la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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294 C0U1S .DE LITTÉMTOIE.<br />
sar et Cicéron eurent toujours Fan pour l'autre. Ces<br />
<strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s âmes <strong>de</strong>vaient se connaître et s'entendre,<br />
quoique César ne pût aimer dans Cicéron le<br />
défenseur <strong>de</strong>s lois et <strong>de</strong> <strong>la</strong> république, et que Cicéron<br />
ne pût aimer dans César leur ennemi et leur<br />
oppresseur. Ils se rapprochaient par le caractère,<br />
quoiqu'ils s'éloignassent parles principes. Us avaient<br />
le même amour pour <strong>la</strong> gloire, le même goût pour<br />
les lettres 9 le même fonds <strong>de</strong> douceur et <strong>de</strong> honte.<br />
Il y a sans doute une autre sorte <strong>de</strong> mérite, une autre<br />
espèce <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur. Je se prétends fien (ter à Ca»<br />
ton et à Bratus; je les révère. Mais ils ont eu quelquefois<br />
besoin d'excuse dans leurs vertus rigi<strong>de</strong>s :<br />
pourquoi n'es accor<strong>de</strong>r aucune à Cïcéron dans ses<br />
vertus modérées, et même à César dans ses fautes<br />
héroïques et éc<strong>la</strong>tantes? Rien n'est parfait dans<br />
l'humanité ; tout a été donné.à l'homme avec mesure<br />
i gardons-<strong>la</strong> dans nos jugements. N'exaltons<br />
pas une vertu pour en humilier une autre. Toutes<br />
sont plus ou moins précieuses, toutes honorent <strong>la</strong><br />
nature humaine; et c'est l'honorer soi-même que <strong>de</strong><br />
leur rendre à toutes le respect qui leur est dû.<br />
L'apologie <strong>de</strong> Cicéroi m'a entraîné : je reviens<br />
à ses talents. Ce que vous avez enten<strong>du</strong> <strong>de</strong> lui le<br />
fait mieus connaître et le loue mieux que tout ce<br />
que j'en pourrais dire ; et d'ailleurs f pour bien louer<br />
Cicéron, a dit Tite-Live, il faut un autre Cfeéron.<br />
A son définit, écoutons QniutiUen, qui, dans un résumé<br />
sur les auteurs <strong>la</strong>tins, s'exprime ainsi ;<br />
« C'est surtout dans FéloqaeDoe qm Rome peut se van*<br />
1er d'avoir égalé <strong>la</strong> Grèce. En effet, à Mot es qm ceDe-d<br />
• déplus grand J'appose hardiment Cicéron. Je s'ignore<br />
pas quel eamhatraurai à soutenir ©outre les partisans <strong>de</strong><br />
Démosthènes ; mais mon <strong>de</strong>ssein n'est pas d'entreprendre<br />
Ici m parallèle inutile à mon objet, puisque moi-ném® je<br />
cite partont Bémosthèoes comme un <strong>de</strong>s premiers auteurs<br />
qu'a fout lire f ou plutôt qu'il faut savoir par cœur. robserverai<br />
seulement que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s quaJités <strong>de</strong> rotateur<br />
sent au même <strong>de</strong>gré dans tous les <strong>de</strong>ux, <strong>la</strong> sagesse <strong>la</strong>mé-<br />
tho<strong>de</strong>, l'ordre <strong>de</strong>s avisions, fart <strong>de</strong>s préparations ' <strong>la</strong> disposées<br />
<strong>de</strong>s preuves, enfin tout ce qui tient à ce qu'on an-<br />
{^Invention. Dans rétention,iy a quelque différence.<br />
L un serre <strong>de</strong> plus près son adversaire, l'autre prend plus<br />
* champ pour combattre. L'en se sert toujours <strong>de</strong> <strong>la</strong> pointe<br />
<strong>de</strong> ses armes , l'autre en fait souvent ientir aussi te poMs<br />
On ne peut rien ote à l'un, rien ajoutera l'autre, il y »<br />
plus <strong>de</strong> travail dans Démosthènes, plus <strong>de</strong> naturel dans Cecéron.<br />
Celui-ci remporte évi<strong>de</strong>mment pour <strong>la</strong> ptatsanter»<br />
et le pathétique, <strong>de</strong>ux puissants ressorts <strong>de</strong> l'art oratoire<br />
Peut-être dira-ton que les mœurs et les lois d'Athènes<br />
m permettaient pas à l'orateur grec les belles péroraisons<br />
<strong>du</strong> hêtre; mais aussi <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue attique lui donnait <strong>de</strong>s<br />
^lettres <strong>de</strong> tous les <strong>de</strong>ux : il n'y â nulle comparaison à<br />
m fiure. D m tutre^, Mmmmimwriâ ma<br />
ta», c'est qu'il est venu le premier, et qu'il a contribué<br />
