriocuteurs qu'a choisis Cicéron dans les dialogues<br />
qui composent ses trois livres intitulés <strong>de</strong> l'Orateur;<br />
car, à l'exemple <strong>de</strong> P<strong>la</strong>ton, il semble avoir adopté<br />
<strong>de</strong> préférence <strong>la</strong> forme <strong>du</strong> dialogue dans presque<br />
tout ce qu'il a écrit sur <strong>la</strong> philosophie ou sur l'éloquence.<br />
Cette forme, a <strong>de</strong> grands avantages; elle<br />
ête au ton didactique ce qu'il a <strong>de</strong> naturellement<br />
impérieux, en substituant <strong>la</strong> discussion <strong>de</strong> plusieurs<br />
à renseignement d'un seul; elle écarte <strong>la</strong> monotonie,<br />
en variant le style suivant les personnages;<br />
elle tempère <strong>la</strong> sécheresse et l'austérité <strong>de</strong>s préceptes<br />
par l'agrément <strong>de</strong> <strong>la</strong> conversation; enfin, elle<br />
développe le pour et le contre <strong>de</strong> chaqpe opinion,<br />
avec <strong>la</strong> vivacité et l'abondance que chacun <strong>de</strong> nous<br />
a naturellement en soutenant l'avis qui lui est propre<br />
; tilt <strong>mont</strong>re les objets sous toutes les faces et<br />
dans le plus grand jour. On a objecté qu'elle avait<br />
un inconvénient, celui dé<strong>la</strong>isser quelquefois en doute<br />
quel est' fa?is <strong>de</strong> Fauteur loi-même. On a fait ce reproche<br />
à P<strong>la</strong>ton plutôt qu'à Cicéron; et je ne crois<br />
pas qu'au fond Fun le mérite plus que l'autre. 11 est<br />
assez facile, par le p<strong>la</strong>n même <strong>du</strong> dialogue, <strong>de</strong> voir<br />
dans <strong>la</strong> bouche <strong>de</strong> qui doit se trouver <strong>la</strong> doctrine<br />
que Fauteur croit <strong>la</strong> meilleure. On peut croire, par<br />
exemple, toutes les fois que P<strong>la</strong>ton met Sqcrate en<br />
scène, quec'est par sa voix, qu'il va s'expliquer, parce<br />
qu'il est assez vraisemb<strong>la</strong>ble que P<strong>la</strong>ton ayant été<br />
disciple <strong>de</strong>Socrate, ce qu'il fait dire à son maître est<br />
précisément ce qu'il pense lui-même. Quand Cicéron<br />
fait parier Antoine et Crasses, Fun sur les moyens<br />
que peut employer l'orateur dans les questions judt-<br />
•ciaires, l'autre sur l'élocution qui lui convient, il est<br />
bîenévi<strong>de</strong>ntque leurs principessontceux<strong>de</strong>Cicéron,<br />
qui les nomme, en vingt endroits <strong>de</strong> .sesouvrages,<br />
les <strong>de</strong>ux hommes les plos éloquents dont Rome puisse<br />
se gloriËer.'Mais quelle distance d'un traité <strong>de</strong> rhétorique,<br />
rédigé dans <strong>la</strong> forme usuelle et méthodique*<br />
et tel qu'un maître le dicte à <strong>de</strong>s écoliers, à cette<br />
conversation si noble et si imposante établie par<br />
Cicéron ! Quelle manière plus heureuse <strong>de</strong> donner<br />
une gran<strong>de</strong> idée <strong>de</strong> son art, que <strong>de</strong> représenter les premiers<br />
hommes <strong>de</strong> <strong>la</strong> république, <strong>de</strong>s personnages consu<strong>la</strong>ires,<br />
tels qu'Antoine et Crasses, et son gendre<br />
Scévo<strong>la</strong>, grand pontife, et <strong>la</strong> lumière <strong>du</strong>'barreau ro<br />
main pour <strong>la</strong> jurispru<strong>de</strong>nce, employant le loisir et le<br />
repos <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne 9 pendant le peu <strong>de</strong> jours <strong>de</strong> liberté<br />
que leur <strong>la</strong>isse <strong>la</strong> solennité <strong>de</strong>s jeux publics,<br />
à s'entretenir sur l'éloquence, en présence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
jeunes gens <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> espérance,' Lacîus<br />
Cotta et Servies Sulpicius, qui pressent ces grands<br />
hommes <strong>de</strong> leur révéler leurs idées et leurs observations<br />
sur cet art dont ils ont été <strong>de</strong>puis longtemps<br />
les modèles ! Tel est l'entretien que Cicéron suppose<br />
avoir eu lieu lorsqu'il était à peine sorti <strong>de</strong>f enfance,<br />
environ cinquante ans avant le temps où 11 écrit t<br />
et lui avoir été rapporté par Cotta. C'est un effort<br />
<strong>de</strong> mémoire qu'il prétend faire en faveur <strong>de</strong> son frère<br />
Quintus, qui lui avait <strong>de</strong>mandé ses idées sur l'éloquence.<br />
11 est probable qu'en effet cette conversation<br />
n'était pas tout à fait une supposition; que Cotta<br />
en avait parlé à Cicéron, et lui en avait rapporté les<br />
principaux résultats; que celui-ci, dans< <strong>la</strong> suite,<br />
saisit l'occasion <strong>de</strong> travailler sur un fonds qui lui<br />
avait paru intéressant et riche ; et que le prince <strong>de</strong>s<br />
orateurs romains, quelque droit que lui donnassent<br />
<strong>la</strong> gloire et <strong>la</strong> vieillesse (il avait alors soixante et un<br />
ans) <strong>de</strong> dicter les leçons <strong>de</strong> son expérience et les lois<br />
<strong>de</strong> son génie, aima mieux se dérober au danger <strong>de</strong><br />
s'érige? en légis<strong>la</strong>teur, et préféra se mettre à.couvert