la harpe. cours de littérature - Notes du mont Royal
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43<br />
ceux dos Latins sont incomplets; cetu <strong>de</strong>s Grecs<br />
tout jusqu'à <strong>la</strong> surabondance, lia seul mot leur<br />
suffit pour exprimer quelque temps que ce soit 9 et<br />
il nous en faut sou?est quatre, c'est-à-dire le verbe,<br />
rauxiliaire avoir, le substastif être, et le pronom :<br />
ittméêê aimé, ils mi été aimés. Les Grecs disent<br />
ce<strong>la</strong> dans un seul mot; et ils ont quatre manières<br />
<strong>de</strong> te dire. Nous n'avons que <strong>de</strong>ux participes f ceux<br />
<strong>du</strong> présent, aiwwntfaàmê : les <strong>de</strong>ux <strong>du</strong> passé et<br />
<strong>du</strong> futur à Pactif ayant aimé, <strong>de</strong>vant aimer9 et les<br />
<strong>de</strong>ux <strong>du</strong> passif, ayant été aimé, <strong>de</strong>vant être aimé,<br />
nous ne les formons, comme oe voit, qu'a?ec<br />
rauxiliaireavoir et le substantif etreXes Latins manquent<br />
<strong>de</strong> ceux <strong>du</strong> passé f et ont ceux <strong>du</strong> futur ; les<br />
Grecs les ont tous, et les ont triples; c'est-à-dire<br />
chacun d'eux a? ee trois terminaisons différentes. —<br />
Mais à quoi bon ce superflu ? s'il n'y a que six participes<br />
<strong>de</strong> nécessaires, pourquoi en avoir dix-huit *?—<br />
Yoilà, diraient les Grecs, une question <strong>de</strong> barbares.<br />
Est-ceqtfïl petit y avoir trop <strong>de</strong> variété dans les sons,<br />
quand on veut f<strong>la</strong>tter l'oreille ? et les poètes ..et les<br />
orateurs sont-ils fâchés d'a?oir à choisir? — Mais<br />
que <strong>de</strong> temps il fal<strong>la</strong>it pour se mettre dans <strong>la</strong> tête<br />
cette incroyable quantité <strong>de</strong> finales d'un même<br />
mot! — Ce<strong>la</strong> ne paraît pas aisé en effet. Cependant<br />
à Rome tout homme bien élevé par<strong>la</strong>it le grec aussi<br />
aisément que le <strong>la</strong>tin, les femmes même le savaient<br />
communément. C'est que Rome était remplie <strong>de</strong><br />
Grecs, et qu'on apprend toujours aisément une <strong>la</strong>ngue<br />
qu'on parle. Mais quand une <strong>la</strong>ngue aussi riche<br />
que, celle-là <strong>de</strong>vient ce qu'on appelle une <strong>la</strong>ngue<br />
savante, une <strong>la</strong>ngue morte, il y a <strong>de</strong> quoi étudier<br />
toute sa vie.<br />
Maintenant, qui ne comprend pas combien cette<br />
nécessité d'attacher à tous les temp» d'un verbe un<br />
ou <strong>de</strong>ux autres verbes surchargés d'un pronom, doit<br />
mettre <strong>de</strong> monotonie, <strong>de</strong> lenteur et d'emharas dans<br />
<strong>la</strong> construction? et c'est encore une <strong>de</strong>s raisons qui<br />
nous ren<strong>de</strong>nt l'inversion impossible. La c<strong>la</strong>rté <strong>de</strong><br />
notre marche méthodique dont nous nous vantons',<br />
quoique assurément elle ne soit pas plus c<strong>la</strong>ire que<br />
<strong>la</strong> marche libre, rapi<strong>de</strong> et variée <strong>de</strong>s anciens y n'est<br />
qu'une suite indispensable <strong>de</strong>s entraves <strong>de</strong> notre<br />
idiome : force est bien à celui qui porte <strong>de</strong>s chaînés<br />
<strong>de</strong> mesurer ses pas ; et nous avons fait, comme<br />
on dit 9 <strong>de</strong> nécessité vertu. Mais quelle foule d'avantages<br />
inappréciables résultait <strong>de</strong> cet heureux<br />
privilège <strong>de</strong> l'inversion ! Quelle prodigieuse variété<br />
d'effets et <strong>de</strong> combinaison§;naissait<strong>de</strong>cettelibre disposition<br />
<strong>de</strong>s mots arrangés <strong>de</strong> manière à faire valoir<br />
* Les Graes n'ont fti© neuf participa èMIaois, ce fat est<br />
noiflé motos que ne te prétend ia Harpe.<br />
COU1S DE-LITTÉRATURE.<br />
