la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
SIÈCLE DK LOUIS XIV. — POÉSIE. 6îl<br />
Qui est-ce qui égale Racine dans le dialogue? qui<br />
est-ce qui a un aussi grand nombre <strong>de</strong> ces fers pleins,<br />
<strong>de</strong> ces fers nés, qui u ? otit pas pu être autrement<br />
qu'ils ne sont, qu'on retient dès qu'on les entend,<br />
et que le lecteur croit t¥oir faits ? C'est encore Molière.<br />
Quelle foule <strong>de</strong> fers charmants! quelle facilité<br />
! quelle énergie ! surtout quel naturel ! Ne cessons<br />
<strong>de</strong> le dire : le naturel est le charme le plus sûr et le<br />
plus <strong>du</strong>rable; c'est lui qui fait vivre les ouvrages,<br />
parce que c'est lui qui les fait aimer; c'est le naturel<br />
qui rend les écrits <strong>de</strong>s anciens si préeieui f parce<br />
que, maniant un idiome plus heureux que le nôtre 9<br />
ils sentaient moins le besoin <strong>de</strong> l'esprit; c'est le naturel<br />
qoi distingue le plus les grands écrivains, pree<br />
qu'un <strong>de</strong>s caractères <strong>du</strong> génie est <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire sans<br />
effort; c'est te naturel qui a mis <strong>la</strong> Fontaine, qui<br />
n'inienta rien, à cêtê <strong>de</strong>s génies inventeurs; enfin<br />
c'est le naturel qui fait que les Lettres d'urne mère<br />
à mfiik sont quelque chose, et que celles <strong>de</strong> Balzac,<br />
<strong>de</strong> Voiture, et <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>mation et l'affectation en tout<br />
genre f sont, comme dit Sosie , rum ou peu <strong>de</strong> came,<br />
LesCrispins <strong>de</strong>Mégnard, les paysans <strong>de</strong> Dancourt,<br />
font rire au théâtre; Dufresny étincelle d'esprit dans<br />
sa tournure originale : le Joueur et k Légataire sont<br />
d'excellentes comédies; le Glorieux, <strong>la</strong> Miiromar<br />
mie, et k Méchant, ont <strong>de</strong>s beautés d'un autre ordre.<br />
Mais rien <strong>de</strong> tout ce<strong>la</strong> n'est Molière : il a un<br />
trait <strong>de</strong> physionomie qu'os s'attrape point ; os le retrouve<br />
jusque dans ses moindres farces, qui ont toujours<br />
un fonds <strong>de</strong> vérité et <strong>de</strong> morale. Il p<strong>la</strong>ît autant<br />
à <strong>la</strong> lecture qu'à <strong>la</strong> représentation, ce qui n'est<br />
arrivé qu'à Racine et à lui ; et même, <strong>de</strong> toutes les<br />
comédies, celles <strong>de</strong> Molière sont à peu prés les seules<br />
que l'on aime à relire. Plus on connaît Molière,<br />
plus on l'aime; plus os étudie Molière, plus m Pad-<br />
' mire. Après l'avoir blâmé sur quelques articles, os<br />
finit par être <strong>de</strong> son avis : c'est qu'alors os en sait davantage.<br />
Les jeunes gess pensent communément<br />
qu'il charge trop : j'ai enten<strong>du</strong> blâmer k pauvre<br />
homme! répété si souvent J'ai vu <strong>de</strong>puis précisément<br />
<strong>la</strong> même scène, et plus forte encore; et j'ai<br />
compris que lorsqu'on peignait <strong>de</strong>s originaux pris<br />
dans <strong>la</strong> nature, et non pas, comme autrefois, <strong>de</strong>s<br />
êtres imaginaires, l'on ne pouvait guère charger ni<br />
les ridicules ni les passions.<br />
•KTMM BU'— Précis su afflérmtes pièces <strong>de</strong> MôUère.<br />
Aprèsl f <strong>la</strong> cour, où l'os ne retrou?e rien <strong>de</strong> Molière. Un écrivain<br />
supérieur est quelquefois obligé <strong>de</strong> <strong>de</strong>scendre<br />
à ces sortes d'ouvrages, qui ont poor objet <strong>de</strong> faire<br />
valoir d'autres talents que les siens, en amenant <strong>de</strong>s<br />
danses» <strong>de</strong>s chants, et êtes spectacles. On ferait peutêtre<br />
mieux <strong>de</strong> ne pas lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce que tout le<br />
mos<strong>de</strong> peut faire, et ©e qui ne peut compromettre<br />