es gran<strong>de</strong> partie à faire Cicéron ce qu'il est. Il s'est attaché<br />
à imiter les Grecs, et nous a représenté, ce me semble, en<br />
M seul, Sa force <strong>de</strong> Démostiièiies, raboiidimc€<strong>de</strong> Maton,<br />
.et <strong>la</strong> douceur d'Isoerate. Mais ce s'est pas l'étu<strong>de</strong> qu'il<br />
en a peu Mm qui lui & donné ce qu'il y a dans chacun<br />
d'eux : U l'a tiré <strong>de</strong> lui-même, et <strong>de</strong> ©et heureux génie né<br />
pour réunir toutes les qualités. Os dirait qu'il a été formé<br />
par une <strong>de</strong>stination ptAiculièro <strong>de</strong> <strong>la</strong> Provi<strong>de</strong>nce, qui YOStait<br />
taire voir aux hommes Jusqu'où l'étoqueoee pouvait<br />
aller. En effet, qui sait mieux développer <strong>la</strong> vérité? qui<br />
sait émouvoir plus puissamment les pagstons? quel écrivain<br />
est Jamais autant <strong>de</strong> charme? Ce qu'il amehe <strong>de</strong><br />
force, il semble robtenir <strong>de</strong> plein gré; et quand I vous entraîne<br />
avec violence, vous eroyet Se suivre voScmtairenifint.<br />
Il y a dans tout ce qn'il dit une telle autorité <strong>de</strong> raison que<br />
l'on a honte <strong>de</strong> n'être pis <strong>de</strong> son avis. Ce .n'est point un<br />
avocat qui s'emporte, c'est on témoin qui dépose, un juge<br />
qui prononce; et cependant tous ces différents mérites,<br />
dont chacun muterait un long travail à tout autre que lui,<br />
semblent ne lui avoir rien coûté, et dans <strong>la</strong> perfection <strong>de</strong><br />
son style il ©onservê toute <strong>la</strong> grâce <strong>de</strong> k plus heureuse facilité.<br />
C'est donc à juste titre que, parmi ses ««tempe,<br />
rafns, il apassé pour le dominateur <strong>du</strong> barrera, et sue<br />
dans <strong>la</strong> postérité son nom est <strong>de</strong>venu celui <strong>de</strong> l'éloquence.<br />
Ayons te donc toujours <strong>de</strong>vant les yeux, comme le wmêm<br />
qm ron doit se proposer, et que celui-là soit sur d'avoir<br />
profité beaucoup qui aimera beaucoup Cicéron. » (x, L )<br />
J'ai cité cet excellent moroeau d'autant pins volontiers,<br />
qu'il semble exprimer idèlement ce que <strong>la</strong><br />
lecture <strong>de</strong> Cicéroi nous a fait éprouver à tous. M<br />
paraît qu'il en était <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> Qulntiiien, comme<br />
in nôtre, où Ton dit un Cicéron ponr on homme<br />
éloquent, comme nous disons aussi un César pour<br />
donner ridée <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> bravoure. Ces sortes<br />
<strong>de</strong> dénominations, <strong>de</strong>venues popu<strong>la</strong>ires après tant<br />
<strong>de</strong> siècles, n'appartiennent qu'à ont prééminence<br />
Mengénér<strong>de</strong>raentreeonnueet Nntie. Fémion donne<br />
cependant l'avantage à Bémostbènw SOT Cicéron;<br />
il n'est pas, comme on voit, le seul <strong>de</strong> cet avis, pois'<br />
que, au temps où Qatatitien écrivait, bien <strong>de</strong>s gens<br />
pensaient <strong>de</strong> même. Yoici le passage <strong>de</strong> Fénelon,<br />
•qui mérite d'être cité:<br />
« Je ne crains pas dire que Démosthèoei me parait supérieur<br />
à Cicéron. Je proteste que personne n'admire ctot<br />
ron plus que je fais, n embellit tout ce qu'il touche; il <strong>la</strong>it<br />
honneur à <strong>la</strong> parole; il fait <strong>de</strong>s mots ce qu'un autre n'en<br />
saurait faire; il a je se sais oomlt<strong>la</strong>u <strong>de</strong> sortes d'esprits: il<br />
est même court et véhément toutes les fois qu'a veut l'être,<br />
contre CatiSina, contre Verres, contre Antoine. Mais on<br />
remarque quelque parure dans son dis<strong>cours</strong>. L'art y est<br />
merveilleux, mais on l'entrevoit L'orateur, en pensant m<br />
«<strong>du</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong> république, ne s'oublie pas, et ne se <strong>la</strong>isse point<br />
oublier. Démosthènes parait sorlk <strong>de</strong> soi, et ne voir que<br />
Sa patrie. Il ne cherche point le beau s II le fait sans y penser<br />
: il se sert <strong>de</strong> <strong>la</strong> parole, comme un homme mo<strong>de</strong>ste d#<br />
ion habit pour se couvrir. 1 tonne, fl foudroie. C'est un