toutes les parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> phrape* à les couper, à les surprendre,<br />
à les opposer, à les rassembler, à attacher<br />
toujours l'oreille et l'imagination, sans que toute<br />
cette composition artificielle <strong>la</strong>issât le moindre nuage<br />
dans l'esprit! Pour le sentir, il faut absolument lin<br />
les anciens dans leur <strong>la</strong>ngue : c'est une connaissance<br />
que rien ne peut suppléer. Je voudrais pourtant<br />
donner une idée, quoique très-imparfaite, <strong>du</strong> prix<br />
que peut avoir cet arrangement <strong>de</strong>s mots, et je ne<br />
<strong>la</strong> prendrai pas dans un grand sujet d'éloquence<br />
ou <strong>de</strong> poésief mais dans une fable tirée d'une <strong>de</strong>*<br />
épUres * d'Horace, et imitée par <strong>la</strong> Fontaine. Par<br />
malheur, elle est <strong>du</strong> très-petit nombre <strong>de</strong> celles qui<br />
ne sont pas dignes <strong>de</strong> lui. C'est <strong>la</strong> fable <strong>du</strong> Rat <strong>de</strong><br />
viUe et <strong>du</strong> Rat dm champs, qui, dans Horace, est<br />
un chef-d'œuvre <strong>de</strong> grâce et d'expression. Yoiei <strong>la</strong><br />
tra<strong>du</strong>ction exacte <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premiers vers z . On<br />
racornie que k rat <strong>de</strong>s champs reçut k rat <strong>de</strong> vUk<br />
dans son trou indigent : c'était m vieil hôte d'um<br />
vieil amL Les <strong>de</strong>ux vers <strong>la</strong>tins sont charmants.<br />
Pourquoi ? C'est que, indépendamment <strong>de</strong> l'harmonie,<br />
les mots sont disposés <strong>de</strong> sorte, que champ est<br />
opposé à viUe, rat et rai, vkux à vieux , Mte à «uni.<br />
Ainsi, dans les quatre combinaisons que renferment<br />
ces <strong>de</strong>ux vers, tout est contraste ou rapprochement.<br />
11 est c<strong>la</strong>ir qu'un pareil artifice <strong>de</strong> style (et il y en a<br />
une infinité <strong>de</strong> cette espèce) est absolument étranger<br />
à une <strong>la</strong>ngue qui n'a point d'inversions.<br />
Quinte-Curce, historien éloquent, commence ainsi<br />
son quatrième livre (je conserverai d'abord l'arrangement<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> phrase <strong>la</strong>tine, afin <strong>de</strong> mieux faire<br />
comprendre le <strong>de</strong>ssein <strong>de</strong> Fauteur dans le mot qui <strong>la</strong><br />
finit : le moment <strong>de</strong> son récit est après <strong>la</strong> bataille<br />
d'Issus) :<br />
« Darius, im peu auparavant maître d'osé paissante<br />
armée, et qui s'était avancé §u combat 9 élevé sur ne char,<br />
dans l'appareil d'an triomphateur plutôt que «f aa général »<br />
alors au travers <strong>de</strong>s campagnes qu'il avait remplies <strong>de</strong> ses<br />
innombrables bataillons , et qui n'offraient plus qu'une<br />
•astesolitu<strong>de</strong>, fuyait »<br />
Cette construction est très-mauvaise en français,<br />
et ce mût fityait, ainsi isolé, finit très-mal <strong>la</strong> phrase»<br />
et forme une chute sèche et désagréable : il <strong>la</strong> termine<br />
admirablement dans le <strong>la</strong>tin. 11 est facile d'apercevoir<br />
Fart <strong>de</strong> fauteur, mime sans entendre sa<br />
<strong>la</strong>ngue. A <strong>la</strong> vérité , Ton ne peut pas <strong>de</strong>viner que le<br />
mot fmgiebat, composé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux brèreset <strong>de</strong>afï longues<br />
; complète très-bien 1a pério<strong>de</strong> harmonique f<br />
au lieu qm fuyait est un mot sourd et sec ; mais on<br />
Yoit c<strong>la</strong>irement que <strong>la</strong> phrase est construite <strong>de</strong> ma-<br />
• Citation Fana», lirai, d'mm eu mtèrm : c'ait <strong>la</strong> sixième<br />
dn second livre.<br />
* Mmîîcm urbmtmm wmrmm mut poupin futur<br />
Jeeepim emm. wfanm mtm hm^m amêmm.