que lui ; mais en ce genre, comme dans tout autre, il<br />
n'est pas rare d<br />
avoirorâ€tériséeagéséral,jetossuncoup<br />
f œil rapi<strong>de</strong> sur chacune <strong>de</strong> ses pièces, ou <strong>du</strong> moins<br />
sur le plus grand nombre; car toutes ne sont pas<br />
dignes <strong>de</strong> lui, Mélîcerie, <strong>la</strong> Primxsie iïÉB<strong>de</strong>, ks<br />
jtmrJs magnifiques, ne sont ps <strong>de</strong>s comédies;<br />
ce soiit <strong>de</strong>s ouvrages <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s fêtes pour<br />
9 employer les grands hommes aux petites<br />
choses, et les petits hommes aux gran<strong>de</strong>s : Ton<br />
envoyait Vil<strong>la</strong>rs faire <strong>la</strong> paix avec Cavalier, et Tal- ;<br />
<strong>la</strong>rd combattre Eugène et Marlborough. Ainsi, le<br />
génie est forcé <strong>de</strong> sacrifier sa gloire pour obtenir <strong>la</strong><br />
protection ; et si Molière n'eût pas arrangé <strong>de</strong>s ballets<br />
pour <strong>la</strong> cour, peut-être que k Tartufe n'aurait<br />
pas trouvé un protecteur dans L<strong>du</strong>is XIV.<br />
Au reste, quoique le talent s'aime pas à être commandé,<br />
il se tire quelquefois heureusement <strong>de</strong> cette<br />
espèce <strong>de</strong> contrainte; et si Fauteur <strong>de</strong> Zaïre se se<br />
retrouve pas dans k Tempk <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gloire et dans <strong>la</strong><br />
Ptimeesm <strong>de</strong> Navarre, qui ont passé avec les fêtes<br />
où ils ont été représentés, Racine It Bérénice pour *<br />
madame Henriette, ÂîkmUe pour Saint-Cyr; et Meulière,<br />
à qui l'on ne donna que qoinsejours pour composer<br />
et faire apprendre ks Fâcheux f qui furent<br />
joués à Taux <strong>de</strong>vant le roi, n'en it pas à <strong>la</strong> vérité<br />
un ouvrage régulier, puisqu'il n'y a ni p<strong>la</strong>n ni intrigue,<br />
mais <strong>du</strong> moins <strong>la</strong> meilleure <strong>de</strong> ces pièces qu'os<br />
appelle comédies è tiroir. Chaque scène est un chefd'œuvre:<br />
c'est une suite d'originaux supérieurement<br />
peints. La partie <strong>de</strong> chasse et <strong>la</strong> partie <strong>de</strong> piquet<br />
sont <strong>de</strong>s prodiges <strong>de</strong> fart <strong>de</strong> raconter en vers.<br />
L'homme qui veut mettre toute <strong>la</strong> France es ports<br />
<strong>de</strong> mer est <strong>la</strong> meilleure critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> folie <strong>de</strong>s faiseurs<br />
<strong>de</strong> projets. La dispute <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux femmes sur<br />
cette questsos si souvent agitée, s'il faut qu'un véritable<br />
amant soit jaloux ou ne soit pas jaloux, est<br />
le sujet d'une scèse charmante, pleine d'esprit et <strong>de</strong><br />
raison, et qui <strong>mont</strong>re ce que pouvaient <strong>de</strong>venir,<br />
sous 1a plume d'un grand écrivain, ces questions <strong>de</strong><br />
l'ancienne cour d'amour, qui étaient si ridicules<br />
quand Richelieu les faisait traiter <strong>de</strong>vant lui dans<br />
<strong>la</strong> forme <strong>de</strong>s thèses <strong>de</strong> théologie.<br />
Molière ne fut pas si heureux dans k Prince jaloux<br />
ou D. Gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Navarre, espèce <strong>de</strong> tragicomédie,<br />
mauvais genre qui était fort à <strong>la</strong> mo<strong>de</strong> ,<br />
et qu'il eut <strong>la</strong> faiblesse d'essayer, parce que ses<br />
ennemis lui avaient reproché <strong>de</strong> ne pas savoir travailler<br />
dans k genre sérieux. On appe<strong>la</strong>it ainsi un<br />
mé<strong>la</strong>nge <strong>de</strong> conversations et d'aventures <strong>de</strong> roman<br />
que <strong>la</strong> ga<strong>la</strong>nterie espagnole avait mis en vogue,<br />
comme on donnait le nom <strong>de</strong> comédies à <strong>de</strong>s farces<br />
extravagantes.<br />
40.